Jan Frodeno, c’est l’histoire de… la suite…

 Jan Frodeno qui gagne Kona pour une seconde fois, tout cela semble incroyablement logique et pourtant, c’est une très longue suite d’accidents…

On pourrait tous croire que le succès de Jan est le fruit d’un système germanique tellement efficace. Pas tout à fait, contrairement à ce que vous pouvez croire, il était résident de l’Afrique du Sud de 1992 à 2004.

Sa mère, voyant qu’il adorait le surf, lui ordonne d’apprendre à nager, il finira par rejoindre le club « Clifton Surf Lifesavers« . C’est en regardant les Jeux olympiques qu’il découvre le Triathlon, dans cette course il y avait un de ses compatriotes,  le légendaire Conrad Stolz (aka « the caveman). Il s’était démarqué en attaquant durant le vélo…

Alors que Jan Frodeno est sur une plage de Cape Town, il reconnait Conrad Stolz et ose l’aborder. Le caveman l’invitera à se joindre à son groupe pour le week-end. Dans ce squad basé à Stellenbosch, dirigé par une certaine Libby Burrell, dès son premier entrainement, les deux Africains du Sud n’avaient aucun doute, il allait devenir le meilleur au monde.

Libby et Conrad le convaincront de retourner en Allemagne (ses parents étant allemands) afin de bénéficier d’un meilleur support.

Jan Frodeno aura l’audace de vendre son vélo pour se payer un billet d’avion afin de courir en Bundesliga. Il se fera rapidement repérer et cela lui permettra de retourner en Allemagne durant les étés.

Sa médaille d’argent en U23 mettra un terme sur ses doutes en confirmant ses intentions de devenir élite et vivre de son sport. Seulement quatre ans plus tard, il mettra la main sur son titre olympique grâce à un final époustouflant avec Simon Whitfield, (L’homme qu’il a vu gagner la médaille d’or en 2000 et qui a déclenché son intérêt pour le sport triple). Dans ce sprint, il met la main sur sa première victoire internationale et prive Javier Gomez d’une médaille olympique. L’espagnol dominait déjà la discipline.

Jan prendra place régulièrement sur le podium de la série mondiale, mais tout se complique à partir de la Grande Finale de Budapest. Alors qu’il est dans la lutte pour le titre mondial, Frodo n’est pas en mesure de délivrer LA performance. La saison 2011 sera très difficile et on se demandera même s’il pourra être présent aux Jeux olympiques de 2012 (Londres). Il est embêté avec une douleur dans la jambe… après avoir vu plusieurs spécialistes, c’est pratiquement un an plus tard que le problème est identifié, on retrouve alors le Jan de l’ancien temps.

Il terminera finalement 6e aux Jeux olympiques. Un résultat logique selon son entourage. On ne parle pas d’une déception, mais de nouveaux compétiteurs tout simplement plus forts.

Il faudra attendre 2013 pour voir ses débuts en 70.3. Lors du Championnat d’Europe, mal indiqué dans la transition, sa deuxième place démontre déjà qu’il faudra compter sur lui. Pourtant, lors des championnats du monde de Las Vegas, il explosera durant la course à pied et certains jugeront qu’un athlète venant de l’ITU ne peut pas rivaliser avec des athlètes si fort à vélo comme Sebastian Kienle.

Sa collaboration avec Dan Loran, un scientifique du sport qui s’intéressera aussi au triathlon à cause d’une rencontre avec Anne Haug (athlète ITU), un autre accident.

Jan Frodeno aura l’audace de faire confiance à ce tout nouveau coach. En décembre 2012, l’objectif est déjà annoncé, gagner Kona.

Si la collaboration de l’ancien champion olympique avec l’entrainer national de la DTU en ITU semble fonctionner à merveille, Loran doit jongler avec un environnement très hostile sur la distance olympique. Post Rio, il annonce d’ailleurs sa démission de la structure nationale.

Reste que l’alliance Loran Frodeno est le point d’origine de la résurrection du champion olympique sur la longue distance. Face à la domination actuelle des Allemands, on est nombreux à se questionner s’ils ont une meilleure compréhension des spécificités nécessaires. On sait ce que le duo ne répète jamais une séance clés et que le principe gagnant vient de longs blocs. Si l’Allemand ne fait pas de grosse journée, c’est avant tout l’accumulation sur une longue période non interrompue par des courses qui semble leur rendre aussi fort.

Dan Loran venant avant tout du vélo, il est très pointilleux sur les données. Ils aiment comparer la puissance versus le temps et donnent aussi de l’importance à la cadence. Loran analyse constamment les données de Jan afin d’ajuster sa planification. En contrepartie, Jan s’applique à exécuter les sessions sans demander à son entraineur des modifications. Il y a une confiance réciproque et totale entre eux. Pour Loran, son mandat est identique  à tous les autres coachs, s’assurer de comprendre ce qui fonctionne le mieux pour l’Allemand.

Derrière un homme, il y aussi une femme, Emma Snowsill, championne olympique à Beijing. Dans les moments de succès et aussi de doutes, elle est là.

Évidemment, vous connaissez déjà la suite. Sa victoire à Kona peut paraitre logique, elle n’est pourtant pas banale. Contrairement aux apparences, Jan Frodeno a encore fait preuve d’illusion. Comme, il nous l’a mentionné, il reste étonné que les gens ne reconnaissent toujours pas son talent à vélo.

À nouveau, il a contrôlé la course dès la natation. Il n’a pas paniqué en début de course. Refusant d’imposer le rythme à vélo, il a permis le retour de l’arrière. À moins de 50 kilomètres, ils étaient encore 10 en tête dont plusieurs athlètes ayant déjà couru en dessus les 2:50 (Hoffman, Stein, O’Donnel). Sur le bord de la route, on se disait, Frodeno doit être en panique…

Pourtant, à nouveau, il n’a jamais paniqué. Si Kienle a tenté de prendre de l’avance sur la fin, Frodeno savait très bien que la sélection était déjà suffisante et que les autres devaient payer pour leur retour de l’arrière après la natation.

Pour illustrer cette lucidité, Frodeno réussit un coup de maitre en prenant la tête lors de la transition. Les dix mètres d’avance pris sur Sebastian Kienle sont une lente torture pour celui qui semblait déjà perdant à l’avance. Lors de la conférence de presse, le champion de 2014 rappelait justement que ses récentes victoires étaient acquises sans Jan Frodeno…

La course à pied sera la même histoire, même si Frodo donne cette impression d’être le meilleur coureur, son effort est aussi brutal que les autres. Il n’a pas survolé l’épreuve comme certains le pensent. Mais, il a encore donné le sentiment d’être en contrôle. Il n’a pas paniqué face au retour de Sebastian Kienle.

Pourquoi? Comme mentionné dans son entrevue, Jan se décrivait comme un athlète mieux préparé pour la distance Ironman. On a déjà oublié qu’à ses débuts, il avait besoin de faire des stop-and-go à chaque ravitaillement.

Il y avait aussi quelque chose de magique en voyant Frodeno et Kienle courir ensemble. Les deux s’ esclaffaient face à la situation et cela était sincère. Dans cette domination allemande, on s’attendrait à observer une certaine rivalité. Dominant contre dominé. Les deux Allemands préfèrent l’explication athlétique à la guerre des mots. Les deux sont des amis et s’admirent.

Frodeno rend d’ailleurs hommage à Kienle en le décrivant comme un athlète lui ressemblant en étant agressif dans les trois disciplines. Il n’y a pas cette dimension calculateur, mais bien des athlètes généreux dans l’effort.

Si Frodeno avait pu faire le choix de créer son propre culte en s’auto proclamant comme le plus grand où en rentrant dans un rapport de force comme Macca avec Crowie, l’Allemand préfère rester ludique.

D’ailleurs, Frodeno est probablement le meilleur ambassadeur possible pour Ironman. Il a ce que l’on aime appeler l’arrogance honnête et ludique. Il veut gagner et il est conscient qu’il est meilleur. Cette croyance en lui peut être vue comme de l’arrogance, mais dans les faits, tout ce qui est dit se réalise.

Pour l’édition de 2016, Frodeno a dû faire face à certains obstacles avec des blessures. Il n’a jamais tenté de cacher sa blessure. Face à la pression médiatique, cela aurait pu être différent.

devant l’ explosion du sport en Allemagne et avec un athlète capable de parler trois langues, les sollicitations sont sans fin, Frodeno est champion du monde en Ironman, mais aussi en selfie et en interview.

Une leçon à en tirer de tout ça?  Frodeno dégage toujours du plaisir et souhaite toujours relever des nouveaux défis.

Frodo n’a pas six titres et non plus deux médailles d’or olympiques, mais est-il vraiment nécessaire de rentrer dans le jeu des comparaisons?

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