Le triathlon en crise d’identité/perception athlétique face aux autres sports

La performance d’Alistair Brownlee au 10 000m à Stanford a tout simplement réanimé le problème d’identification du sport triple. Sur les réseaux sociaux, sa performance semblait être tout simplement être l’événement de l’année dans la communauté. Il y a quelque chose d’un peu ironique de voir qu’il y a un énorme intérêt à voir un triathlète ne pas faire de triathlon. On peut même ajouter que le scénario inverse est aussi vrai, lorsqu’un cycliste se met à faire du triathlon, on semble mettre au second plan les acteurs de notre sport.

Ce qui est assez fascinant dans la réception médiatique de la performance d’Alistair est la différence de perception entre les triathlètes et le monde de l’athlétisme. Le monde du triathlon semble totalement fasciné par son temps et fait totalement abstraction des autres devant lui.

Et le monde de l’athlétisme ne semble guère impressionné par son temps, au contraire. Pour les connaisseurs, Alistair est l’un de ses fameux athlètes qui aurait voulu faire de l’ athlétisme mais qui s’est finalement tourné vers le triathlon à cause de ses blessures. J’ai remarqué que ce milieu n’apprécie pas ceux qui les quittent. Lukas Verzbicas est un autre excellent exemple.

Beaucoup d’anciens coureurs compétitifs se sont tournés vers le triathlon à cause des blessures. Jarrod Shoemaker est un autre exemple et on devrait d’ailleurs voir de plus en plus de coureurs de NCAA se diriger vers le triathlon comme Gwen Jorgensen.

Il est difficile pour eux de se dire que ceux qui n’avaient pas le corps et la tête pour atteindre l’excellence peuvent être adulés dans un autre sport. Pour eux, le triathlon est donc tout simplement un sport pour les pas assez bons. Tout cela vient aussi relancer le débat que pour atteindre son plein potentiel, il faudrait focaliser sur la course à pied dans sa jeunesse. Le temps nous le dira.

(Note importante, chez Trimes, on respecte autant l’athlètisme, le vélo, la natation ou le triathlon et cela va même jusqu’au Curling. On se réjouira toujours de voir des athlètes stimulés par leur recherche de l’excellence, heureux et en santé).

Est-ce que ce milieu n’a donc pas de respect pour le triathlon ? Non, mais à certaines conditions.

Certains ont compris que le triathlon, c’est avant tout trois sports et qu’il est avant tout stratégique (on parle avant tout de ITU). C’est la recherche d’une combinaison, d’un équilibre parfait et d’influencer les dynamiques de course face à son avantage ET NON être le plus proche des temps des athlètes qui pratiquent qu’un seul sport.

Nous devons accepter la vitesse de nos triathlètes parce qu’elle reflète les connaissances et les méthodes actuelles pratiquées et il serait malhonnête de retirer du crédit sur nos élites à cause des écarts important sur les temps des disciplines uniques.

La problématique avec les à-côtés d’Alistair Brownlee, c’est un peu comme ci un vainqueur de tour décidait de faire de la piste comme le kilomètre lancé. Les spécificités sont tellement différentes et elle incitent à faire des comparaisons qu’on ne devrait pas faire.

Il y a une différence majeure entre un sport qui souligne avant tout la forme athlétique d’un sportif et un autre sport qui est un ensemble de facteurs (stratégie, physio) et pour les puristes, oui un 10 000m c’est aussi de la stratégie, mais Alistair n’est pas rendu là.

Donc durant une classique à vélo ce n’est pas le plus fort physiologiquement qui gagne mais celui qui réuni les conditions gagnantes (forme du moment, stratégie). On dira que le gagnant était le plus fort (mais cela implique plusieurs facteurs). Le triathlon suit cette même logique.

Présentement, on a l’impression que les Brownlee gagnent uniquement par leurs vitesses et leurs aérobies pures, comme nous essayons de vous l’expliquer depuis plusieurs articles, l’ITU devient de plus en plus un sport très stratégique et c’est une perception qu’il faut gagner.

D’une certaine façon, on ne devrait pas vraiment porter importance en combien il a couru le 10k à San Diego mais avant tout comment il a porté ses attaques. Encore une fois si tu regardes une grande étape du Tour de France, on n’essaye pas de comparer les temps et les moyennes parce qu’on comprend l’importance des dynamiques. Le triathlon est encore loin de là et c’est surement pour cela qu’il ne rejoint pas la communauté sportive.

Et dans le cas d’Alistair Brownlee ? On trouve cela très bien qu’il souhaite s’essayer en athlétisme, il est un homme libre et il a le droit de faire ce qu’il lui plait mais cela affaibli encore la perception de notre sport face aux autres. Certains se disent tout simplement, ah il en a marre du triathlon alors il essaye autre chose ? On est conscient que cela n’est pas exactement le cas, mais il en demeure qu’il n’a pas fait Auckland, ne fera pas Yokohama et on commence à se demander si la WTS a vraiment de l’importance pour lui.

Évidemment, on peut voir tout cela de l’autre coté en se disant que cela fait connaître le triathlon. Mais selon nous, elle n’aide pas les autres communautés sportives à mieux comprendre notre sport qui est déjà compris par elle même.

4 commentaires
  1. Peut être est-il intéressant de mettre dans la balance que nous sommes en année post olympique ?
    La réalité stratégique du sport n’est accessible qu’à partir du moment où l’on a le niveau physiologique. Aujourd’hui, Alistair semble au dessus et le danger semble être que les autres veulent gagner sur son terrain de jeu …
    Si on court un 10km en négative avec un premier kilo en 2’55 au lieu de 2’40, je pense que l’impact permettrait de déstabiliser Mr Alistair qui pour la première fois verrait son écart diminuer après le 1er tour. Serait il aussi fort dans cette configuration de course ?

      1. Par contre, le problème d’identité que tu soulignes, ça commence par considérer que le triathlon est UN sport et non trois ! C’est l’enchaînement de 3 modes de locomotion et je pense qu’en tant que spécialiste et technicien, considérer les choses comme cela permettrait de faire évoluer les états d’esprit.
        Car comme tu le dis, on ne compare pas les performances d’un poursuiteur avec le vainqueur du Tour …

        1. Oui tu as tout a fait raison. Le triathlon doit être considéré comme un sport et non trois. Et doit mieux spécificier ses exigences. Pour le moment… d’une vision extérieur, le sport demeure, commencer à courir après avoir fait du vélo et de la natation.

          Je ne pense pas qu’on essaye sans cesse de juger le biathlète en fonction d’une skieur de fond. Et Je ne pense pas non plus qu’on juge un cyclique PRO de MTB à un cycliste du ProTour. Enfin, je peux me tromper.