Pierre-Yves Facomprez > L’homme au triple emploi, Look Cycle, Ironman et Xterra.

Celui qui se fait connaitre sous le nom de Pyf est l’une de ces personnes touche à tout de la scène du triathlon francais. Pierre-Yves Facromprez a plusieurs cartes dans son jeu. Pour certains, il est avant tout un chef de produit chez Look, pour d’autres, il est surtout un pro en Ironman et Xterra. On s’est donc entretenu avec lui pour en savoir plus sur son triple emploi. 


Il parait que tout a commencé par le motocross… se mettre à pédaler quand on était habitué à avoir un moteur… Qu’est-ce qui t’a pris?

Une passion soudaine pour l’écologie ? Une recherche d’autonomie puisque le VTT me permettait de partir de chez moi directement en forêt de Chantilly (au nord de Paris) plutôt que de charger la moto sur la remorque et demander à maman ou beau-papa de m’emmener sur les circuits ? Une prise de conscience que ma musculature (ou plutôt ma non-musculature) était plus adaptée à tenir un vélo de 10kg qu’une moto de 100kg ? Sans doute un peu de tout ça…

Et tout s’accélère… 

Après tout juste un an de pratique j’ai réussi à décrocher une place au Pôle Espoir cycliste d’Auvergne qui avait une section VTT. J’y ai passé mon Bac et ce fut ma première expérience avec un entraînement cadré/planifié, j’en garde d’excellents souvenirs. J’ai eu deux belles années juniors avec un bon niveau national/international.

Mais j’ai trop tôt tout misé sur le sport alors que je n’avais ni la maturité physique ni la maturité mentale pour accepter les aléas liés au sport. Et puis au passage en espoir mon gabarit de grimpeur ne me permettait pas de me défendre sur l’ensemble des parcours, j’étais trop léger, pas assez puissant, j’ai très vite décroché pour revenir à du sport plaisir pendant quelques années, l’occasion de voyager, travailler, reprendre ma formation pour espérer trouver un « vrai » métier un jour, etc.

C’est seulement après avoir commencé à travailler chez LOOK en mai 2005 que j’ai retrouvé le goût à l’entraînement plus sérieux, dans l’hiver 2005-2006 je m’entraînais avec un club de tri dans le but de faire Embrun, un rêve d’ado, mais juste pour le finir puisque je découvrais la discipline. J’en suis resté à l’entraînement puisqu’en fin d’hiver en allant faire une course VTT je me suis aperçu que j’étais de retour à un niveau auquel je ne m’attendais pas, très vite bien meilleur même que mon niveau des années où je misais tout sur le sport, comme quoi l’équilibre dans la vie à côté du sport est indispensable à la réussite.

En 2006 je signe des tops 20 en coupe du monde marathon VTT ainsi qu’au général, je me suis ensuite vraiment éclaté jusqu’à l’été 2010 à parcourir la France et le monde pour faire de belles épreuves tout en ayant un travail qui me convenait vraiment bien chez LOOK. J’ai eu mes petits bonus VTT après m’être mis au triathlon avec des participations aux Cape Epic 2011 et 2013, deux expériences inoubliables !

Mais d’après ce que j’ai compris… tu n’avais pas totalement l’instinct du compétiteur…

Dire que je préfère me battre avec moi-même plutôt que contre les autres n’est pas tout à fait faux, je ne suis pas un tueur… plutôt un mec gentil. Ceci dit dans mes bonnes années VTT, même si j’ai toujours eu le plus grand respect pour mes adversaires, celui qui se retrouvait avec moi à l’avant d’une course avait intérêt à être plus costaud que moi, sinon je n’hésitais pas à le faire souffrir (rires…) !

Mais, comment s’est faite la transition du VTT au triathlon?

La stagnation est l’ennemi de la motivation, en 2010 j’attrape la Dengue (un vilain virus) suite à un déplacement à Taïwan avec LOOK en mars, je me retrouve du coup dans une saison faite de haut et de bas une fois les trois semaines KO passées. Plutôt moins bon qu’en 2008 et 2009, surtout sur la première partie de saison, je n’arrive pas vraiment à reprendre l’entraînement après le Championnat de France de Val-d’Isère, les jours passent… et un matin je me suis levé avec l’envie de reprendre, sauf que c’était avec l’envie de reprendre pour faire du triathlon (via le Xterra dans un premier temps) et non plus du VTT.

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Comme beaucoup le savent dans la communauté, tu travailles chez Look…

J’avais été en contact avec le directeur général de LOOK, Thierry Fournier, en 2003 lorsque j’avais ma société de fabrication artisanale de roues (FYP CONCEPT). Quelques brefs échanges pour parler des roues que LOOK commercialisait à ce moment-là (le clin d’œil c’est que c’était des roues fabriquées par CORIMA pour LOOK), mais rien de poussé. Et puis en avril 2005 alors que j’étais en vacances à San Francisco après la Sea Otter Classic à laquelle je me rendais pour la première fois, j’ai reçu un email de ce même Thierry Fournier me demandant si nous pouvions nous rencontrer à Nevers au siège de la société. Le temps de passer mes examens universitaires en cours et fin mai 2005 je m’installais à Nevers. Mon passé de vététiste n’a pas joué sur mon embauche (en 2005 LOOK n’avait plus de VTT à la gamme), ma passion quasi obsessionnelle pour les roues beaucoup plus.

Quel est ton mandat actuel avec Look…

Je suis en CDI à temps plein depuis fin 2005, j’ai toujours travaillé au sein du bureau d’étude, mais j’ai aussi la casquette de chef produit VTT. Depuis fin 2007 j’ai dans le cadre de mon emploi à temps plein une certaine flexibilité horaire pour m’entraîner, je suis également athlète sponsorisé. Si demain je ne suis plus athlète LOOK, mon emploi ne change pas, une situation qui m’a permis de faire du sport sereinement depuis 10 ans, une chance !

Mais, dis-moi, même si tu es affecté au vélo de montagne, j’imagine que ton savoir en triathlon (sur route) est sollicité…

Notre bureau d’étude est un open-space, et nous sommes trois chefs produits, tout ça facilite les échanges, l’important étant d’amener un maximum de compétence sur la table pour faire avancer les projets. Donc oui il m’arrive d’intervenir sur des thèmes autres que mes axes de travail principaux si l’on juge que ce sont des domaines dans lesquels je suis compétent. C’est notamment le cas sur les géométries de l’ensemble des vélos, le triathlon, etc.

La réciproque est tout aussi vrai j’ai souvent besoin de mes collègues pour faire avancer mes propres projets, je pense, à mes copains plus matheux que moi, notre expert en dessin et j’en passe !

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Du coup, tu joues un peu le rôle d’ambassadeur pour Look, je veux dire par là que tu es généralement là pour informer… j’imagine que c’est important pour lutter contre certaines croyances…

J’essaie de renseigner au mieux, que ce soit sur le terrain ou sur les forums, pas facile d’être partout et de tuer toutes les croyances, mais j’aime être au contact des sportifs, tu apprends beaucoup des questions et remarques des gens, les positives comme les négatives.

Vu le nombre de marques françaises en vélo, travailler pour Look est un grand privilège… mais j’imagine que beaucoup doivent te solliciter à cause de cela non? Pas trop dur de garder le mystère sur vos projets?

La discrétion fait partie intégrante du boulot, donc la phrase « je ne suis pas au courant » fait partie de celle à utiliser très régulièrement. Suffit de la dire avec le sourire et les gens font ensuite preuve d’imagination, des fois en visant juste, d’autres fois moins.

Bon cette question revient fréquemment, mais puisque tu travailles chez look, pourquoi être pro en triathlon? Parce qu’un peu comme toujours, tu pourrais jouer la star chez les amateurs…

Je ne dois pas être le premier à le dire, mais je trouve qu’il manque un vrai système de montée/descente en triathlon comme il y a dans les autres sports. Fin 2010 quand je me mets au tri, je finis 20e au scratch avec les pros et gagne mon groupe d’âge aux championnats du monde Xterra à Maui (mon troisième triathlon après un M et le Xterra Suisse pour la qualification), pour moi en 2011 cela coulait de source de courir en pro, ce que j’ai fait en terminant 9e du challenge européen. A mes yeux j’avais fait ce que j’avais à faire en amateurs et il fallait passer à l’étape au-dessus tout en laissant la place aux autres en groupe d’âge.

J’ai découvert rapidement que tous les triathlètes n’avaient pas cette mentalité et ce n’est pas une critique puisque dans ce sport on n’a jamais demandé à personne de changer de catégorie après avoir dominé la saison précédente dans la catégorie inférieure.

En 2013 je me suis dit, pourquoi ne pas tenter le même coup sur le circuit Ironman 70.3 dont le Championnat du monde se tenait à Las Vegas cette année-là ? Je suis donc allé faire une superbe course à Majorque en groupe d’âge, mais la présence d’Antonio Colom qui m’a déposé à la fin du vélo (pas juste doublé, littéralement déposé) m’a fait renoncer à mes ambitions en groupe d’âge sur le circuit Ironman, quelques semaines plus tard je courais en PRO au 70.3 UK. Je ne suis pas là pour lancer la polémique, les règles sont ce qu’elles sont, je me suis simplement dit que quitte à courir avec des types qui sont tout sauf de simples amateurs autant m’inscrire directement en PRO.

Et donc, c’est le plaisir qui gagne…

Exactement, PRO ou pas, peu importe, je me suis éclaté par exemple sur des courses comme le long d’Obernai ou celui de l’Alpe d’Huez sur lesquelles la notion de catégorie importe peu contrairement aux circuits Ironman et Xterra sur lesquels les différences sont plus marquées. Une belle épreuve, une belle ambiance et si possible une bonne condition pour faire honneur à la course à laquelle je participe, voilà ce que je recherche avant toute chose ! Après je ne vais pas raconter d’histoires non plus, aujourd’hui le label IRONMAN fait rêver beaucoup de monde, moi y compris, c’est pour ça que pour ma dernière année (avant une pause pour profiter de ma famille) je vais cibler un peu plus les courses du label.

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Mais d’après ce que je sais, ta passion reste le Xterra. Peux-tu nous en parler un peu plus? tu sais que Trimes n’est pas très loquace sur cette discipline… As-tu l’impression que le sport est encore très méconnu et que la scène a du mal à se développer?

Le Xterra est une discipline qui a beaucoup d’atouts pour elle : épreuve nature, mixant le triathlon et le trail qui est une discipline en plein essor, avec des distances qui la rende accessible sans pour autant être sur des durées de courses aussi courtes qu’un M (format olympique) qui laissent parfois les athlètes un peu sur leur faim, surtout les piètres nageurs comme moi (rires…).

Le circuit mondial est suffisamment varié pour qu’il y ait des épreuves avec des parcours VTT vraiment très accessibles (je pense par exemple à la Suisse), d’autres qui favorisent un peu plus les spécialistes de la discipline (France, Maui). Bref beaucoup d’atouts et pourtant après un gros boom il y a trois-quatre ans, j’ai le sentiment d’une petite stagnation, pour la France c’est sans doute Paul Charbonnier qui pourrait le mieux t’en parler (à quelle vitesse l’épreuve se remplit-elle cette année VS les années précédentes), à Maui je n’ai pas trouvé l’évènement plus important ou plus médiatisé en 2015 qu’il ne l’était en 2012. Le circuit européen s’est vraiment développé ces dernières années, mais très honnêtement ne l’ayant fait entièrement qu’en 2011 je ne pense pas être la meilleure personne pour en parler, il faudrait contacter Nico Lebrun.

Bon alors… tu peux nous dire les prochaines sorties pour Look? (rire) Non, mais quelles sont les prochaines étapes pour toi?

Je veux bien, à condition que tu ne payes pas en dollars canadiens 😉 .

Côté sportif, maintenant que le 70.3 d’Aix-en-Provence est passé, je m’entraîne pour l’Ironman de Nice. J’ai bien un plan pour la suite de la saison, mais sachant les dégâts qu’un Ironman peut faire sur un petit bonhomme comme moi je préfère ne pas me projeter trop loin pour l’instant.

Je vais essayer de vraiment profiter de cette saison puisque ça sera la dernière avant un break à durée indéterminé. Mon niveau physique est sensiblement le même que les années précédentes donc je compte sur une bonne gestion de course et une certaine maturité pour sortir une belle course à Nice.

En 2017 ça sera famille, course à pied, un peu plus de temps pour m’occuper de la maison et bien sûr travail. En passant mes plus grosses semaines de 13 à 15h d’entraînement à 8 à 10h je pense pouvoir me faire plaisir en course à pied tout en dégageant plus de temps pour tout le reste. Je t’ai dit quand je stagne plusieurs saisons de suite j’ai besoin de nouveaux challenges…

Ça ne m’empêchera pas de rester très impliqué dans le triathlon sur le plan des produits, il y a encore tellement de choses à faire avec LOOK et CORIMA dans cette discipline !!! Une bonne conclusion non ?

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