Étienne Diemunsch se fait trimer, ne jamais lacher.

Gagnant de sa première coupe du monde il y a 3 ans, le chemin d’Étienne Diemunsch a pris plusieurs détours avant de retrouver la plus haute marche du podium sur le circuit ITU. Face à une nation qui fait le plein de talents, Étienne n’a jamais abandonné son espoir de pouvoir affronter les meilleurs au monde et trime fort pour se faire sa place. Désormais identifié pour le projet Rio, on s’est entretenu avec lui. Il est l’exemple parfait de l’athlète persévérant qui démontre qu’il faut être patient dans son cheminement. 

En 2011, tu représentais la France en U23 et cette même année, tu gagnais ta première coupe du monde. Les années suivantes, cela semble plus difficile, t’étais-tu lancé une sorte d’ultimatum pour 2014?

Bonjour, pas vraiment, mais après une saison 2013 où j’avais décidé de voir autre chose et de me faire plaisir sur des épreuves en dehors du cadre ITU, j’avais à cœur pour 2014 de faire un retour réussi à ce niveau de compétition. Pour autant, je ne m’étais pas fixé d’ultimatum.

Tu vis sur Clermont-Ferrand depuis quelques années après avoir été sur Montpellier. Raconte-nous un peu ton cadre de vie en d’entrainement?

Effectivement, ça va faire maintenant six ans que je suis basé à Clermont-Ferrand. C’est une ville que j’apprécie beaucoup, car elle cumule plein d’avantages. C’est à la fois assez dynamique, mais ça reste une petite ville, donc il est facile de s’y déplacer, et très rapidement on peut être en dehors et profiter de la splendeur de l’Auvergne et ses volcans. Étant originaire d’un tout petit village perdu sur le plateau du Mézenc, à la limite entre la fin du massif des Cévennes, la haute Ardèche et le Vivarais-Lignon, j’ai grandi au milieu de la nature, et du coup  je pense qu’inconsciemment j’apporte beaucoup d’importance à pouvoir me retrouver facilement dans un environnement naturel, c’est d’ailleurs en partie pour ça que je fais du triathlon. Au niveau de l’entraînement,  je m’entraine en natation avec le club phare de la région, le Stade Clermontois Natation qui progresse sur le plan national d’année en année, je bénéficie vraiment de bonnes conditions, avec 1 à 2 créneaux par jour, en bassin de 50m. (toit ouvrable l’été pour le bronzage ;-)). Au niveau du cyclisme, les parcours ici sont exceptionnels, avec la possibilité de partir à 360° et de faire de la plaine, du vallonné, ou même de la montagne avec le Sancy à proximité et les nombreux cols alentours, le tout avec une circulation automobile dérisoire. Très très appréciable. Au niveau de la course à pied, je suis au Clermont Athlétisme Auvergne et je m’entraîne en partie avec le groupe de Jean-François Pontier, qui compte actuellement 6 coureurs sub 30’ (27’45’’ pour le meilleur) sans compter les jeunes très rapides et qui poussent ! Autant dire qu’il y a de l’émulation lors des séances, j’adore ça et j’en ai besoin. En plus nous avons une piste couverte de 200m, donc des supers conditions d’entraînements, même l’hiver par -15°.

Le seul point négatif concerne justement l’hiver, parfois relativement rude, et donc pas le mieux qu’il soit pour rouler surtout. D’un autre côté, nous avons des stations de ski de fond à 30’, sport que j’adore pratiquer l’hiver, ce qui permet de compenser un peu de ce côté-là.

Comment sont organisées tes journées ? Penses-tu avoir ce qu’il faut pour réussir ici ?

Je n’ai pas de journée « type », mais dans la période d’entraînement qui va arriver, mes journées sont composées de 3 à 4 séances par jour qui s’articulent en fonction par 1 ou 2 natations, 1 ou 2 CàPs, Vélo / ski de fond / muscu.

Et oui, je pense que j’ai ce qu’il faut pour réussir ici, ça a pris un peu de temps, mais j’ai su me construire une structure  pour tout optimiser comme je l’explicitais avant. En plus maintenant les marques sont prises avec mon entraîneur Patrick Bringer qui habite ici. C’est également un autre point important pour moi, il est régulièrement à mes côtés lors de mes entraînements.

Tu as pris le risque de passer le début de saison en hémisphère sud, peux tu nous parler de ton expérience, comment cette idée s’est présentée à toi?

Il y a plusieurs raisons à cela, après une saison 2013 « hors cadre » je me suis retrouvé totalement à la rue au niveau du ranking itu, il me fallait donc courir un maximum pour remonter dans la hiérarchie. En partant là-bas, cela m’offrait cette possibilité en commençant la saison très tôt. Par ailleurs, cela faisait plusieurs années que je parlais de partir  en Australie ou Nouvelle-Zélande pour voir et tenter de nouvelles choses, que ce soit au niveau sportif, mais pas seulement. Après tout le triathlon, c’est aussi ça, des expériences de vies. Enfin des potes (Damien Decas et Thomas André) voulaient également essayer, à trois on ne partait donc pas non plus totalement dans l’inconnu, et j’ai donc franchi le pas.

J’en garde une très bonne expérience, notamment au niveau de l’accueil reçu par nos hôtes néo-zélandais, vraiment très dévoués pour nous. Ensuite au niveau de l’entraînement tout n’a pas été optimisé, mais c’est difficile de tout réussir au premier essai.

Penses-tu y retourner ces prochaines années ?

Oui, dès la saison prochaine, mais justement en essayant de corriger quelques erreurs que j’ai pu faire.

Quelles sont les leçons que tu en as tirées? Est-ce que c’était la première fois que tu étais totalement dédié au triathlon?

Je ne sais pas si l’on peut dire que j’en ai tiré des leçons, mais premier point, la Nouvelle-Zélande ressemble énormément à l’Auvergne ! Ce n’était pas la peine de voyager ;-). Sérieusement, oui, je retiens quelques petites erreurs à ne plus faire, par exemple avoir beaucoup vadrouillé d’un endroit à un autre pour les courses.

Entièrement dédié au triathlon, oui et non. Car cela fait maintenant plusieurs années que je me consacre presque exclusivement au triathlon, mais le fait d’être à 20 000 km de chez soit cela permet d’y être encore plus dévoué, car il n’y a aucun souci du quotidien à gérer. L’esprit est donc plus libre.

Même si tes résultats étaient encourageants, tu n’as pas vraiment reçu d’appel de la fédération, y avait-il un suivi?

C’est vrai que j’avais des résultats encourageants, mais je n’avais pas encore montré ce dont je peux ou pourrai être capable de faire, du coup jusqu’à présent, je n’étais pas du tout suivi par la fédé, ce qui n’est pas toujours évident notamment financièrement, mais heureusement grâce à ma fin de saison les choses bougent.

Tu n’as encore jamais eu accès sur les WTS, mais tu avais les FGP. Tu fais une superbe course à Quiberon ou tu rivalises jusqu’au bout avec Jo Brownlee. As-tu l’impression que cette performance a un peu tout changé pour toi?

C’est vrai que je n’ai toujours pas eu accès au WTS, et certes il y a les GP, mais au final même si parfois on retrouve une densité relativement proche des WTS, ce sont des courses qui restent malgré tout bien différentes, je pense. Et la fédé les regarde donc avec un certain recul.

Quiberon a été effectivement une superbe course pour moi, mais je ne peux pas dire qu’elle ait tout changé. Déjà 3 semaines avant sur un profil que j’affectionne j’avais réalisé une belle course à Embrun, avec quelques regrets, notamment sur ma CàP. À partir de là j’ai su que je pouvais vraiment bien finir la saison, car je sentais  que je montais en puissance de jour en jour à l’entraînement. Quiberon a donc été en adéquation avec ce ressenti, et m’a apporté une confiance énorme pour la suite, de la saison, mais de ma carrière aussi.

Quelques semaines plus tard, tu gagnes la coupe du monde de Cozumel. J’imagine que cette course était un soulagement pour toi ?

Sur les deux coupes du monde de fin de saison, l’objectif était d’en « claquer » une, le faire dès la première était donc en quelque sorte un soulagement, et ça venait ponctuer ma belle fin de saison. Surtout que je commençais à arriver à saturation étant sur les rangs depuis fin janvier !

As-tu eu l’impression que cela s’est joué dans la tête durant les 3 dernières années?

Oui beaucoup, je pense, mon niveau n’a pas énormément évolué ces dernières années, j’ai « simplement » essayé d’optimiser au maximum tout ce qui pouvait l’être. Et en étant un peu à la marge ce n’est pas toujours facile et il faut se battre en permanence. Ne rien lâcher mentalement est tout de même ma marque de fabrique, il faut donc bien lui faire honneur.

1524624_771310546248994_3611245311461876921_nEn toute ironie, même si tu n’as toujours pas fait une série mondiale, tu es dans le top 70… j’imagine que tu espères toujours avoir un départ, est-ce que cela n’est pas devenu une obsession ?

J’ai même intégré le top 50, je crois. Et oui, j’espère toujours avoir un départ, mais cela va être le cas l’année prochaine, à Auckland puis Gold Coast normalement si mon hiver se déroule bien. C’était en effet presque devenu une obsession et un objet de frustration, surtout en voyant le déroulement de certaines courses où je pense que j’avais vraiment une carte à jouer. Ne pas voir le quota de français rempli en rajoutait un peu plus. Mais tout cela est derrière moi maintenant. Je n’ai plus qu’à être fort au bon moment, comme quoi la persévérance peut s’avérer payante.

Pour certains, avec les grands prix de D1 où les meilleurs mondiaux sont déjà là, cela pourrait déjà te satisfaire. Je connais un très grand champion qui disait que ça lui conviendrait de seulement faire des FGPs.

Non, cela ne me « satisfait » pas dans le sens où certes les meilleurs mondiaux sont là, mais dans quelles conditions ? On ne va pas se mentir, à l’heure actuelle les meilleurs arrivent sur  le grand prix avec parfois une semaine à 30h dans les pattes, un voyage effectué la veille, etc. bref ils viennent faire le taf, mais ne sont pas à 100%. Ils ont tellement de marge qu’ils sont quand même devant, mais personnellement j’ai envie de courir au plus au niveau, avec les meilleurs à leur plus haut niveau, sur du format DO.

En ce moment, comme qualifierait ton humeur d’athlète?

En ce moment précis ? Je dirai un peu énervé, car la reprise ne se passe pas du mieux qu’il soit avec quelques petits pépins physiques qui viennent m’empoisonner la vie. Mais sinon je dirai que je suis déterminé et motivé pour la saison prochaine.

On est rentré dans l’époque de qualification olympique, certains ont commencé à changer de nationalité pour optimiser leurs chances d’aller aux Jeux. Y penses-tu ? As-tu l’obsession des Jeux olympiques?

J’ai pensé à changer de nationalité, mais pas forcément dans l’optique des JOs, simplement pour accéder au WTS et m’exprimer au plus haut niveau de compétition qu’il existe dans mon sport (loin devant Hawaï on est d’accord ;-)). Accès que l’on me refusait jusqu’alors étant français. Maintenant que cette possibilité se présente, je n’ai plus aucune raison de changer. Notre sport est centré sur les JOs, je mentirai en disant que je ne veux pas y aller, mais ce n’est pas ce qui me motive prioritairement chaque matin pour aller à l’entraînement. Je suis bien conscient que la concurrence en France est acérée, et mes chances extrêmement minces. Malgré tout je ferai quand même tout mon possible pour être de la partie.

995846_657649270948456_2105522753_nDans l’équation, on sait tous que tout dépend de la natation, qu’elle est ta relation avec cette discipline ?

Effectivement, tout dépend de ma natation, une natation aux avants postes, et le triathlon devient presque facile…  Je suis mauvais nageur, paradoxalement j’ai commencé la natation relativement jeune, à 6 ans et je n’ai jamais arrêté. Mais jusqu’à mes 18 ans je ne pouvais nager (du fait de mon lieu d’habitation) que 2 à 3 fois par semaine, et je n’ai alors pas mis en place tout le bagage technique nécessaire pour être performant par la suite. Sans compter que naturellement, je ne suis vraiment pas doué pour cette discipline.

Comment t’entraines-tu ? Penses-tu mettre toutes les chances de ton côté dans cette discipline ?

Je m’entraîne au quotidien avec le club du stade Clermontois Natation, encadré en ce qui me concerne par Bastien Poujade. Je réalise 5 à 7 séances par semaine pour un volume entre 25 et 30 km donc relativement faible. J’ai essayé il y a quelques années un volume plus conséquent, qui n’a pas réellement porté ses fruits. Parallèlement je vois aussi régulièrement Nicolas Granger, ancien nageur de très haut niveau qui a, cette année encore,  récolté 5 médailles aux mondiaux master de natation et, à presque 50 ans, il a nagé 51’’ à l’interclub à titre d’exemple. Un très bon technicien, qui s’intéresse au triathlon et qui m’a apporté beaucoup, notamment en terme de régularité et d’optimisation de ma nage en eau libre. Maintenant, il reste à améliorer mes chronos en bassin pour sortir un peu plus proche de la tête la saison prochaine. Je pense en effet faire le maximum pour améliorer ce point faible.

Certains te voient plus comme un duathlete. Tu as déjà eu d’excellents résultats dans cette discipline. Penses tu participer aux Europe/Monde de duathlon ces prochaines années ou te focaliser sur le triathlon?

Il est vrai qu’avec les bons résultats obtenus dans cette discipline je garde cette image de duathlète, mais sans vouloir faire offense, je ne l’ai jamais vraiment été, dans le sens où la natation a toujours été ma priorité à l’entraînement. J’ai commencé en 2010, car les euro étaient en France à Nancy, et ensuite j’ai toujours gardé un pied dedans, car cela me permettait également d’assurer mon statut haut niveau. De plus je pense vraiment que c’est une très bonne préparation pour le triathlon, car beaucoup plus exigeant musculairement. Cependant pour les saisons à venir si mes résultats continuent comme ça en triathlon il va m’être très difficile de  faire du duathlon, le calendrier étant déjà extrêmement chargé, et ça ne sera en tout cas pas du tout une priorité.

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Et l’avenir? Comment vois-tu 2015 et 2016?

La balle est dans mon camp, à moi d’être performant, et ce dès l’entame de saison 2015. Je suis confiant, mais je sais qu’il y a encore beaucoup d’heures d’entraînement devant moi avant d’y arriver. La rigueur et le sérieux en plus du plaisir sont donc de mise.

Merci!

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