Spécial Kona : Symphonie sur la Queen K

Une highway, des pylônes électriques, et le contre-jour de deux coureurs dans les phares des voitures sur la photo que je éegarde ce soir sur la toile…

En un instant, quelques frissons me parcourent l’échine. C’est un sentiment assez étrange, un peu comme s’il y avait dans le même moment une proximité énorme et un aspect inaccessible sur l’écran. Je connais tout cela, je sais le décrire et l’analyser, mais cet univers, ce rêve, ce mirage, je ne l‘atteindrais probablement jamais.

Du plaisir, de l’attente, de l’envie et du manque : le cocktail explosif qui fait naître le désir au sens 1er du mot… Lorsque le simple fait de voir un athlète courir le soir sur du bitume au milieu de « nulle part », provoque des papillons incontrôlables dans le ventre.

Incompréhensible comme ça de prime abord… Pas si sûr…

Mythologies…

Il y a beaucoup choses qui s’entrechoquent à mes yeux dans cette photo et qui lui confèrent une dimension mystique. Le lieu, chargé d’histoire et de symboles…  L’atmosphère, la lumière du soir, le cadrage et enfin, peut être le plus important :  l’athlète : Jan Frodeno, une des icônes de notre sport.

Il y a un demi-siècle, Roland Barthes mêlait avec talent anthropologie et philosophie pour nous parler de mythes de toutes sortes. Et le sport en faisait partie. À cette époque, Barthes s’était attelé à disséquer entre autres, deux mondes bien différents : celui du catch et le tour de France…

Le catch, c’était le monde du spectacle, de l’excès et de la mise en scène. Le tour de France, celui de l’épopée, des grandes histoires, plus ou moins belles ou (in) avouables. De celles qui fabriquent des personnages pour en faire des « idoles ».

Le sport était déjà du spectacle à l’époque et il avait ses héros : de Bobet à Darrigade en passant par Coppi…

Aujourd’hui, ces deux univers se confondent totalement et sont devenus indissociables pour ne faire plus qu’un… tant est si bien qu’on ne sait plus vraiment ce qui est de l’ordre du « masque » ou ce qui est encore du sport… Et dans ce contexte, certains n’hésitent pas à y trouver une possible justification du dopage… Si tout ceci n’était que du « cirque moderne » alors pourquoi conserver de « futiles » gardes fous ?

Pourtant, chez moi, ce qui fait naître le frisson, c’est lorsque j’entrevois une notion de pureté et de bravoure derrière l’athlète que j’ai « choisi ». L’éthique, dans ma vision romantique du fait sportif, est indissociable d’une esthétique portée par la loyauté… coûte que coûte…

C’est la raison pour laquelle l’ombre de Jan Frodeno m’inspire… C’est la raison pour laquelle je le trouve beau, au sens 1er du terme…

Je ne suis pas naïf pour autant : les photos de la session d’entraînement de Jan et de son partenaire (que je n’ai pas reconnu… qu’il ne m’en veuille pas… le poids des symboles est parfois si lourd et bien injuste !), c’est « pour l’image », je le sais bien.

Mais l’effet est radical chez moi : cette vision se trouve investie de tous mes fantasmes d’athlète, de supporter, de suiveur et de « groupie ». En quelque sorte, « je ne peux pas lutter », mon esprit sait bien que tout est calibré dans ce qui m’est présenté comme chez les plus grandes stars de notre époque que sont, ou ont été les Jordan, Ronaldo, Zidane, Bolt, j’en passe et des meilleurs…  Les dés sont quelques peu pipés dans le sport moderne. Les perspectives s’en trouvent « dépravées » comme autant de déformations et d’anamorphoses qui brouillent « mes cartes » et « enfument » mon esprit en grand coup de matraquages médiatiques. Les enjeux de toutes sortes ont aujourd’hui, englouti le « jeu » presque partout.

Malgré tout, là, tout de suite, j’ai envie d’oublier tout cet aspect mercantile. Mes émotions transcendent ma raison et je voyage sans retenue, comme par magie et avec délectation ce soir aux côtés de Frodeno sur la Queen K…

Alors bien sûr, c’est un savant mélange que d’arriver à faire naître un tel sentiment juste à partir d’une photo. Le poids de l’image : « eidôlon » en Grec, idole… au sens païen du terme, la statue pour les Hellènes…) et sa « résonance symbolique» ne sont pas des choses si simples à évoquer.

Si les frissons me parcourent avec cet athlète, c’est bien qu’il y a de la « substance », et de « l’épaisseur » derrière tout ça. Derrière ce qui fait qu’un champion a du charisme ou au contraire se trouve condamné à ne rester qu’un sportif brillant parmi tant d’autres… Le talent sportif ne suffit pas.

Pour réussir ce prodige, il me faut ce « supplément d’âme »…

Dans sa posture, dans son verbe, son assurance, sa lucidité et aussi son délire communicatif , Jan Frodeno m’inspire… Un peu plus que les autres…

Je reconnais être quelqu’un qui se laisse assez volontiers « exalter ». C’est ma nature, j’ai ce côté enthousiaste et parfois excessif. En fait, ça me permet, je crois, d’être plus heureux, car l’utopie et le rêve font partie des grands plaisirs de la vie.

Pour autant, je ne suis pas naïf. Et, je ne pense pas être une « proie » facile pour le marketing qui va immanquablement venir se greffer sur les ailes de mon champion et sans doute quelque peu  ternir sa robe immaculée.

Jan devra ainsi réussir le miracle de tenir la gageure sans faiblir ni sur le fond ni dans le style, car en bon « fan » du génie allemand, je serais d’autant plus intransigeant si jamais il me déçoit d’une manière ou d’une autre.

Rendez-vous le 10 octobre dans le plus grand théâtre du monde : un théâtre total, en trois dimensions : aquatique, terrestre et éolien, pour la symphonie d’Hawaii avec, je l’espère, je l’attends, j’en rêve : Frodissimo à la baguette…

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