Pierre-Yves Gigou se fait trimer > seul français sur le podium en AG à Kona.

PY, félicitation pour ta course. Maintenant que tu as fait un podium, on veut savoir si tu as défilé derrière le drapeau canadien ou Français? Question piège! Je n’y suis pas allé. J’avais eu une journée assez occupée et c’était à mon tour de faire la souper du soir.

Le monde du triathlon Français connaît très bien ses élites, habitant au Québec (Sherbrooke), avais tu l’impression qu’ils s’intéressent un peu à toi? Je me trompe peut-être mais tu sembles être le seul à avoir fait un podium dans ton groupe d’âge. Thierry Sourbier, le photographe et webmaster du célèbre onlinetri.com ne m’a pas raté ! Dès son arrivé il a commencé à me mitraillé et ce jusqu’à l’ultime party du dimanche soir. À part lui je n’ai rencontré que le journaliste de TriMag qui l’accompagnait.

Pour le moment seul Trimes m’a contacté pour un interview, malgré le fait que je soit le seul français à être monté sur le podium. Plusieurs athlètes français  présent à Hawaii me connaissent. J’ai fait plus de course avec Cyril Viennot (15e PRO) qu’avec n’importe quel athlète au Québec (Martin Malo à encore du travail pour le rattraper!). Nicolas Hemet (2e français), Anthony Philippe(vainqueur de son GA l’an passé), Bruno Mercier… Bref je ne me sentais pas seul.

Cette année, tu as été forcé de rentrer en France pour 2 mois à cause d’un visa qui tirait à échéance, d’une certaine façon, c’était la meilleure chose qui pouvait t’arriver non? Effectivement que j’ai eu deux mois plus relax pour préparer l’IRONMAN de Cozumel durant lesquelles je suis resté au Canada. Je n’avais ni le droit d’étudier, ni de travailler. Après le Mexique j’en ai donc profité pour voir ma famille que je n’avais pas vue depuis 1 an et demi. J’ai dû attendre la fin du mois de Janvier pour   rentrer au Canada et finir ma maîtrise en Science du Sport, laquelle devaient initialement se terminer en décembre 2010. À cause de cela, les mois de Février à Juin furent particulièrement pénibles et ma préparation pour Hawaii était désastreuse au point que j’envisageais de renoncer à y participer. Durant ces mois je me suis donc efforcé de maintenir une cinquantaine de km de course par semaine. Mon travail d’entraîneur m’a beaucoup aidé à me garder en forme pendant cette période difficile. J’ai repris l’entraînement au mois de juin où j’ai était très surpris de ne pas avoir perdu tant que ça.

Donc non, mes problèmes avec l’immigration ne m’ont pas aider à préparer Hawaii comme j’aurais voulu le faire, bien au contraire. Mais cela m’a permis d’entamer les 4 mois de préparation qui précédé la course avec beaucoup de détermination : on dira en bon français que « j’avais les crocs » !

Peux-tu nous résumer ta planification annuelle pour la préparation pour Kona? Phase, Volume etc…? Natation : J’ai repris la natation au mois de juin, à Mont Tremblant pour être précis 😉 J’ai vraiment commencé à nager sérieusement en arrivant à Hawaii car l’université de Sherbrooke  étant en grève je n’avais plus accès à la piscine.

Vélo : J’ai fait beaucoup d’intervalles au mois Juin et Juillet et peu d’entraînements longs. Par exemple, avant le demi de Magog, j’avais seulement 3 entraînements de   plus de 80km dans les jambes. À partir de mi-août je faisais chaque semaine le même parcours de 130km allure course. La fin de semaine je faisais un autre 100-120km plus facile. Pour le reste c’était rarement plus de 60 km, en récup ou avec des intervalles. Mes deux plus longues sorties ont été un 170 et un 180k sur le parcours de la course à 2 jours d’intervalles.

Course à pied : ça a toujours était mon point faible sur ironman (crampes) alors c’était une priorité pour moi. Je me suis organisé pour travailler un peu la vitesse (VMA, Seuil) cet hiver et au printemps, puis j’ai délaissé les intervalles (seulement une fois par semaine) pour prioriser les sorties longues (jusqu’à 2h30). Fin août je courais 100km/semaine.

Comme certain ont pu le constater j’ai fait beaucoup de courses GA au Québec cet été. Cela m’a permis de découvrir de l’intérieur ce circuit de compétition. N’étant pas quelqu’un de très compétitif, cela ne me dérangeait pas d’arriver sur les compés sans faire de taper à partir du moment où je donnais mon 100%. Par exemple, entre Magog et le Fjord (4e à chaque fois), je me suis entre autre permis de rentrer un 120km de vélo avec des intervalles suivit d’un 5x 1000m à pied. Je savais qu’en bout de ligne, l’objectif principal était Hawaii.

As-tu l’impression que t’être qualifié à Cozumel, soit pratiquement 1 an à l’avance, t’a donné un avantage sur les autres ou au contraire? Oui, c’est certain que j’étais avantagé, car il est plus facile de planifier de peacker une fois dans l’année et ma préparation était entièrement tourné vers cette course.   C’est pourquoi je considère aussi que la performance de  Frédérique Boivin (23 ans, 9h31, de Sherbrooke également), à seulement 6 semaines de l’IM Kentuckie, démontre qu’il a beaucoup de potentiel.

Tu m’as dit avoir fait beaucoup de vélo avant la course et tu es même arrivé 3 semaines avant la course. Est-ce que cela signifie qu’on a tendance à faire des tapers trop facile? Oui j’ai beaucoup nagé et roulé jusqu’au 10e jour avant la course. En revanche la semaine d’avant course a été très très relax. Chaque athlète réagit différemment donc il faut en essayer plusieurs pour connaître celui qui vous convient le mieux. Je pense aussi que le taper dois être adapté en fonction de ce qui a été fait avant et du moment de la saison (début ou fin). Pour quelqu’un s’entraînant une dizaine d’heure par semaine faute de temps, je ne conseil pas de pendre beaucoup de repos avant la course. 4-5 jours plus faciles suffiront. Pour Hawaii, mon taper en CàP a commencé 3 semaines avant, en vélo 10 jours avant, et en natation 6 jours avant.

C’est vrai que tu roulais avec Marino? Je le connais depuis l’IM de Cozumel nous avions roulé ensemble un peu plus de 300km. À Kona j’ai fait un entraînement de vélo avec lui. On a roulé 100k à 37km/h incluant 3x 10k à 300w, j’avoue m’être m’abrité durant une partie des intervalles. On roulait 50km/h par moment et sa position aéro est nettement meilleure que la mienne. À la fin de la ride il m’a remercié de l’avoir accompagné: j’étais sur le cul !

C’est vraiment un type bien, généreux dans l’effort et très professionnel dans sa préparation. Il m’a encore donné de nombreux conseil.

En natation j’ai eu la chance de faire une dizaine d’entraînement avec Yvonne Von Verkel.

Comment s’est déroulé ta course, est-ce que tu t’es tout de suite senti dedans? Je savais que j’étais en grande forne, mais il est difficile de trouver des bonnes sensations au départ alors de tu te fais bousculer de tout côté. J’ai été trop timide et je me suis placé en 3e ligne, je n’ai donc pas pu partir aussi vite que je l’aurais voulu. J’ai manqué les pieds des gars de mon niveau et je me suis retrouvé obligé de tirer mon pack sur les 2 derniers km.

Connaissait tu ton classement en posant le vélo? Si oui, j’imagine que tu devais surveiller tous les mollets! Les gars de Louis Garneau mon appris mon classement au 21e km. Je leur ai répondu de se calmer et qu’il restait encore un bon bout de chemin à faire avant de me renfermer dans ma bulle. Lorsque le 3e m’a dépassé j’ai conservé mon pace, car je savais qu’il était risqué de sortir de ma zone. Lorsque les crampes arrivent elles ne pardonnent pas !

Ce qui m’a impressionné de ton résultat, c’est que tu as fait pratiquement tous les temps que tu avais annoncés. C’est quoi ton secret? J’imagine que tu as fait une préparation pour te mettre en confiance. Cela peut paraître paradoxale, car contrairement à de nombreux athlètes, lorsque je suis en course j’oublie mon GPS et je garde le focus sur mes sensations. J’ai seulement regardé mon temps au 20e km et lors des 10 derniers km.

Premièrement je pense que je me connais très bien et qu’à l’entraînement je pouvais facilement me représenter à quelle intensité je serais capable de tenir la distance après un taper.

Deuxièmement, j’ai beaucoup travaillé cette allure spécifique lors des dernières semaines avant la course. En cyclisme je ne dispose pas d’un capteur de puissance mais j’écoutais mes sensations et vérifiais mes fréquences cardiaque et  la moyenne horaire (à Kona les conditions sont tous les jours les mêmes). Lors de mes longues courses à pied je ne me séparais plus du GPS de ma RCX5 et je courrais systématiquement à mon allure de course (4’30/km).

Si tu avais un conseil a donner a ceux qui souhaite se qualifier ce serait quoi? À moins de très bien se connaître et d’avoir une bonne expérience en triathlon, le meilleur conseil que je pourrais donner est de se trouver un entraîneur ; )

Qu’est ce que tu as le plus aimé et le plus détesté de Kona? Ce que j’ai le plus aimé ? C’est extrêmement motivant de savoir qu’on va racer sur un parcours mythique qui a été foulé par tous ses athlètes de renoms et qu’on prendra le départ d’une course ultra-relevée où tous arrivent avec dans leur meilleure forme et où chaque seconde compte.

J’ai moins aimé la partie business. Comme à leurs habitudes, les organisateurs ne font pas de petits profits.

Aussi, avec un podium dans ton AG? Est-ce que tu prends ta retraite ou tu as des nouveaux défis à nous faire partager? Ma retraite ??? Je suis bien trop accro pour ça ! J’ai juste 24 ans et l’avenir est devant moi.

J’avais pour objectif de faire un podium à Vegas (ITU) le mois prochain… mais après Kona, j’ai revu les objectifs à la hausse et je vise maintenant la victoire. J’ai commencé à m’entraîner sérieusement au mois de juin seulement, alors je sais qu’il me reste pas mal de jus avant de clore la saison.

Je suis très tenté de retourner à Kona l’an prochain. Mais cela n’est pas dans mon intérêt car étant donné mon jeune âge j’ai encore beaucoup de vitesse à gagner avant de retourner sur Ironman. D’autre part j’ai explosé mon budget «compé » cette année (Cozumel, Hawaii et Vegas). Je vais donc passer PRO pour pouvoir faire de belles courses à moindres coûts sur les 70.3 de la région. La qualification au championnat du monde 70.3 pourrait être un objectif. Bien sûr, je suis très tenté de faire l’Ironman de Mont Tremblant. J’aviserai en fonction du KPR.

Peux-tu nous parler des tes commanditaires? Effectivement, plusieurs commanditaires m’encouragent dans mes projets en me fournissant des produits et services gratuitement ou à un très bon prix.

Je remercie tout d’abord Louis Garneau qui me fait confiance depuis que je suis arrivé au Québec. Les gars qui conçoivent les produits sont vraiment des passionnés. Je teste de plusieurs de leurs produits et s ne me plaisent pas, ils font des modifications en conséquence. Je suis donc sur d’avoir toujours du super matériel. Et puis c’est vraiment cool de partager le même commanditaire que Chrissie Wellington, Miranda Caffrae, et Craig Alexander !

Je remercie aussi Merrel dont j’aime beaucoup la philosophie ainsi que le dynamisme de Christian Triquet.

Je remercie Immunotec qui me fournit des suppléments alimentaires, dont plus particulièrement Immunocal pour renforcer mon système immunitaire (c’est mon point faible, je tombe très souvent malade).

Pour finir je remercie POLAR, Ski-Vélo Magog, et Action Physio Sport Sherbrooke.

Par ailleurs un souper-bénéfice m’a permis de financer l’inscription à la course.

Sans tout cela, je n’aurais jamais pu me permettre d’arriver à Hawaii 19 jours avant la course, ni d’être aussi bien équipé que je ne le suis actuellement. Tous ont participé à la réalisation de cette performance.

Évidemment, je remercie aussi mon entourage qui m’a encouragé et aidé dans ma préparation.

As tu quelques choses à ajouter? Surveillez bien les athlètes Longue distance de Sherbrooke : Fred Boivin, Jérôme Bresson, Julien Biboud, Carol Migneault, Tommy Dion… ils sont jeunes, motivés et pleins de talents !