Critique de livre > Your best triathlon » par Joe Friel

De François Carillat.

350 pages, Velo Press, Boulder, Colorado

Joel Friel écrit très bien et c’est sans doutes une des raisons pour lesquelles il est un coach qui connait tant de succès : son message est très convaincant et ses lecteurs le mette donc en pratique.  « Your best triathlon ever » est agréable à lire de par le talent de son auteur mais ce n’est pas un livre fait pour vous faire passer bon moment ou pour faire paraître un 2 ou 3 heures d’avion plus court; c’est avant tout un outil pour performer au maximum de vos possibilités triathlétiques.  Vous retirerez le plus de bénéfice de ce livre si vous correspondez au profil suivant :

«Déjà quelques saisons de compétitions derrière moi, j’ai beaucoup progressé aux cours des ces quelques années. Cependant, j’ai atteint un plateau et je souhaite maintenant parfaire ma préparation et ne rien laisser au hasard ou presque en vue d’une compétition objectif A; qui est un ironman. »

Le livre est donc clairement adressé aux « compétitifs » plutôt qu’aux « participatifs ». Parce que Joe Friel se propose d’être votre coach par l’intermédiaire du livre vous être vraisemblablement sans coach en ce moment et je dirais même vous n’avez jamais été vraiment coaché, au moins en triathlon. Joel Friel réfère d’ailleurs souvent au lecteur comme un « self coached athlete ».

Au passage, Joel Friel est aussi l’auteur du livre « The triathlon training bible »  un de livre les plus vendus sur l’entrainement en triathlon.  « Your best triathlon ever » est réellement une nouvelle édition de cette bible. La principale différence est que les entrainements prescrits sont un peu plus détaillés et surtout que le focus est définitivement tourné vers la maximisation de la performance (selon l’auteur car je n’ai pas lu training Bible) : Joe Friel ne mentionne jamais des objectifs tels que terminer la course ou se qualifier pour x ou y; il s’agit « simplement » de se préparer à performer au maximum de ses possibilités.

Joel Friel répète souvent qu’il a plus de 30 ans d’expérience dans le coaching du multi sport d’endurance; souvent afin d’établir une certaine crédibilité.  On le croit mais de temps en temps  le lecteur aimerait quelques anecdotes croustillantes pour illustrer ses principes. Par exemple, il insiste beaucoup sur la nécessité du pacing sur la partie vélo d’un ironman; précepte qu’il répète un nombre incalculable de fois; sans doute qu’une bonne petite histoire sur un athlète ayant explosé sur la course à pied aurait encore plus d’impact sur le lecteur que la répétition: «athlète XY a passé plus de temps sur le parcours de course que de vélo », etc. (je suis sur que parmi tous les athlète qu’il a coaché tous n’ont pas obéit à la lettre à sa stratégie de pacing).

Si vous vous entrainez pour un ironman, vous bénéficierez d’un « statut » spécial tout au long du livre. Il y a beaucoup de « oui mais si vous faite des ironman ne faite pas ceci de cette façon »; vous serez le chouchou de Joe Friel pour 350 pages. Si vous faite de l’olympique ou du sprint vous vous sentirez un peu laissé à l’écart. Néanmoins, ne vous inquiétez pas, le long est un marché beaucoup plus petit que le court et « Your best Triathlon Ever » s’applique à toutes les distances (sprint, olympique, HIM, et IM),  les plans d’entrainements et les séances sont fournies pour toutes les distances avec le même degré de détails.

Mais qu’en est-il de l’entrainement proposé? Sans plus attendre allons y voir un peu plus clair.

Le plus simple pour décrire sa méthode est de donné la perspective de Joe Friel sur plusieurs point sensibles de l’entrainement faisant plus ou moins consensus.

« Far then fast rather than fast then far » : Joe Friel applique le principe de l’entrainement en pyramide: on construit d’abord la base d’ « endurance aérobie » avant de pousser la machine un peu plus. Pour reprendre sa terminologie, les intervalles en “endurance musculaire”  sont faite en zone 3 (tempo) pendant la dernière phase de « base » (course A = 15-16 semaines) ou en zone 4-5a (seuil) pendant la phase de « build » (course A = 12 semaines). Durant cette même phases on trouve alors des séances en “endurance anaérobie” (zone 5b). Avant cela pendant les 2 premières phases de « base » et celle de « prep », (course A = 17-27 semaines) les séances sont entièrement tournées vers « l’endurance aérobie » (zone 2). Ce n’est pas qu’il ne croit pas à la stratégie inverse (comme Endurance Nation par exemple), qui consiste à faire des intervalles dans les zones les plus élevées au début de la préparation (hiver) et ensuite se diriger vers des intervalles de plus en proches de l’effort race pace (et donc dans des zones moins élevées que 5b) à mesure que la course objectif se rapproche, (il mentionne d’ailleurs que cette perspective à du mérite) mais ce n’est tout simplement pas la méthode qu’il préconise. Son but est plus d’optimiser votre potentiel actuel sur une saison plutôt que d’augmenter celui-ci pour les saisons futures; par exemple son plan ironman ne contient pas une seule séance au-delà du seuil (zone 4-5a). Une des caractéristiques du « style » Joe Friel est d’être extrêmement prudent, il privilégie toujours la constance dans l’entrainement plutôt que la prise de risque avec des séances à haute intensité qui peuvent engendrer des blessures. Par exemple, il conseille de remplacer ses séances en « endurance anaérobie » par des séances en « endurance musculaire » si l’on est plutôt vers  la fin ou le milieu du peloton qu’à l’avant de celui-ci. Même lorsqu’il préconise une séance en zone 5b, celle-ci n’est jamais plus courte que 3 minutes; on ne dépasse jamais le 100% de VMA ou de PAM avec Joe Friel (à part en natation afin de simuler les départs à bloc).

Renforcement musculaire : mauvaise nouvelles pour ceux qui ne l’apprécie guère mais Joe Friel vous fera faire de la musculation et pas seulement un petit peu. Ici aussi, il propose un programme complet et détaillé et termes de types de mouvements, de fréquence, de charges, de répétition par séries et du nombre de séries. Il donne même des objectifs de charge très précis en fonction du poids de corps pour les exercices les plus importants et ces charges son telles que la séance de musculation correspond bien à une « vraie » séance d’entrainement. Si vous n’êtes pas un habitué de la salle de musculation, suivre les directives de Joe Friel vous amènera très loin de votre zone de confort. Encore une fois, Joe friel préconise la prudence, et pour ceux qui n’ont jamais fait de renforcement musculaire poussé, il conseille d’attendre une ou plusieurs saisons avant de se lancer à la poursuite des charges les plus lourdes qu’il préconise (le nombre de répétition descend jusqu’à 4-6 dans ses plans). En plus de la musculation, Joe Friel prescrit des entrainements de force plus spécifiques par disciplines;  comme de la course en côtes, des pas de l’oie en côtes, de la natation en tee shirt ou plaquette (par sur qu’on vous laisse nager en tee shirt à votre piscine…), du vélo en côte, du vélo en surbraquet en côte, etc. Très clairement, Joe Friel croit qu’optimiser la force est un facteur de performance en triathlon; ce qui n’est pas partagé par tout le monde (ex : Chris Carmichael).

Technique de course : Joe Friel est plutôt de type old school, mais sur ce point son camp est définitivement celui du « midfoot striking ». Mais comme toujours, Joe friel, ne tombe pas dans le piège de l’excès, il parle donc plutôt de mid que de frontfoot; et surtout; comme cela a été dit sur trimes de nombreuses fois ,il met en avant que ce qui compte c’est que le point de contact au sol soit juste en avant du centre de gravité du corps plutôt que trop loin devant celui-ci. Il ne rentre pas en détails dans les considérations techniques liées au front, mid et heel striking (load, oscillation verticale, etc.),  au risque de décevoir plus d’un trimeux, mais tous ses drills sont orientés vers le perfectionnement de la foulée par le biais de la cadence (qu’il souhaite voir entre 90 et 96). D’une manière générale Joe Friel vous fera faire des tonnes de techniques dans les 3 disciplines, et ce tout au long de la préparation (plus d’importance toutefois tôt dans la saison).

Nutrition : Pour l’auteur la nutrition n’est même pas une question sur le sprint et l’olympique et en devient une à partir du demi seulement. Joe Friel déconstruit tout de suite un mythe de l’hydratation à l’effort selon lequel il faut boire avant d’avoir soif; pour lui la soif est le meilleur indicateur de besoin d’hydratation. D’une manière générale, Joe Friel est un minimaliste de la nutrition, il considère que les marques du commerce préconise des quantités trop importantes d’hydratation et qu’il est impossible (et contreproductif) d’essayer à tout prix d’être hydraté au mieux. En fait, le réflexe est souvent de trop boire chez les triathlètes et de négliger les autres formes (solides, semi solides) d’apport caloriques durant l’effort.

Pour établir votre meilleur triathlon, l’investissement horaire devra être conséquent, pour l’ironman par exemple les semaines les plus légères sont à 10h45 en période de préparation (6 mois avant la course) pour monter jusqu’à 25 heures en période de « build «  avec 5 entrainements dans chaque discipline par semaine. Au delà de la dimension physique, Joe Friel aborde la préparation mentale et gratifie le lecteur de nombreux conseils propre à chaque phase  de la préparation (« entrainement » puis « peak » puis « semaine de course »). Il donne même des conseils pour éviter de tomber malade ou de se blesser lors des 12 dernières semaines avant la compétition « A» qui est une période déterminante de la performance (ne pas se toucher le visage lorsque l’on fréquente des lieux publics, garder une main toujours propre dans sa poche, rester à l’écart des personnes malades, etc.). On n’échappe pas au stéréotype du triathlète asocial pour qui veut établir son « meilleur triathlon »…Malgré tout, Joe Friel à bien conscience que tout ceci ne frise non pas la démesure mais l’embrasse totalement; c’est ce que cela prend pour arriver à son meilleur triathlon. Il en avise d’ailleurs son lecteur à qui il propose une certaines introspection, une fois que la course « A» est passée, sur ses motivations, et de manière plus large sur la place du triathlon dans sa vie.

En somme, cet ouvrage est extrêmement bien fait et bien pensé. Malgré le fait qu’il n’aborde pratiquement pas des sujets clés comme la position en vélo (à part mentionner qu’un professionnel qualifié doivent déterminer la votre) ou le matériel vélo en général (les tendances dans ce domaine étant très éphémères ses conseils deviendraient vite obsolètes)  Joe Friel à l’art d’apporter les réponses aux questions du lecteur au bon moment et il a (presque) tout anticipé. En tant que coach, vous devrez lui faire confiance, quelque fois de manière presque aveugle, car Joe Friel ne gaspille pas beaucoup de ses 350 pages à vous expliquer pourquoi tel ou tel entrainement est prescrit ou pourquoi telle méthode est meilleure que telle autre. Il ne fait que référer brièvement au début de l’ouvrage les enseignements de Tudor Bompa (un physiologiste du sport de York University), le père de la « périodisation «  pour qui la performance sportive est basé sur 6 compétences clés. A part ceci, aucune référence à des études académiques ne sont données dans le livre; vous n’aurez qu’à croire en la parole du coach.

 

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