La chronic’ de Xa – Mon tour du lac

Ça y est, le mois de décembre approche, et l’hiver est bien là depuis quelques jours. Le froid, la pluie, la nuit qui tombe dès 17 heures… Tout ce qu’il faut pour rêver à des « jours meilleurs », remplis de soleil, de ciel bleu et de routes magnifiques sous la chaleur de l’été…

Comme je suis d’un naturel altruiste, ce soir, j’ai mis mon porte-bagage et je vous emmène avec moi… Dans mon pays, à la découverte de « mon plus beau tour de vélo du monde de l’univers ! »

Je pars toujours tôt le matin en été. Le plus souvent vers sept heures. Il fait frais… Mais c’est une fraicheur « sèche », elle pique le visage et le bout de mes doigts, mais ne mord pas vraiment.

Je sais qu’il va me falloir trois bonnes heures pour faire mon tour. Un tour au sens propre du terme,  car il s’agit du « tour du lac ». « Mon lac », celui de Serre Ponçon, le poumon des hautes Alpes.

Il faut attendre les 1res bosses des « Eaux douces » et de Savines pour se mettre en jambe et se réchauffer un peu. Jusqu’à Savines, c’est sur la route nationale que je promène ma monture et il vaut mieux y passer de bonne heure pour éviter les voitures… Cette partie est agréable à cette heure, car le plus souvent, il y a la « brise de vallée » qui descend de la Durance chaque matin et qui m’accompagne. C’est cette petite brise qui, dans l’autre sens, fait de façon insidieuse les premiers dégâts presque invisibles sur les concurrents de l’Embrunman chaque été lors de leur interminable remontée en direction de l’Izoard.

Dans mon dos, le soleil s’est levé au-dessus du Méal. Il ne me quittera plus de la journée. À ma droite, du côté de Boscodon, le lac est « d’huile ». C’est l’heure des wake boarders et des skieurs nautiques. Ils sont peu nombreux les chanceux et tracent leur sillon tranquillement au milieu des montagnes avec la luminosité bleu clair du matin…

À la sortie de Savines, je ne traverse pas le lac par le pont, je bifurque juste avant sur la gauche. Je sais que j en ai terminé avec le trafic pour deux bonnes heures . Je sais aussi que la première belle bosse m’attend. Pas très longue, mais bien raide, le « Mur des Chappas » me permet de m’élever au-dessus de l’eau puis de rejoindre une partie magnifique en balcon du lac et à flanc de montagne. Au-dessus de moi, le Morgon de sa face ouest, la plus « abrupte », me domine.  Les «  vrais randonneurs », ceux qui partent aux aurores et avant que n’arrivent la chaleur et le monde, sont déjà là haut, au niveau du pic et profitent d’un panorama unique qui leur permet par temps clair, d’apercevoir le Mont Ventoux… En passant devant les demoiselles coiffées, je jette toujours un oeil à gauche pour les « saluer », puis je rejoins un peu plus loin, le Sauze, 1re terrasse à la verticale au-dessus du lac. Le Sauze et son belvédère face au barrage… incontournable !  Le Sauze et sa descente sinueuse pour rejoindre le paradis sur terre : La vallée de l’Ubaye. Quelques virages bien dessinés et deux ou trois relances pour arriver en bas… Je laisse souvent « filer », pour profiter du point de vue, sauf si mon ami Dolu est avec moi… Comme toujours, ce petit coquin va immanquablement décider « d’envoyer » comme sur des skis en slalom géant l’hiver… Je me prête alors volontiers au jeu avec lui. Il y a peu de risques. La visibilité est bonne, presque aucune voiture à cette heure et puis, cette descente, nous serions capable de la faire même si on nous bandait les yeux…

Jamais un souffle d’air, une eau limpide et claire sur notre droite, la forêt et la chaine du Morgon au-dessus de nous. On est « ailleurs » pendant quelques minutes du côté de l’Ubaye. Tout y est différent : la luminosité, l’ambiance et la couleur du lac : plus émeraude que turquoise à cet endroit. L’atmosphère est incroyablement calme dans ce coin-là… C’est assez singulier comme en quelques kilomètres, l’univers autour de vous peut parfois se transformer.

La partie suivante est un peu moins drôle. Le col Saint Jean est en général assez fréquenté et surtout, son pourcentage « mi figue / mi raisin », fait que l’on ne sait jamais sur quel développement se mettre. Un moment un peu pénible à chaque fois pour moi, d’autant qu’après une heure et demie, les premiers signes de fatigue apparaissent.

L’arrivée en haut de Saint Jean va cependant me permettre d’aborder une longue portion favorable… Les kilomètres qui suivent sont assez jubilatoires, car il est facile d’aller vite, très vite même sans vraiment forcer beaucoup par delà la traversée en direction de la Bréole… Pris dans mon élan, il est rare que je prenne le temps de m’y arrêter. Pourtant, la petite place du village est magnifique et l’épicerie du coin en face de la fontaine « dans son jus », a un charme fou… Croyez-moi si vous le voulez, mais la patronne s’excusera presque de vous demander 80 centimes d’euros pour une canette de coca… (véridique !)

La descente qui s’en suit, coca réparateur ou non dans le ventre, est vertigineuse et permet de filer sous le barrage de Serre Ponçon, plus bas, bien plus bas… Un peu trop bas même, car à partir du village d’Espinasse, vous savez que la dernière grosse montée du parcours risque de vous achever.

C’est à ce moment que je regrette toujours de m’être « enflammé » depuis le haut du col Saint Jean. Je sais qu’il va me falloir environ trente minutes pour rejoindre le troisième point de vue dominant sur le lac par la montée du barrage puis le col Lebraut. Par ici, il fait souvent très chaud et dans la deuxième partie, la pente flirte avec les 10%. C’est dur, surtout sur les deux derniers kilomètres à la sortie du tunnel. C’est aussi le moment ou je change souvent d’avis… Neuf fois sur dix je me dis en me levant avant de partir le matin que je vais faire « le grand tour ». Celui où le retour de Chorges sur Embrun se fait par le chemin le plus dur : la remontée par l’arrière-pays : Saint Apollinaire puis le Méans, et enfin la descente sur le plan d’eau par la route des Puys… Cette partie-là est superbe, les points de vue, un peu plus en retrait sur le lac, permettent d’embrasser davantage l’ensemble du panorama et presque la totalité du lac en un coup d’oeil.  Elle se mérite cependant parce que la montée fait bien mal à ce moment de la sortie…si vous passez par là, un petit arrêt au belvédère de Saint Apollinaire est indispensable et les courageux oseront même le crocher depuis le village en direction du petit lac deux kilomètres au-dessus : un des plus beaux coins du département… Un vrai havre de paix. À vous de voir, mais faites-moi confiance : Là haut, on se croirait au Canada…

Malheureusement, étant de moins en moins courageux ces dernières années, mon retour depuis Chorges, se fait la plupart du temps en bordure du lac par la route nationale…

De Chorges à Savines, c’est plat ou descendant et le plus souvent, vent de dos. Même en étant mauvais et « sec » on se « croit bon » et ça roule facilement au-dessus de 40km/h… Une euphorie qui retombe vite au moment de traverser au niveau du pont. Il reste un peu plus de 10 kilomètres, mais la fin du retour vers l’ Embrunais se fait de nouveau par les bosses de Savines et des « Eaux douces ». Presque trois heures plus tard et en sens inverse, ça n’a rien à voir avec l’aller. Pour moi, presque toujours horrible : de vraies montagnes russes et la proximité de l’arrivée qui fait que, presque toujours, on insiste malgré tout en forçant l’allure… Le lac est à ma gauche à présent. Pourtant, plus rien de semblable. Il s’est métamorphosé depuis tout à l’heure où tout était calme et feutré : le vent s’est levé et il y a foule sur l’eau à Boscodon et « Crots beach ». Les Kitesurfeurs se disputent leur part du gâteau avec les derniers navigateurs « old school » en planche à voile et autres catamarans qui font de la résistance devant ces « nouveaux envahisseurs » dans une belle cacophonie nautique.

En général, c’est à l’arrivée sur Embrun, au rond-point de Orres, que je considère que la plaisanterie à suffisamment duré et que je me décide enfin à mettre le « Jospin » pour de bon (comprenez, tout à gauche pour les pignons…). Un peu moins de 90 kilomètres « rond-point/  rond point ». Pas tout à fait 100 depuis chez moi et en regagnant « vaille que vaille » le bar du Boulevard en centre-ville pour refaire le monde autour d’un coca (à trois euros cette fois-ci, mais avec le sourire complice de mon ami de trente ans Joël derrière le comptoir… Ça n’a pas de prix !)

Quel que soit le tempo que l’on ait tenu sur l’ensemble de la sortie, les jambes, à ce moment-là, ont eu leur compte…

Je me rappelle avoir mis un jour, il y a longtemps, autour de 2h45 pour m’acquitter de « ma sortie favorite ». C’est mon « record »…  Heu… Je veux dire, mon « KOM », soyons moderne 🙂

Ce jour-là, j’étais le plus souvent « au rupteur » et à l’abri de mes illustres compagnons qui s’appelaient Franck B, Xavier LF, Franky B, Fabien C, Laurent L et Maxime Q… Les plus perspicaces d’entre vous sauront les reconnaitre j’en suis sûr 😉

Ils avaient eu le temps de faire quelques poses à tous les Belvédères tandis qu’avec mon pote Tonio, je tentais de filer pour revenir et/ ou prendre un peu d’avance selon les moments… Un sacré souvenir : rouler comme si votre vie en dépend avec pour unique objectif de surtout ne pas être le boulet qui ralentit le groupe. Un doux mélange d’excitation liée au contexte, de peur d’être définitivement largué et de honte face à votre impuissance… Le sentiment que c’est quand même un privilège d’être là.  Assez grisant en définitive…

Ce tour est une sortie magnifique. C’est un parcours qui, à partir du plan d’eau d’Embrun, fait pile-poil 90 km, un itinéraire taillé pour un championnat du monde 70,3… Nous sommes quelques-uns à en rêver… Moi, pour voir les mecs « se déboiter » dessus et mes amis pour avoir l’occasion d’enfin se mesurer aux meilleurs sur une course spectaculaire et sélective sans être inhumaine…

C’est vrai, j’adorerais voir des Frodeno, Kienle et consorts là dessus, ce serait incroyable… Ils feraient exploser tous les repères que j’ai dans le coin c’est sûr…  Et quel pied ce serait d’être aux 1res loges !

En attendant de voir ça un jour, cette balade reste mon « marqueur » favori l’été. Une fois par semaine minimum, seul ou avec mes potes, je suis fidèle au rendez-vous…

C’est presque un rendez-vous galant en fait, car si ce tour, je le connais par coeur, à chaque sortie, il se réinvente comme par miracle sous mes roues.

C’est peut-être ça la magie de l’amour  : « Mon tour du lac », je crois, bien que je ne m’en lasserais jamais…

Merci à Jo pour l’inspiration de ce texte.

11 commentaires
  1. En vancances l’été dernier sur Savines, tous les matins d’Aout vers 8h00, 5 a 6 km de sup paddle au départ du près d’émeraude.
    Merci pour me rappeler ces moments magiques.
    En vélo, en trail dans le Morgon, en nageant ou en paddle, ce site est merveilleux.

    1. Tais toi donc malheureux… Le nom de cet endroit (le près d’….) ne doit jamais être prononcé sur les réseaux sociaux, sous peine de subir la furie des locaux ! 😉

      1. Oups. Je me suis trompé c’est pas là… je pars toujours de Boscdon..;)
        Si j’y retourne l’été prochain, je te propose un coup de paddle (j’en ai 2) suivi d’un petit café aubord de l’eau pour me faire pardonner

  2. Tour effectué cet été avec un ami d’Antibes Triathlon, lors d’un stage sur Embrun, mais en sens inverse, en partant par le chemin des Puys.
    Avant d’arriver à le Sauze, nous nous sommes aventuré dans le Col de Pontis, qui redescend sur Savine par la suite… Il est monstrueux en fin de parcours celui-là !
    Et retour sur Embrun ensuite, puis montée des Orres pour finir, où nous étions logés.

    Le reste, je ne m’en souviens plus, je crois m’être ensuite endormi sur ma bière 🙂

    1. Pontis, un peu moins de 5 pitons mais très pentue effectivement et route en assez mauvaise état sur la redescende malheureusement.. Pour la petite histoire, Greg Lemond, du temps de sa splendeur, venait y faire des séances de force sur le gros plateau lorsqu’il venait « squatter » la maison de son coéquipier Eric Boyer chez l’équipe Z… (Eric, natif de Baratiers…)