Doit-on diaboliser l’attaque au sol par le talon?

Auteur: S. Séhel

Comment se fait-il que l’observation de la foulée des meilleurs coureurs d’endurance montre qu’un pourcentage très substantiel d’entre eux touche le sol en premier avec le talon. Comment est-ce possible s’il est si mauvais de courir en attaquant du talon? Voici un exemple sur 10kms de plusieurs des meilleurs coureurs de 10km (hommes et femmes) (source:http://www.runningtechniquetips.com/2012/06/us-olympic-trials-10000m-footstrike-variation)

Pour avoir une réponse à cette question, je renvoie le lecteur à l’excellent blog de Jay Dicharry, chercheur et praticien à l’Université de Virginie (USA) (www.anathletesbody.com).

Pour synthétiser son analyse, la  problématique n’est pas de vérifier si l’attaque au sol se fait sur le talon ou sur le milieu du pied ou même sur l’avant. La question est avant tout liée au point de contact au sol par rapport au centre de gravité du coureur.

Jay Dicharry explique qu’il est avant tout important que le point de contact soit proche du centre de gravité et peu importe si la touche se fait avec le talon ou une autre partie du pied. Pour lui, la situation à éviter reste évidemment l’overstriding ou overstriking ou encore un contact au sol avec la jambe tendue devant soi (voir photo) ; car, à cet instant, le corps va subir une force égale à plusieurs fois le poids du corps et moins le coureur sera dans une position rectiligne et droite pour cela et plus il y aura de dégâts sur ses articulations et ses muscles.

Jay Dicharry insiste donc sur trois points:
– une touche au sol proche du centre de gravité du coureur avec l’utilisation de l’amorti naturel de la jambe;
– une bonne position générale du coureur lors de la phase de soutien (car c’est à ce moment que le coureur subi le maximum de force d’écrasement), ceci impliquant un bon équilibre du coureur à cet instant ;
– une foulée qui tire partie de l’extension de la hanche (point que j’ai longuement détaillé dans mes écrits précédents).

Maintenant si on observe différents styles de coureurs, on peut en effet distinguer entre ceux qui touchent le sol plus ou moins près de leur centre de gravité. Voici pour deux groupes distincts:

– la touche au sol est proche du centre de gravité:

– ceux qui touchent plus loin devant eux:

Très logiquement, lorsqu’on compare la poulaine de ces deux différents types de coureur, on s’aperçoit qu’ils ont un trajet du pied différent et avec un genou qui lui aussi ne se fléchit pas de la même manière. Plus de détails dans Light Feet Running si cela vous intéresse.

Happy Light Feet Running !

www.leplaisirdecourir.blogspot.com

17 commentaires
  1. « Doit-on diaboliser l’attaque au sol par le talon? »
    – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – –

    Prenons le cas hypothétique mais tout de même typique d’un coureur pesant 65kg.

    La question posée assumant ce cas hypothétique pourrait être: Doit-on diaboliser le fait que ce coureur attaque le sol du talon en y mettant tous ses 65kg de poids corporel (ou même la majeure partie de son poids corporel)?

    La raison pour laquelle je propose cette question, c’est qu’en effet. À l’automne 2012, à l’Université où je coach, nous avons abordé cette question (avec analyse vidéo). La raison étant que nous enseignons Pose Running, et que bien sûr cette méthode décourage une telle attaque.

    Nous avons conclu (longue histoire courte) que plusieurs de nos coureurs qui intègrent plutôt bien les éléments fondamentaux de Pose Running *touchent* le sol talon en premier, mais que cette touche est très légère, un espèce de brossage, suivi immédiatement du dépôt du poids corporel sur la plante du pied (et non sur le talon).

    Donc bien qu’étant parfaitement d’accord avec ton analyse, j’ajouterais que de mon côté, la question que je me pose quand je vois un talon toucher le sol en premier, c’est: « Est-ce que le coureur réceptionne de la sorte, en y déposant tout son poids corporel ou est-ce juste un léger brossage? »

    Charles

    1. Merci pour ton commentaire Charles.
      Ce que tu décris est une attaques du talon « proprioceptive » selon Blaise Dubois.
      Ce que les photos statiques négligent, c’est effectivement la démonstration de la phase de « chargement » (loading en Shakespeare). cad, le talon touche au sol en premier, proche du centre de masse, avant de que le transfert de poids ne se fasse au niveau de la plante des pieds.
      Là où le bas blesse, c’est quand le talon touche en premier, loin devant le centre de masse, est chargé avec 300% du poids du coureur, avant de pouvoir faire un transfert de poids. Dans ce cas, oui il faut démoniser l’attaque avec le talon.
      En passant, j’aurais vraiment être à tes séances de vidéo.

      1. Alex, on est pile sur la même longueur d’ondes. Heureux que Blaise ait donné un nom à cet état (où le talon touche en premier, mais sans poids corporel appliqué dessus).

  2. Charles, il faut faire attention parce que la touche est aussi dicté par la vitesse…

    courir sur l’avant du pied et etre incapable de courir un 10k en dessous de 45, ca va forcement vers la blessure.

    on devrait plus s’interesser au genou qu’au pied.

  3. Quelques observations générales et aléatoires :
    – Remarquez l’excellent goût/choix en matière de chaussures (corrélation plausible?)
    – Ici ont parle de coureurs élite qui doivent encaisser des volumes de 150+km/semaine. Semaine après semaine, donc la foulé importe. Les coureurs du dimanche ne sont pas trop visés ici.
    – Plusieurs blancs peuvent courir sous la barre de 28 min? WTF?
    – On court sur une piste moelleuse. Oui, ça fait une différence.
    – Brasfort court comme un triathlète – doye!
    – Nous n’avons aucune idée si ces photos sont prises au premier 400 m ou au dernier 400m. La comparaison pourrait être intéressante.

  4. Merci pour cet article et ces commentaires. Si vous me le permettez, j’aimerais vous soumettre mon petit problème de technique CP…
    RAPIDE PRESENTATION
    Jusqu’en 2005 (31ans), j’ai été un « pur » heel-stiker mais je ne me suis jamais blessé. Puis, j’ai commencé à avoir des problèmes récurrents de tendinite rotulienne au genou droit alors je me suis mis en tête d’apprendre à courir en Pose. L’apprentissage ne s’est pas fait sans douleur ni blessures (fractures de fatigue, aponévroses plantaires, déchirures musculaires…) mais, depuis 3 ans, je ne cours plus qu’en Pose… sauf…
    MON PROBLEME
    Cet automne, j’ai participé à 10 courses de 10km en 12 semaines (pas la peine de commenter ce programme, je sais que ce n’est pas très sérieux mais je me suis fait plaisir). Inexplicablement, sur l’une de ces épreuves, je me suis remis à talonner et… j’ai couru plus vite.
    Alors que je cours en permanence en Pose à l’entraînement, j’ai retenté l’expérience sur d’autres 10km et, systématiquement, j’ai couru plus vite qu’en Pose (38’45~39’10 en Pose; 36’25~37’45 en talonnant… détail de ces courses et CR sur mon blog). Après tous les efforts que j’ai fait pour passer en Pose, j’avoue que çà me perturbe et que, d’un point de vue « esthétique », c’est un peu décevant.
    Du coup, sur certaines courses, je choisis de courir « beau » en oubliant le chrono alors que, sur d’autres, je m’autorise à courir mal pour tenter d’aller plus vite.
    MES QUESTIONS
    Avez-vous déjà été confrontés à ce genre de dilemme ?
    Pouvez-vous me conseiller qqch pour courir aussi vite (tout est relatif, pas vrai?) en Pose qu’en Heel Striking ?
    Merci !

    1. Je ne suis pas pratiquant de Pose et en France, il en existe assez peu je pense (cette méthode n’a pas trop franchi l’Atlantique me semble-t-il). Donc je ne peux parler que de ma connaissance théorique de cette méthode; Pose insiste avant tout sur la phase de « stance », la cadence et la gravité. Or, tout bêtement, la vitesse n’est que la multiplication de la cadence par l’amplitude de la foulée. Dans votre cas, j’ai l’impression que votre amplitude est plus grande en attaque heel strike qu’en Pose. Ca me paraît pas illogique du tout (surtout que l’écart de vos performances reste cohérent avec une différence d’amplitude). Donc si vous n’augmentez pas très sensiblement votre cadence en Pose par rapport à votre cadence en heel strike, il est normal que vous ayez un écart de vitesse.

      Il faut vérifier cela avec votre ressenti: est-ce que vous avez en effet l’impression d’avoir une plus grande amplitude en heel strike?

      Je vais avoir tendance à prêcher pour ma chapelle mais si vous cherchez une foulée esthétique et plus longue, je vous invite à regarder du côté de Light Feet Running; l’approche intègre des éléments de Pose mais aussi de Chi mais va au delà en insistant aussi sur l’amplitude. Il ne faut pas opposer amplitude et cadence et pose de pied. On peut conjuguer le tout. Ce que font les très bons coureurs évidemment.

      1. Il est exact que la Pose Method n’est pas trop populaire « chez nous » et l’absence de traduction française des bouquins ou DVD de Nicholas Romanov explique certainement ceci.

        Il est aussi exact que, bien que ce soit préconisé par la méthode, j’ai bcp de mal à maintenir 180 spm/min en rythme de croisière. Je me dis que c’est peut être parce que je suis encore trop crispé => « lean » encore pas assez important pour avoir un bon « fall ». Du coup, j’ai arrêté de compter systématiquement.

        Et c’est vrai aussi que l’amplitude en Pose est moins importante. D’ailleurs, c’était une consigne que j’ai retenue d’un stage (« make baby steps »).

        Concernant votre méthode, je vais regarder de plus près votre site et votre bouquin. Avez-vous mis en ligne des videos qui permettent de visualiser cette technique avec des coureurs AVANT et APRES votre intervention ?

        Une dernière question plus perso sur votre pseudo bien sympathique (…) : serez-vous à Roth le 14 juillet prochain ?

      2. Salut mon ami.

        Chez nous à l’UdM la situation est très simple.

        Pose = Latin. Cet été en compétition, on parlera pas Latin. Certains parleront Français, d’autres Espagnol. Mais off season on travaille un peu notre Latin.

        Donc on ne force pas, ni même ne recommandons pas d’embrasser à 100% la technique Pose tel que décrite dans les manuels pédagogiques, mais on tente de s’inspirer de cette technique pour placer certains éléments intéressants.

        Le reste demeure une question de calibrer pour adapter aux spécificités des coureurs.

  5. Voici un article du NY Times qui justement cite une étude récente qui entaille un peu le dogme de l’africain pieds nus qui ne court jamais sur le talon : http://well.blogs.nytimes.com/2013/01/23/is-there-one-right-way-to-run/?ref=health

    j’ai posté sur la page facebook du blog une vidéo de la clinique du coureur qui illustre asez bien la technique expliqué dans mon livre. cela dit, contrairement à Pose ou Chi, je n’invite pas le coureur à calquer sa forme sur un modèle; c’est plutôt une description des points clés de la foulée. Ensuite, suivant la morphologie et la musculature de chaque coureur, cela peut prendre des aspects différents. En cela, mon approche est plus celle qu’on retrouve en natation: la plupart des meilleurs nageurs respectent tous certains principes ; cela n’empêche pas qu’ils nagent pas tous comme des clones loin de là.

    (Mon pseudo est bien en référence à Roth; super (très vieux) souvenir mais je n’ai pas prévu d’y retourner). Bonne chance si jamais vous le faites!!

  6. Merci pour ces commentaires qui me donnent à penser que je dois mettre un peu d’eau dans mon vin et viser une « pose » moins théorique. Vu que je n’arrive pas à augmenter la fréquence de mes foulées, je vais donc essayer de les allonger un peu à l’entraînement, quitte à gratter le sol avec le talon.

    Je profite de ce message pour faire une petite remarque sur les photos de coureurs qui sont utilisées dans cet article pour illustrer la touche au sol car il me semble qu’il faut être méfiant vis-à-vis de ces images statiques dont on ne sait pas à quel INSTANT PRECIS DE L’APPUI elles ont été prises.

    En clair, çà me choque un peu de classer dans le même groupe de coureurs « touche au sol proche du centre de gravité » Graig Alexander et Faris Al-Sultan. Certes, les deux photos sont très ressemblantes mais elles ne traduisent qu’un instant I infiniment court.

    J’ai tendance à penser que, avant à cet instant I, le pied de Faris est resté bien plus longtemps en contact avec le sol que le pied de Graig et que la touche initiale a donc été bien plus avancée de son centre de gravité que cette image ne le laisse penser. A moins que sa technique de course ait beaucoup changé par rapport à cette vidéo:
    http://www.youtube.com/watch?v=sh9WsqHTkms (Faris à 3’45+5’45 __ Graig à 4’15+5’05+6′)

    1. Ta remarque sur le moment X de l’illustration est une remarque très importante. Le corps fini par adopter ce qui est le plus confortable pour lui parce le corps n’est plus aussi stable et la vitesse est moins rapide.

      Pour ce qui est de la Fréquence, on le lit rarement, mais elle est aussi influencé par ton gabarit., plus tu es grand moins elle sera élevée à moins que tu sois Usan Bolt et que la…

      Aussi generalement, la cadence augmente en fonction de ta forme et il ne faut pas forcer la haute cadence tant que tu n’es pas au minimum dans le tempo.

      Sur le site de kinetic révolution, tu peux telecharger un mp3 qui fait metronome, tu verras qu’il est tres facile d’avoir la bonne cadence lorsque tu cours vite.

  7. Il ne faut pas méprendre sur la portée de billets de mon blog.
    Les illustrations sont avant tout à vocation pédagogique et non pas valeur statistique. Elles sont là pour mieux comprendre certaines choses et s’interroger sur certains phénomènes.
    Donc par exemple, ces photos des coureurs prises à un instant donné sont, dans cet article, pour illustrer ce qu’on peut entendre par pose du pied proche du centre de gravité.
    Il ne faut pas en déduire que Faris pose toujours son pied près de son centre de gravité; pour en être sûr, il faudrait des mesures statistiques que je ne possède pas. C’est d’ailleurs un peu le problème de toutes les études en course à pied. On se heurte vite à l’absence de statistiques fiables et surtout utiles.