Pierre Le Corre se fait trimer > Retour sur 2014 et son avenir.

En gagnant le championnat du monde de U23 à Londres, Pierre Le Corre rentrait dans cette lignée d’athlètes qui traditionnellement, s’imposait plus tard en série mondiale. Même si ce français affichait une grande ambition pour 2014, son élan sera gâché par un virus. Avec un retour victorieux en fin de saison, gagnant d’une coupe du monde et du titre national, tout semble s’être replacé. Trimes s’est entretenu avec Pierre pour savoir où il en était. 

2014 a été une année assez mouvementée, peux tu nous rappeler les faits, comment t’es tu rendu compte que cela n’allait vraiment pas…

Bonjour et bonne année.

Oui l’année 2014 a été mouvementée, tant psychologiquement que physiquement. Une véritable épreuve qu’il a fallu surmonter. J’ai fait l’erreur de penser que je pouvais tout gérer en même temps.

J’étais épuisé après les entraînements. J’avais en moi cette envie de bien faire et d’aller jusqu’au bout. Je me suis persuadé que cette fatigue n’existait pas, que cet état était « normal ». Je me suis rendu compte bien plus tard que j’inhibais mes sensations.

Dès la première course, j’ai réalisé que quelque chose n’allait pas. De retour en France, on a tout essayé, le repos, l’entraînement adapté et aussi une petite course en pensant qu’il me manquait juste le « pep’s ». Après analyse et examens biologiques, on a constaté la présence d’un virus.

J’ai ensuite pris deux mois off avant de reprendre l’entrainement très progressivement.

Capture d’écran 2015-01-21 à 09.39.13As-tu eu l’impression que ton virus a été stimulé par une trop grande charge à l’entrainement?

L’entraînement était adapté à mes ambitions et à mes possibilités du moment.

Ce qui m’a rendu vulnérable au virus ce sont les « éléments extérieurs » additionnés à l’entraînement.

Je les ai sous-estimés.

Je voulais être partout à la fois. Je sais aujourd’hui que cela est impossible. Cela s’appelle l’apprentissage de la vie.

Cela n’est pas une chose très publique, mais entre 20 et 24 ans, cela devient une période très critique, il existe une incroyable pression sur les athlètes surtout en équipe de France puisqu’obtenir un départ en WTS sera de plus en plus difficile vu la densité. Est-ce que tu le ressens comme ça aussi ?

La pression ne me dérange pas. En ce qui me concerne, elle ne me fait pas perdre en efficacité au contraire elle me stimule. L’émulation qu’elle m’apporte est l’essence même de la performance. Elle m’encourage à progresser. L’enthousiasme est décuplé quand rien n’est joué d’avance et c’est ce que je recherche dans ma pratique.

Je sais que l’objectif reste de devenir plus rapide, mais as-tu l’impression qu’il devient de plus en plus important d’apprendre à mieux accepter la pression?

Je pense qu’en pratiquant le triathlon la pression est plus facilement contrôlable que lorsque l’on pratique une discipline très médiatisée. La sous-médiatisation protège sans le vouloir le triathlète des critiques et des attentes que suscitent les médias et les spectateurs. Si nous étions plus diffusés, nous serions aussi mieux préparés.
Je pense qu’il est important de savoir maitriser ses émotions et ne pas se laisser dépasser par la pression si l’on veut être régulier et performant, quelles que soient les conditions

Les épreuves de Triathlon aux Jeux olympiques seront plus médiatisées et vont susciter de l’intérêt et donc de la pression et personnellement, je pense que c’est une excellente chose.

Je me rappelle qu’après ton titre de champion du monde en U23, tu affichais ouvertement ton intention d’aller chercher les Brownlee. Cela restait légitime d’ailleurs parce qu’à chaque série mondiale, tu progressais dans la hiérarchie. Mais en gagnant le titre, cela a amplifié les attentes sur toi. As-tu eu l’impression que c’était presque un cadeau empoisonné ?  

Pas du tout. Je suis très critique envers moi et en plus de cela perfectionniste. Je ne me suis pas fixé de limites. J’ai l’habitude d’attendre toujours plus. Personne ne peut attendre plus de moi que moi-même.

En ce qui concerne les frères Brownlee et Javier Gomez, j’ai la chance de courir avec ces champions

Ils sont mes sources d’inspiration, et ma motivation. L’objectif que je me suis fixé est de rivaliser avec les meilleurs de ma discipline et j’aime à penser à ce jour. C’est ce qui me « drive ».

« À chacun sa montagne à gravir…moi, je me prépare à l’ascension du Mont « Brownlee »

Pour reprendre cette métaphore, une ascension se fait par étape. Il est difficile d’y parvenir du premier coup ou bien même d’y parvenir tout simplement. Mais, si vous ne tentez pas votre chance, elle ne vous sourira jamais.

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Tu termineras tout de même la saison en beauté avec ton titre de Champion de France ainsi que ta deuxième victoire en coupe du monde… On imagine que c’était primordial pour toi pour rappeler ta présence et que le projet olympique restait réaliste, non.

J’ai eu la chance de revenir à temps pour les dernières compétitions. J’ai accumulé beaucoup de frustrations pendant ma période de convalescence et je pense que  cela m’a poussé à aller chercher ces victoires. J’aime le triathlon, mais la compétition est ce qui m’a manqué le plus.

Je me rappelle qu’a Edmonton, les Français me disaient qu’il était important de ne pas forcer l’athlète à quitter son environnement. Tu es pourtant à contre-courant puisque tu as décidé de partir en Australie, comment cela t’est venu à l’esprit?

Si l’on considère ces propos, je suis sans doute à contre-courant. La prise de risque ne me fait pas peur.

L’idée de passer l’hiver dans un pays chaud et de parler anglais me plaisait, et ma petite amie devait faire son stage de fin d’études à l’étranger. Alors je lui ai dit ;

« Si tu trouves un stage en Australie, Nouvelle-Zélande, Espagne ou É.-U., je t’accompagne.

C’est comme cela que je me trouve à ce jour à Brisbane en Australie.

Est-ce une question de changer d’environnement ou aussi d’état d’esprit?

Les deux.

Le triathlon de haut niveau est  très contraignant, on peut vite atteindre une saturation psychologique due à la répétition des entrainements et la routine que cela engendre. J’aime l’alternative.

Effectuer des périodes à l’étranger avec un nouveau groupe, côtoyer d’autres personnes, expérimenter de nouvelles méthodes, je pense que cela m’apporte énormément tant sur le plan sportif que personnel.

À la fin de la saison, tu t’es donc rapidement dirigé vers l’Australie. En fait, tu n’as même pas attendu les fêtes pour partir. On m’a dit que tu es parti sans véritablement savoir avec qui tu allais t’entrainer… Peux-tu nous éclairer là-dessus?

C’était un projet que j’avais évoqué depuis un moment.

Avant de partir, j’ai pris contact avec plusieurs personnes afin d’avoir les adresses  de tous les « squads » australiens. Comme je l’ai expliqué, c’est mon amie qui a choisi notre destination. Elle connaissait son entreprise, mais ceux-ci ont hésité jusqu’au dernier moment pour lui désigner sa ville de destination.

On a appris 2 semaines avant de partir que ce serait Brisbane.

Je n’ai fait que suivre mon destin. 

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Comment cela se passe avec le groupe de Moss. As-tu l’impression de faire les choses vraiment autrement? As-tu l’impression que l’emphase est vraiment plus sur le volume ? Peux-tu nous décrire un peu tes semaines là-bas ?

C’est une structure fédérale et je suis le premier «étranger» à m’entraîner au sein de celle-ci. L’entraîneur a des critères de performance à réaliser. N’étant pas Australien, je ne suis pas un de ses objectifs, c’est donc à moi de m’adapter au groupe.

Mon intégration passe par le fait que je peux aider le groupe à devenir meilleur.

Je me dois de toujours être présent et dans un état d’esprit positif.

Il existe une culture de l’entraînement différente dans chaque pays, chaque entraîneur a sa propre approche. En ce qui concerne Steve je ne vais pas dévoiler sa méthode d’entraînement car je me dois de respecter son travail, mais ce dont je peux témoigner c’est que ses entrainements sont très différents de ce que j’ai pu faire auparavant.

C’est de loin la méthode la plus difficile que j’ai pu expérimenter. L’accent n’est pas tant mis sur le volume horaire, mais sur l’intensité dans chaque discipline, très fréquemment.

Est-ce que tu es encore supervisé en France ou tu es devenu une sorte d’électron libre?

Je suis supervisé par Pascal Choisel, mon entraîneur au Pôle France Montpellier.

Il sait que j’ai besoin de m’évader de temps en temps afin d’être performant. Nous construisons les projets à l’étranger ensemble. Il m’aide à trouver les contacts sur place. Il conserve une main sur l’entraînement.

On a pris l’habitude de travailler comme ça sur des périodes relativement longues. C’est la troisième fois que je m’expatrie pour m’entraîner avec une autre nation (Espagne, Suisse et Australie).

Quelle est ta situation au point de vue des points, je crois que tu étais 70e, est-ce que cela signifie que tu devras faire des courses avant Abu Dhabi… As-tu une certaine insécurité pour réussir a rentrer en série mondiale. Avec le nombre de courses actuelles, cela d’autant plus difficile de faire l’impasse sur certaine.

Je suis actuellement 36e au classement ITU. Je ne fais pas la chasse aux points,  mais la chasse aux performances. Les points ne sont que la résultante des performances. Pour entrer en WTS il faut avoir un niveau requis et je serais le premier à ne pas vouloir y aller si je ne suis pas assez compétitif. Ce n’est pas mon plaisir de prendre un départ et de me battre pour le milieu de tableau.

Que penses-tu du Gp FFTRI ? Est-ce une part importante du développement des athlètes français? On a vu que Les Sables avait quelques problèmes financiers et qu’ils ne pouvaient te garder.

Beaucoup de pays aimeraient avoir un championnat comme le nôtre et ça veut bien dire ce que ça veut dire. Le Grand Prix est souvent critiqué, mais pour un sport confidentiel comme le nôtre c’est un des meilleurs produits au monde. Il me semble que si un jeune veut être performant rapidement sur WTS il ne doit pas négliger le Grand Prix français.

Il permet de pouvoir « tirer à blanc » en quelque sorte (sans trop d’enjeux et de commettre des erreurs sans qu’il y est de conséquences négatives pour l’athlète).

Le circuit ITU devient très chargé et c’est une certitude qu’il va être difficile de concilier les courses nationales et internationales pour certains athlètes.

Quelles sont tes sensations en ce moment, quand recommences-tu la saison? Connais-tu déjà ton calendrier et ses dates clefs ?

C’est le premier hiver où sur le plan des Études je n’ai plus d’échéances et c’est une sorte de libération, c’est très plaisant comme sensation. J’ai le temps de poser les choses plus calmement, je suis plus à l’écoute de mon corps et de mes sensations.

Je vais attaquer ma saison par les coupes du monde « Down under » (hémisphère sud), et j’aimerais courir une bonne partie des WTS pour gagner en régularité sur le circuit. Cependant, mon objectif principal reste bien sûr d’être au top pour le test Event de Rio en Aout et la grande finale à Chicago.

Que devons-nous te souhaiter pour 2015 ?

La santé et d’être heureux, c’est déjà beaucoup !

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