La chronique de Xa’ > Sweet sixteen

Hier, alors que je m’apprêtais à partir siroter tranquillement un petit Coca au « Cagnard » (les habitués d’Embrun apprécieront…), ma maman, pour la énième fois, m’a supplié de bien vouloir vider les placards de ma chambre. Après tout, à chaque vacances, elle me voit débarquer avec mes affaires à repasser et n’oublie jamais ne me faire de bons petits plats, alors je me suis dit que je lui devais bien ça…

Ceci dit, elle n’a pas tord, c’est vrai que j’ai un peu ce côté « syllogomane », surtout, ne rien jeter de peur que cela ne manque un jour. J’ai lu quelque part que cela était lié à la peur du vide, ou du temps qui s’écoule, retenir ce qui nous échappe, un truc comme ça… Bref, peu importe, jeter pour moi, est toujours semblable à une torture…

Madeleines…

Pourtant, j’ai pris mon courage à deux mains et je m’y suis mis. Je suis allé à la découverte, ou à la redécouverte d’un tas de choses qui ont fait partie ma vie et, il faut bien le dire, d’un style vestimentaire plus que douteux suivant les époques…

Le plus dur en fait, c’est de commencer… se dire que le super jean Levis 501 qu’on portait fièrement bien haut avec un ceinturon est d’un ringard pas possible, accepter de voir partir les sweat-shirts « Waîkiki » bien larges de la grande époque absolument infâmes et pour lequel il avait pourtant fallu des mois de caprice avant que papa et maman ne veuillent bien faire la folie de débourser 60 francs pour nous faire plaisir… Une fortune… Le prix pour des « félicitations » au 3e trimestre…

Nous avons tous nos madeleines de Proust, mais hier, j’étais décidé et j’ai tout « bazardé » pour me sentir plus léger, dans mes placards comme dans ma tête.

L’époque des « géo trouve tout »

Enfin, presque tout en vérité, car au milieu de toutes ces fripes, sont apparues quelques reliques de mes débuts dans le triathlon. Un short « Dave Scott » de la marque « Insport », un haut sans manche « Tinley », un singlet et un maillot de vélo avec une coupe triathlon de Nike. Je me souviens du combat qui avait été le mien pour dégotter ces fringues tellement chères aux yeux de mes parents qui ne voyaient pas en quoi cela pouvait poser un problème de courir avec un short de foot. Mais pour moi, c’était tellement essentiel ! Comme il était primordial d’acheter un guidon « AERO 1 » et surtout, le top du top : « un bikestream ». Je crois que de tous mes achats, celui-là aura été le pire ! Pour autant, j’en garde un souvenir ému : l’idée était d’avoir un système d’hydratation permettant d’avoir de l’eau qui arrive directement sous pression dans la bouche via un tuyau à partir d’une poche néoprène située à l’arrière du vélo. Une idée de génie… Sauf que lorsqu’elle était pleine, la poche ressemblait à un vrai ballon rugby et que le liquide avait un arrière-goût de néoprène immonde lors des 1eres utilisations… Ce goût étant remplacé petit à petit par une saveur de moisi tout à fait logique vu qu’il était impossible de nettoyer l’intérieur de la poche… Pour faire honneur au portefeuille de mes parents, ce système tiendra tout de même près de 6 mois sur mon vélo au mépris de mon estomac et de mes intestins… Qu’est qu’on peut être con et têtu lorsqu’on est jeune…

C’était le début du triathlon : des inventions et des trouvailles plus ou moins heureuses comme le « seat shifter », un système ingénieux permettant d’avancer et de reculer la selle sur un chariot afin de passer de la position classique à la position aéro sans faire de bec de selle… Fabuleux… Oui, enfin, surtout dangereux pour votre virilité, car très fragile si vous voyez ce que je veux dire… Je tiens à vous rassurer (enfin, surtout ces dames), celui-là, je ne l’ai jamais eu… Beaucoup trop cher (2000 francs à l’époque si mes souvenirs sont bon…)

Le triathlon à papa et ses « gueules »

C’était quand même une drôle d’époque. Yves Cordier avec son maillot de bain et son débardeur gris et bleu aux couleurs de Nice, explosait tout le monde sur deux roues partout où il passait et spécialement sur les horribles 180 bornes de l’Embrunman, sur son vélo plongeant (son « vitus » noir… Une œuvre d’art qui hante encore mes nuits et dont je rêverais de trouver un cadre pour faire un montage single speed ou fixie…).

Les meilleurs triathlètes du monde avaient des looks de rock star, cheveux longs au vent, style californien, ou bien portaient Ray ban et moustache… Jean Luc Capogna martyrisait plusieurs vélos par ans, toujours sur la plaque et toujours avec un bon vieux casque à boudin sur la tête. Le triathlon était fait de « gueules » comme cela… des personnages saisissants et charismatiques.

Il y en avait des dizaines, mais mon modèle parmi tous ceux-là restait et restera à jamais Scott Tinley. Un personnage iconoclaste, au verbe haut, cynique et attachant avec sa moustache blonde et son look de Viking. Je dévorais avec délectation chacun de ses billets d’humeur…

Chemins de traverses

Alors, pour faire comme les grands, avec quelques potes, on roulait tous les soirs l’été, en maillot de bain, « à bloc » à la montée et à tombeaux ouverts dans les descentes de Chalvet, des Orres ou des Puys. Nous ne nagions pas beaucoup, c’était normal, personne ne savait vraiment nager parmi nous et personne n’était là pour nous apprendre vu qu’il n’existait aucune école de triathlon ! Alors de temps en temps on faisait 10 minutes dans le plan d’eau… Le plus vite qu’on pouvait en crawl polo je pense, ou un truc se rapprochant de ça… Descendre au plan d’eau, c’était surtout prendre les vélos et aller faire les kékés sur la plage. Avec le recul, je crois que je me déteste gentiment un peu en fait, moi qui peste si fréquemment aujourd’hui en voyant tous ces « blaireaux » débarquer sur « ma » plage tous les étés…

Mais la grosse différence, c’est qu’aujourd’hui, la naïveté a disparu.

Nous étions jeunes et un peu inconscients sur à peu près tout : notre propre niveau, la difficulté des épreuves, la folie de les enchaîner sans préparation spécifique. Cela ne nous importait guère…

Du coup, toutes les bonnes ou mauvaises idées étaient à tester… À 16 ans, j’ai ainsi participé à une quinzaine de triathlons dont Vars, Embrun, Monaco et j’en passe… et deux semi-marathons histoire de rigoler… Inutile de dire que j’ai fini bien souvent à l’agonie !

Loin de me détruire ou de me décourager, tout cela a participé à mon éducation de triathlète. Nous étions plusieurs dans notre petit groupe, presque entièrement « autodidactes » dans notre façon de percevoir notre sport. Parmi nous, il y en avait un qui était naturellement au-dessus des autres. Celui-là est devenu un athlète de renom… Les autres, comme moi, sommes resté de modestes coureurs. Ainsi va la vie au gré des potentiels de chacun. Les meilleurs sont devant, quel que puisse être le contenu de l’entraînement en fait…

C’est vrai, je regrette un peu cette époque. En fait, on faisait un peu ce qu’on voulait. L’entraînement, c’était surtout l’été, par la force des choses. Forcément, on faisait plein d’erreurs. Je crois aussi qu’on était obligé de s’adapter, car nous étions seuls… Mais le fait d’être livré à nous même à aussi du bon, ça rend autonome, responsable, « dégourdis » et créatif !

Avec le recul, en tant qu’éducateur, ce dernier point m’a souvent interpelé : je suis persuadé que dans la performance, il y a 90 % qui appartiennent à l’athlète, dans ce qu’il est, dans ce qui l’anime, dans son intelligence et sa force… Les 10% restant, pas d’avantage, sont pour tout le reste : entraineurs, soutien divers… Cela permet de relativiser toutes les petites guerres sur les bonnes allures, les bonnes séances, les trucs à proscrire ou à encourager…

Le moteur 1er, c’est le plaisir et le partage. Le reste, c’est du décorum…

D’ailleurs, si je dois me remémorer mes souvenirs d’athlètes les plus marquants, ils se rapportent toujours à ces deux éléments fondateurs et indissociables : l’hédonisme et le lien… Je ne suis pas loin de penser que cela devrait être l’objet, en profondeur, de l’UV numéro un de toute formation d’entraîneur…

Ça y est, j’ai fini de ranger ma chambre, je crois que tout est en ordre. J’ai mis dans un carton à donner aux bonnes oeuvres, mes vieux pantalons velours côtelés, mes anciens sweats et mes chemises à carreaux. De l’autre côté, j’ai soigneusement replacé mon short Insport et mes vieilles fringues fluo que je ne mets plus depuis des lustres dans mon tiroir. Je prends avec moi mes « frogskins » violètes que j’ai sorti du fond de ma table de nuit, elles sont trop belles, je vais peut être les remettre… Et puis, j’ai fait mon 1er « Embrun » avec en 1992… Elles ont une valeur inestimable !

Oui, c’est vrai, je ne suis pas encore capable de jeter tous ces trucs-là. C’est au-dessus de mes forces.

Il va me falloir être prêt à accepter de ranger encore quelques bricoles dans ma tête avant d’en avoir le courage… Mais l’aurais-je un jour ? Pas si sûr !

Mon dieu, Maman va être furieuse de voir que j’ai encore gardé toutes ces vieilleries…

Tant pis

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