Course à pied : blessures, performances, chaussures,… Le point sur les recherches actuelles

Blaise Dubois, physiothérapeute, chercheur et conférencier québécois, fondateur de la ‘clinique du coureur’ (lien) a récemment donné une conférence à Paris sur les dernières recherches  concernant les complexes relations chaussures / blessures / performances. Il est à noter au passage, une fois de plus, l’excellence et la qualité des études québécoises (et canadiennes en général) en physiologie de l’exercice, et dans ce cas, l’indépendance revendiquée de ses recherches, contrairement à ses homologues américains…

1. Chaussures et performances. Ce cas est vite réglé : plus la chaussure est légère, plus tu cours vite. Si tu cours un marathon en 4h15 avec tes chaussures traditionnelles, tu gagneras 15 à 20 minutes avec des chaussures légères. Boum. Tu aurais presque plus intérêt à alléger tes chaussures qu’à perdre tes poignées d’amour…

 

2. Chaussures et blessures : vaste sujet, non encore complètement exploré.

D’abord les origines des blessures (tendinites, fractures de fatigue,…) sont à 80% dues à une mauvaise quantification du stress appliqué au tissu. En bref, tu y vas trop fort. Seulement, ça varie beaucoup d’une personne à l’autre: pour l’un, la tendinite se déclenchera après 20 minutes de jogging, pour l’autre, ce sera après 60km de trail en montagne.

Dans les 20% restant, on trouvera, en lien avec les 80% précédents, la chaussure. Contrairement aux pieds nus (et des milliers d’années que l’homme a passé sans chaussure), le simple fait de porter des chaussures modifie profondément la biomécanique de la course à pied : l’impact se fera préférentiellement sur le talon, pas sur l’avant/midfoot. Surtout, et contrairement aux idées reçues, l’impact avec chaussures sera supérieur à celui pieds nus ! Induisant ainsi plus de risques de blessures… Et plus précisément, c’est la vitesse de l’impact au sol qui en sera responsable, et non sa force : le poids du coureur n’est donc pas un facteur de blessure. Un obèse à la foulée légère sera à l’abri des blessures, contrairement à la puce de 50 kg qui fait trembler les vitres de la maison pendant sa séance de treadmill. Dans la même idée, la pronation, les pieds plats, le valgus (genoux),… ne sont pas non plus impliqués. Les démarches de Gebreselassie et Jeptoo en marathon font les cauchemars de milliers de kinés, et pourtant, pas de blessures !

Les techniques de course à pied qui nous protégera des blessures sont maintenant connues (impact sous centre de gravité, cadence entre 170 et 190,…) qui diminueront le temps de contact, la vitesse d’impact, le travail musculaire et les mouvements verticaux parasites. Mais en pratique, c’est moins évident, on manque de repères. Une solution est la course pieds nus, qui va obliger le coureur à décaler l’impact au sol sur le midfoot et sous son centre de gravité.

 

Et les chaussures là-dedans ?

Pourquoi ne nous déplaçons-nous pas tous les jours pieds nus si c’est la meilleure manière d’éviter les blessures, me direz-vous ? Pour 3 raisons : la température au sol (froid, chaud), la fragilité du derme (déjà essayé de courir pieds nus en brousse ?) et les conventions sociales (en dîner chez l’ambassadeur). Donc, il faut se chausser. Mais quelles chaussures ? Blaise Dubois est très clair : à part quelques cas particuliers (coureurs âgés, amateurs, sans recherche de performance, avec blessure chronique), tout le monde devrait courir en chaussures minimalistes. Pourquoi ?

– performances supérieures (développement force, légèreté chaussures) ;

– entre 2 groupes de coureurs, l’un portant des chaussures traditionnelles, l’autre des chaussures minimalistes, le premier groupe déclarait 3,41 fois plus de blessures que les minimalistes…

Et ce dès le plus jeune âge (pieds nus !), et le plus long longtemps possible.

Five fingers KSOLunaRacer +

Pourtant, on assiste depuis quelques années, lors du déferlement minimaliste dans le monde des runners, à une recrudescence de traumatismes  dans les services de médecine du sport des hôpitaux. La raison : une transition trop rapide des chaussures traditionnelles vers les minimalistes, durant laquelle les membres inférieurs n’ont pas le temps de s’adapter. Cette transition doit s’effectuer de manière progressive : 1 minute de plus au début de chaque sortie (et encore, c’est trop rapide selon Dubois).

D’où ce combat chaussures traditionnelles / minimalistes. Les chaussures doivent être conçues pour préserver la santé du coureur. Or, la plupart des chaussures sur le marché, c’est de la « marde » (en québécois dans le texte), et les grosses compagnies « n’en ont rien à branler » (en québécois dans le texte) de la santé des coureurs. Les vendeurs des grosses boutiques sont d’ailleurs formés par les commerciaux des grosses compagnies pour vous refourguer les chaussures les plus dispendieuses (et les plus nocives…), ces mêmes compagnies qui financent à grands coups de millions de pub les magazines de running (Runner’s World, 230 000 USD pour une 4ème de couverture).

Alors, quelles chaussures choisir et où les acheter ?

D’abord, au-delà du poids, il faut bannir les « technologies » censées aider au support du pied, puisque ce sont celles-ci même qui favorisent et pérennisent la fragilité des tendons et des os. Dubois a fait une revue des modèles présents sur le marché, style pied nu et route (lien). Rappelez-vous : légèreté, drop < 10mm, flexibilité, espace pour les doigts de pieds.

Pour les magasins « qualifiés », c’est par là : lien.

 

Enfin, il faut avoir confiance dans les capacités de récupération et d’adaptation de son corps. Si tu te reconnais dans le 1er exemple, celui du gars dont le tendon d’Achille s’enflamme au bout de 20 minutes de jogging, ton cas n’est pas désespéré : tu peux guérir et améliorer la solidité de ton tendon. Comment ? Surtout pas en te reposant ! Que ce soit pour guérir ou solidifier ton tendon d’Achille (et tous les tendons), il faut le stimuler, à partir d’exercices divers et variés (course à pied, renforcement,…). La douleur ne sera pas un facteur limitant (sauf si elle perdure au-delà de 20 minutes durant la séance), mais il ne faut pas non plus jouer les masochistes : si elle dépasse 5 sur une échelle allant de 1 à 10, il vaut mieux arrêter.

Allez, au trot !

 

 

1 commentaire
  1. ehhh boy…. Dubois le gourou nous inonde de sottises comme à son habitude. Surtout avec ses sacro-saintes vérités sans nuances et surtout sans discussions.
    Juste un exemple personnel… 15 ans de port dans la vie de tous les jours de chaussures sans aucun maintien (Dockside Sebago), tendinites à répétition dues à un passé de nageur, le podologue est en beau furie à cause justement de ce manque de maintien et cette absence de protection.
    Je ne parle pas de la mode hasbeen des doigts de pied, je vise simplement la justification a la Dubois avec des jugements à l’emporte pièce. Je crois fondamentalement que tout le monde est différent, et qu’on peut même être différent d’une année sur l’autre, et donc s’adapter convenablement au minimaliste puis se blesser sérieusement l’année d’après sans surcharge notable.
    Mais la contreattaque marketing pour contrer un certain fléchissement des ventes fait pitié à voir…