Édito > Le dopage dans les petits détails, brouiller les cartes, toujours…

Le sujet du dopage revient constamment et tout le monde a son avis. Cela ressemble souvent à de la politique, les opinions sont souvent plus influencées sur sa situation sociale/sportive. Dans les opinions rares sont ceux qui maitrisent vraiment le sujet. On fait face à des camps ou personne ne craint de faire des amalgames.

Il faut toujours parler avec des certitudes. Parlez-en à Amaury Leveaux. Les médias lui ont reproché de balancer tout en restant vague. Vengeance contre le groupe de Marseille, pourtant, son amertume face à Frédérick Bousquet ou au nageur brésilien (Cielo) est légitime. Ces athlètes se sont fait attraper et n’ont subi aucune conséquence à long terme grâce à des fédérations complices. Il a donné des pistes. Cela reste la seule chose qu’il pouvait se permettre de faire pour faire évoluer son sport. Les médias restent amers de ne pas avoir eu plus de détails.  

Cela peut paraitre prétentieux, mais je me suis plongé dans les différents rapports, que cela soit sur le jugement de Contador ou encore le récent rapport sur l’UCI. Ces documentations sont disponibles et permettent justement d’avoir une meilleure compréhension des pratiques dopantes et je pense donc connaitre le sujet. 

En ce moment, on aimerait voir des journalistes faire des investigations sur les problématiques du dopage grâce aux exemptions médicales. Le rapport de l’UCI mettait clairement en lumière ce défi. Pourtant, c’est le silence radio. 

Ce que je trouve le plus difficile dans le sujet du dopage, c’est qu’il n’y a pas de constance sur le traitement du sujet chez les journalistes. Ils ont le droit d’émettre leur propre vision philosophique sur le sujet et perdre rapidement leur neutralité. Malheureusement, puisqu’ils n’ont généralement pas été des athlètes de haut niveau, dans leurs commentaires, ils ne comprennent pas tous les conséquences du dopage. 

La fédération américaine a décidé d’aligner une équipe de 4x100m avec 3 athlètes qui ont déjà été suspendus pour dopage. Il existe toujours un doute sur le effet à long terme avec la prise de produits. D’ailleurs le nouveau règlement impose aux athlètes tricheurs de louper une olympiade. 

Lors de la qualification des relais 4x100m pour les Jeux olympiques, Usain Bolt finissant deuxième, émettra le commentaire que c’est difficile d’accepter de se faire battre par une équipe composée par 3 ex-dopés.

Ce propos sera d’ailleurs repris dans Stade 2. Les journalistes émettront le commentaire «quel mauvais perdant! ». Est-ce vraiment leur rôle de faire ce commentaire? D’autant plus qu’ils viennent de banaliser l’acte du dopage.

Maintenant, rentrons dans le sujet principal. Stade 2 A FAIT un reportage SUR une étude qui tentait de démontrer que le passeport biologique était manipulable tout en obtenant des gains très notables. 

Le sujet à pourtant pris une tournure totalement différente. Il a tout simplement tenté de nous faire croire que le 41e mondial en 3000m passerait 1er en utilisant ce protocole. Cela reste un énorme raccourci très racoleur qui a pour conséquence de mettre en doute tous ceux qui réussissent dans leur sport. 

Peu de détails ont été donnés sur le protocole et surtout sur la manière de s’entrainer pendant les 3 semaines. Ils ont dénoté des améliorations de 3% en performance de manière générale.

Est-ce une amélioration possible d’obtenir avec simplement de l’entrainement? Oui. Est-ce que juste l’effet placebo de la prise d’une substance est aussi responsable d’une meilleure performance? Oui, enfin, en partie.

Je ne condamne pas du tout l’étude, mais sa couverture médiatique. Parler d’une amélioration de 31 secondes sur une distance de 3000m sans donner le temps total et le profil de l’athlète reste contreproductif.

La conclusion de l’étude par le journaliste est d’autant plus malicieuse puisqu’il affirme que cela n’aurait pas été détecté par le passeport biologique parce que les variations ne sont pas assez importantes. Encore une fois, il faut tout remettre dans le contexte. Le passeport biologique est avant tout une aide pour mieux cibler les tests. Aussi, un athlète doit être sur le programme 6 mois avant de faire sa première compétition internationale. Ceux qui sont sanctionné pour des valeurs hors normes sont très rares. Cela ne signifie pas que le passport n’a aucun intérêt. 

D’ailleurs la WADA s’est exprimée sur le sujet en condamnant l’étude. Dans ces termes, elle prétend que le protocole du passeport biologique n’aurait pas été respecté à la lettre. Est-ce une voie de défilement, probablement, mais son explication aurait probablement été mal comprise.  

Même si le dopage a un effet notoire sur un athlète en reprise ou en décharge, son impact en microdosage serait probablement atténué avec un athlète en pleine charge et déjà très proche de ses capacités maximales. Cette étude mérite d’être approfondie avant de tirer les grandes lignes et je n’ai aucun doute que c’est le but de l’AFT (athletes for transparency). Et oui, moi aussi je fais des spéculations, mais dans des recherches, il faut parler de pistes et non de certitudes.  

Pourtant, le traitement reste malicieux, le journaliste tente de nous faire croire que grâce à ce microdosage, l’athlète peut se doper sans se faire prendre. C’est le message qui est repris partout sur les médias sociaux. 

Cela demeure encore une fois une affirmation très hasardeuse. Les corticoïdes, les hormones de croissance et l’EPO sont détectables. Demandez à Astana ce qu’ils en pensent. On devrait donc s’attarder sur la fréquence des tests. Si l’athlète est testé uniquement après les courses, il ne fait aucun doute qu’il passera à travers les mailles. Par contre, si le passeport démontre qu’il y a une variation à une certaine période de l’année, l’agence anti-dopage peut y trouver une piste pour optimiser ses contrôles hors compétition. 

La lutte contre le dopage n’est pas aussi impuissante que l’on pense. Pourtant, ce reportage vient marginaliser leur travail en omettant quelques détails. Dans ces moments-là, j ai toujours une pensée pour ces athlètes qui réussissent en étant « propre ». 

Oui, il existe toujours des malins, mais il faudrait avant tout parler des vrais obstacles à franchir avec le dopage sous exemption médicale, les fédérations délinquantes, les sports professionnels refusant de ternir leur image.  

Stade en 2 en profité pour remettre l’argumentaire de légaliser le dopage sur la table. Cela démontre vraiment une méconnaissance du sport et il faut le voir comme une insulte pour tout les athlètes et structures qui ont fait le choix de rester propre. Le dopage dans le haut niveau existe surtout lorsque les instances l’introduisent et le supporte. 

Est-ce que l’on veut vraiment d’un sport ou à un détail près où l’athlète devient le produit de la médecine? À la fin, ce reportage vient encore une fois conforter les sceptiques et victimise ceux qui sont propres. Et ça, ce n’est pas un détail! 

5 commentaires
  1. Le but de cette étude est bien de montrer qu’à faible dose, le dopage reste efficace et n’influe pas les paramètres biologiques de façon significative, tout du moins de manière à dépasser les bornes du passeport biologique …. Le passeport est aujourd’hui un outil très intéressant pour les tricheurs qui s’en servent à leur profit … « je reste dans les normes donc je suis clean », comme à l’époque, « j’ai une hématocrite < à 50 donc je suis clean" …. Tu critiques la forme du reportage, mais le fond, la

    1. Ce que tente, entre autre, de montrer Alexandre, c’est que le protocole n’a que très peu de signification scientifique. Or il est repris partout sur les réseaux sociaux avec des raccourcis un peu trop simple et de type « Buzz ». Et c’est en effet dommage car l’expérience aurait pu être très intéressante si elle avait été plus rigoureuse. Comment contourner le problème de l’effet placebo? => Faire l’expérience en double aveugle (la base dans les études scientifiques). Quant à l’entraînement, on ne nous explique pas le protocole d’entraînement des athlètes cobayes (se sont-ils entraînés plus pendant les 29 jours d’expérience? moins? A-t-on tenue compte de leur entraînement habituel?) Quid de l’échantillon? Calculer une moyenne de l’amélioration des performances quand il n’y a que 8 sujets n’est pas très fiable d’un point de vue statistique. Il suffit que 2 athlètes aient été dans un meilleur jour (indépendamment des produits) sur les dernières évaluations pour que les données soient complètement biaisées.
      Encore une fois, la démarche est bonne et peut faire réagir, mais il faut faire attention avec des sujets aussi sensible. Stade 2 a fait une étude scientifique grand public dont les résultats sont bluffants à première vue. Malheureusement, l’objectif (largement atteint par l’émission) était de faire du sensationnel… au détriment de l’exactitude scientifique.

    2. Non, je ne critique pas cette étude mais son interprétation. Parce que tout est fait pour nous vendre l’idée qu’un athlete pourrait faire ce protocole et ne pas se faire prendre. Ce qui n’est pas vrai. Le 3% est a mettre en perspective parce que l effet est très probablement plus réduit sur un athlètes très entrainé. Les athlètes avaient aussi un certain âge, enfin, il y a plein de paramètres… Moi, tu vois, je pense qu’on avancerait beaucoup plus rapidement si l’étude avait porté sur des produits encore indécelable en ce moment. D’ailleurs, ils sont désignés dans le dernier rapport de l’UCI.