Natation > la relation entre l’amplitude et le placement du bassin

Texte de S. Séhel. www.leplaisirdenager.blogspot.com

On a tendance à considérer que l’amplitude du crawleur dépend avant tout de l’amplitude de ses mouvements ; en gros, pour réduire son nombre de coups de bras par longueur, il faut avant tout augmenter la phase de glisse ou bien avoir des mouvements plus amples (aller chercher l’eau plus loin devant et pousser l’eau plus loin derrière).

En fait, cette manière de considérer les choses ne représente pas, loin de là, le fonctionnement du corps humain dans l’élément liquide. En effet, du fait de notre milieu ambiant (l’air en l’occurrence), on a beaucoup de mal à raisonner en prenant en compte la densité de l’eau qui est près de 900 fois plus élevée que l’air.

En fait, si on cherche à reconstituer un peu l’effet de l’eau sur le déplacement du nageur, il faudrait s’imaginer se mouvant dans un air qui se déplacerait beaucoup plus vite que la vitesse réelle du nageur ; la pression de l’eau fait qu’il faut tout à fait reconsidérer les contraintes qui s’exercent sur le nageur quand il se déplace par rapport à celle d’un déplacement dans l’air à une vitesse comparable; il n’y a aucune commune mesure entre les forces de pression subies par un nageur qui nage à 5 km/h et celle d’un marcheur à 5 km/h. Pour avoir une idée de la pression réelle, il faudrait plutôt raisonner comme si notre bras était à la fenêtre d’une voiture qui roule vite. Là, on sent immédiatement comment la pression de l’air modifie totalement l’effet d’un mouvement par rapport à un autre. C’est le même phénomène dans l’eau.

Ainsi, l’un des points les plus importants pour augmenter son amplitude n’est pas tant l’amplitude du mouvement que la position hydrodynamique du nageur de manière générale, et avant tout dans ce moment crucial qui est lorsque le nageur exerce la force d’avancement la plus grande sur l’eau. Ce moment a lieu normalement (si le geste du nageur est bien effectué) au moment où la main sous-marine est à la verticale de l’épaule.

A cet instant, plus le nageur sera capable de placer son bassin près de la surface, plus il diminuera les forces de frottement et plus il se propulsera loin et aura donc une grande amplitude. Le test est très aisé à faire en comptant tout son nombre de coups de bras par longueur et le comparant suivant la distance qui sépare son bassin de la surface dans ce moment crucial.

Par exemple, sur les deux photos suivantes, qui montrent Sun Yang et un bon nageur amateur, on voit bien la différence de placement de bassin; Sun Yang place son bassin plus haut, collé à la surface, beaucoup plus que l’autre nageur.

 

Pour citer un autre exemple, on peut évoquer le crawl façon Total Immersion qui est réputé pour son amplitude et son faible nombre de coups de bras par longueur. Voici une photo extraite d’une de ces célèbres vidéos et l’on voit bien la position très haute du bassin au moment où le bras sous-marin est en position horizontale.

Il faut dire que nager en FQS permet d’aider encore plus à adopter un bassin haut à cet instant. En effet, du fait du décalage du mouvement des bras, au moment où le bras sous-marin est vertical, le bras avant est en train de rentrer dans l’eau. Il est donc plus facile pour le nageur de basculer vers l’avant, si en plus il effectue un mouvement de la jambe (même léger) vers le fond du bassin. Comme cela est indiqué sur la photo suivante.

 

(source: http://www.youtube.com/watch?v=7dJs0ToB_z4)

En conclusion: 

– si vous souhaitez augmenter très sensiblement votre amplitude, veillez à vous concentrer sur le placement de votre bassin le plus proche de la surface possible lorsque votre bras sous-marin passe à la verticale ;

– si vous voulez juger de l’amplitude d’un crawleur, faites un arrêt sur image sur sa position à ce moment de poussée: il est très fortement probable que plus son bassin se trouvera haut près de la surface, plus son amplitude sera grande et inversement.

On peut d’ailleurs observer un phénomène similaire en papillon et ses contraintes sur le placement de l’ondulation mais ce sera pour un autre post.

Bonne nage !

6 commentaires
  1. Bon article!
     
    J’ai beaucoup de respect pour Solarberg. Primo il fait l’unanimité en France, probablement en raison de son détachement face aux grands joueurs de l’industrie de la natation. Bien qu’ayant de très fortes affinités avec SwimSmooth, il ne s’empêche pas pour autant de reluquer du côté TI (Total Immersion) pour trouver des réponses à certaines questions.
     
    Il existe en ce moment un vide immense quant aux faits entourant le patron de kicking idéal pour le nageur distance. Le coupable? La science qui a omis d’étudier cet aspect. Toutes les données scientifiques disponibles en ce moment, concernent l’étude du kick appliqué au sprint. Cela laisse donc les coachs sans données scientifiques, on doit donc se rabattre sur le ground evidence.
     
    Et sous cet angle, mon opinion diffère très légèrement de celle de Solarberg. L’article auquel tu réfère de même que certaines autres entrées qu’on peut lire sur son blog suggère que le 2bk serait un patron idéal, autant théoriquement que pratiquement. Or l’évidence anecdotique pointe vraiment dans l’autre sens. Très peu d’hommes, à un haut niveau, utilise ce patron. Donc très peu d’élite maitrise la théorie exposée dans l’article.
     
    La raison pour cette légère différence d’opinion est que j’peux pas oublier (me sortir de la tête), toute l’histoire des tech suits (maillots de bain technique, comme ceux proposés par Speedo, et qui sont désormais bannis). Ces suite étaient connus surtout pour fournir un léger avantage au niveau flottabilité, donc position du corps. Et la plupart des nageurs se sont jetés sur ces maillots à bras raccourcis. On peut donc pas nier l’impact d’une différence aussi subtile soit-elle, de la position du corps. Et selon moi ça explique que même Yang, ait recours à un 4bk de façon systématique, parfois à un 6bk, et rarement à un 2bk en situation de course.
     
    L’autre élément, j’ai observé moi tout le mouvement oscillatoire du corps de Yang, autant que celui de Shinji (le modèle TI utilisé dans l’article). Ce mouvement est bien connu. En revanche, j’hésite à attribuer ce mouvement oscillatoire uniquement à une volonté de mieux positionner le corps sur l’eau, et encore plus (d’hésitation) à établir une relation directe entre ce mouvement, et le bras qui tire dans l’eau. Ça ne signifie pas que cette relation n’existe pas, mais juste que j’hésite à conclure à celle-ci.
     
    Conclusion. Faites donc du Band-Around. C’est ce que ça veut. Le nageur devrait pas avoir à gérer toute la complexité de cet article, pour améliorer sa position du corps. Joel Filliol l’a affirmé haut et fort, le Band-Around est l’éducatif le plus important pour les triathlètes en natation.
     
    Bon Band-Around!
    Charles (EnergieSolaire, au cas ou Solarberg lirait ce comment)
    Ref: http://joelfilliol.blogspot.ca/2012/01/most-popular-post-on-this-blog-is-is.html

  2. Tenez tout le monde. For thé records, chui pas en accord avec les conclusions de l’auteur, sur un point très précis, c’est faux que tous peuvent parvenir à ça. OUBLIEZ ÇA en fait. Si vous calez naturellement, peu de chances que vous y pavaniez. En ce sens, ce clip est non seulement un peu incorrect dans sa conclusion, mais il fait de la fausse représentation, la représentation d’une certitude avouée au format scientifique, mais qui est dans le fond, impossible.J’ai rencontré 5 caleux à date, le dernier Mardi passé en fait. En boule, poumons plein, il descend dans le fond de la piscine. Flotter en boule demande aucune technique, et aucune faute d’exécution ne peut être commise. Impossible. Remplissez les poumons, si ça flotte ça flotte (99% des gens), si ça cale, ça cale. Et les caleux existent. Ensuite vous avez ceux dont les jambes calent comme… beaucoup beaucoup. Pour eux non plus le principe exprimé dans le clip suivant fonctionne pas tout à fait. Ce clip demeure tout de même très utile car il explique à merveille comment on peut jouer avec les centres de gravité/flottabilité.Essentiellement, ce que Solarberg explique dans son article, c’est qu’on peut entre autre utiliser le contrepoids que procure le bras (skating arm, donc celui sur lequel on glisse) pour aider à donner un coup de fesse vers le haut pour remonter le corps en surface. La clé par contre, c’est d’utiliser le contrepoids procuré par ce bras. James Haules (assez connu, pas toujours pour les bonnes raisons) explique dans le clip suivant comment utiliser le contrepoids des 2 bras en situation de flottabilité statique pour aider à contrôler la hauteur du bas du corps:http://www.youtube.com/watch?v=oW5nE5FBPsQ

  3. Salut Charles,
    Merci de tes commentaires qui animent le débat! Mais je crois que nous sommes tout à fait d’accord. L’objet de mon article se résumait vraiment à son titre: l’importance du placement du bassin, et surtout lors du moment crucial où le bras sous-marin est vertical ou presque.
    D’un point de vue pédagogique, j’ai choisi d’utiliser des exemples vidéos de battement en deux temps ; car dans le cas d’un battement six temps on pourrait croire que le placement du bassin n’est peut être pas si important à ce moment crucial. En revanche, en 2 temps, il est plus facile d’isoler ce moment et donc cela servait mieux ma démonstration.
    La vidéo de James Haules est très bonne (d’ailleurs elle reprend beaucoup d’informations très usuelles sur la différence entre le centre de gravité et le centre de flottabilité; longuement expliqué dans mon guide du crawl) ; d’ailleurs, le battement 2 temps me semble tout à fait en ligne avec justement la mobilisation des muscles citées par Haules.
    En triathlon, surtout du fait de la combinaison et d’une nage en eau libre, le travail des bras en fréquence est un axe de développement très important et payant (j’en ai souvent parlé sur mon blog et mon bouquin, en faisant souvent le reproche de trop marquer le FQS en glissant trop sur l’eau) ; et comme tu le dis, le Band-Around (ou élastique chevilles) peut s’avérer très fructueux. L’exemple du style d’un excellent nageur comme Scott Neyedji est très parlant: http://www.youtube.com/watch?v=ILUQYEDRGDk
    (J’aime bien Swimsmooth car ce site démontre bien qu’il existe différentes manières de bien nager le crawl et vite. A chacun de trouver sa voie.)
    Bonne nage!

    1. @Solarberg 
      Ah ben? Solarberg! Bienvenue au Québec vieux, va falloir que tu te fasse à notre accent asteur 😛
       
      On est effectivement d’accord, et j’admets que regarder le contrôle de la position du corps sous cet angle est très très intéressant.
       
      Puisque tu en a parlé (indirectement je crois) dans ton article, que penses-tu de TI?

      1. Il y a de très bonnes choses à prendre dans TI, surtout tout l’aspect pédagogique qui insiste sur l’importance de l’équilibre dans l’eau.
        En revanche, quand on bascule dans « the best swimming technology ever », là ca me fait rire !