Édito > Un an.

Cela fait déjà un an que l’on s’était dit, « OK, on en reparle demain ». Malheureusement la suite était devenue impossible. Si la communauté a su honorer ton départ, rares étaient ceux qui savaient à quel point tu voulais changer le monde du triathlon. 

Tu avais cette définition du sport que je partageais avec toi. Cette volonté de grandir et de s’améliorer perpétuellement en tant qu’être humain. Le sport était un terrain de jeu, un prétexte pour vivre les choses à fond et être généreux. Même si on le répète si souvent, ce message a toujours de la difficulté à passer…

Moi, ma nouvelle quête perpétuelle, c’est de savoir ce que tu aurais pensé de tout ça. C’est devenu une obsession et j’espère réellement que j’ai su garder les bonnes lignes. Encore à ce jour, tu restes la personne qui a été la plus influente dans ce projet. 

Je continue à appliquer la loi « lolo »  tous les jours. Accepter de prendre position sur des sujets en fonction de ce que je considère être le plus juste. On n’a jamais aimé le statu quo et le non-dit. Tu le disais souvent que c’était notre force, nos chemins s’étaient croisés pour cette raison. J’espère que c’est toujours vrai. 

Faire face à la musique. Tu me disais toujours qu’une opinion, même si tu pouvais ne pas être en accord, cela reste un droit. Connaissant la chanson, tu fournissais toujours assez d’éléments pour permettre aux autres d’apprendre avec toi. Tu n’entrais pas dans un mutisme en attendant le prochain bon résultat. 

Impossible de te le cacher, les Jeux olympiques de Rio ont été particulièrement difficiles à suivre sans toi. Pas seulement parce qu’il était impossible d’avoir ta vision des choses, mais aussi parce que cela ne s’est pas déroulé comme tu l’aurais souhaité. Je suis certain que tu aurais rapidement tourné la page. Tu serais reparti à fond, cherchant à nouveau une nouvelle vérité. 

Malheureusement, j’ai eu le sentiment que sans toi, les comportements ont changé. La sincérité, la générosité et l’engagement étaient ta distinction et le seul chemin que tu  prenais. Les gens ne réalisent pas que sur ce sujet, tu n’étais pas juste l’exception française, mais aussi la référence des athlètes du circuit de l’ITU. Tu avais su réunir les différents camps.

Toute cette année sans toi, je me suis demandé si d’autres athlètes allaient suivre tes pas. Parce que oui, tu as démontré qu’il était possible de rendre public son apprentissage. Oser partager leurs expériences avec sincérité et sans voile entre les joies et les peines. Toi et moi, on savait que les performances sportives ne définissent pas la qualité d’un individu.  

Malheureusement, il faut se rendre à l’évidence. Tes chaussures sont bien trop grandes pour les autres. On est toujours dans un jeu de dépendance avec  rapport de force entre  athlètes et système (fédération et sponsors). Un logo avec tes initiales ne suffit pas. 

Toi, tu avais compris qu’il ne fallait pas rejeter la responsabilité sur les autres. Que la dépendance à un système n’était pas une fatalité, mais un choix. Pour gagner sa liberté, il fallait mettre en place des actions pour gagner sa propre autonomie afin de devenir maitre de son projet. Tout cela semble être si limpide et pourtant… 

Durant cette année olympique, on est retombé dans l’ombre. Lorsqu’un élite de renom publie une photo à l’entrainement, il fait le buzz. Mais quel est le véritable impact de ce geste à part jouer le jeu des sponsors? Quel effet cela a sur nos jeunes?

Tu imagines? le summum de l’intérêt médiatique semble être lorsqu’un triathlète participe à un autre sport ou de savoir quand il va se lancer en longue distance… 

Alors à quoi bon se tourner vers l’écrit et prendre des risques à se dévoiler? Toi tu avais compris qu’en partageant tes sentiments publiquement, tu t’aidais. Tu t’interdisais certains raccourcis. Cet exercice te forçait à faire ce travail d’introspection et à donner ta vision la plus juste possible. Qui peut se vanter d’en faire autant? 

En suivant l’actualité sportive je me dis constamment que lire les propos d’un athlète, c’est un exercice de traduction. Il faut être équipé du bon décodeur. 

Est-ce que l’athlète est vraiment sincère ou  tente t-il  de préserver/bâtir une image? Est-ce que son abandon est vraiment provoqué par un pépin physique ou cette fameuse peur de ne pas répondre aux attentes? Sa contre-performance est-elle vraiment le fruit d’une erreur stratégique? Rien d’inavouable. 

Évidemment, le suiveur n’a probablement pas le besoin de tout savoir, mais l’erreur c’est à nouveau de dissocier le sportif de l’individu.

Cette culture du secret continue à mettre de l’ombre sur la notion du jeu dans le sport. L’élite doit accepter de gagner et de perdre. Malheureusement, le contexte fait que l’athlète ne veut ou ne peut pas être sincère. 

Comme tu me le disais, coacher des athlètes, c’était trouver l’équilibre entre le stress physiologique et moral. Il fallait adapter le discours en fonction de l’athlète et s’assurer qu’il assimile une certaine culture. Toi, tu savais démontrer une joie à juste être dans le processus. Tu appréciais chaque moment. 

Alors, soyons honnêtes, j’en ai peut-être trop fait dernièrement et j’ai amplifié mes attaques sur une certaine culture. C’est peut-être juste une question de maturité. Tu avais fait ton cheminement. 

À la fin, j’ai tout simplement été déçu de voir que ton héritage n’avait pas un effet immédiat sur les autres. Comme s’il fallait recommencer au début. Il faut se rendre à l’évidence, ils ne se comportent pas comme toi. Leur musique est différente. Alors, j’ai souvent  peur que tes idées soient déjà délaissées.

Tes lignes directrices, je ne les ai pas oubliées. 

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