Pourquoi courir pro sur le circuit Ironman ?

Ça fait longtemps que je voulais écrire mes impressions sur l’évolution du triathlon longue distance, mais je ne savais pas comment l’approcher. Ça m’a frappé ce matin !

La démission de Brett Sutton de Team TTB ne me laisse pas indifférente. Elle soulève plusieurs questionnements et bien que certains n’aiment pas le personnage, il faut reconnaître les exploits que cet entraineur a réussis.

« Take back tri », c’est ce qu’il dit dans un de ces récents Tweets. Je trouve l’idée complètement folle, mais quand je m’attarde à ses objectifs, je suis emballée. Il veut améliorer la surveillance du drafting, améliorer la rémunération des pros et permettre que les compétitions soient de nouveau plus accessibles à tout le monde.

Je participe depuis cette année aux compétitions PRO, mais, en fait, je me considère comme une « groupe d’âge » dans le jargon de triathlon. Je m’entraine dans un club avec du monde de toutes les forces, je travaille (normalement), j’étudie; bref, j’ai des occupations autres que celle de m’entrainer à temps plein. Malgré tout, j’ai décidé d’oser demander ma licence PRO et m’inscrire PRO dès ma première compétition sur le circuit Ironman. C’était au 70.3 Mont-Tremblant, cet été, et je me suis fait démolir. Plusieurs « groupes d’âge » m’ont battu cette journée-là.

Têtue, j’ai continué de m’entrainer fort cet été et je me suis inscrite à ma deuxième compétition PRO, 70.3 Muskoka. Le résultat fut meilleur. Aucune femme « groupe d’âge » ne me bat. Or, je me fait encore solidement démolir par les meilleures femmes dont Mirinda Carfrae. Je termine 8e femme overall, plus de 30 minutes derrière Mirinda. J’obtiens alors un maigre 75 points pour ma conquête vers les Championnats du monde 70.3 qui auront lieu à Mont-Tremblant, à la « maison », l’an prochain. Si je m’étais inscrite dans ma catégorie d’âge (25-29 ans), je serais arrivée première avec une avance d’environ 20 minutes. J’aurais alors obtenu mon billet pour les Championnats du monde 2014. Ça aurait tellement bien paru auprès des commanditaires, zut !

Pourquoi est-ce que je m’acharne à courir chez les PRO présentement ?

Pour sensiblement les mêmes raisons que Brett Sutton a décidé de démissionner de Team TTB…

  1. Contrôle du drafting. Bien que je le déplore encore énormément chez les pros, chez les « groupes d’âge », le phénomène est pire que jamais. Puis, ceux qui en profitent ne se sentent même pas coupables. Ça me répugne.
  2. Accessibilité à la compétition. Je peux m’inscrire deux mois d’avance plutôt qu’un an d’avance. Ainsi, si je me blesse quelques mois avant la compétition, je ne me retrouve pas à avoir payé 350$ pour rien.
  3. Coûts des compétitions. C’est tellement rendu cher ! Ce n’est pas vrai qu’on peut continuer de vouloir favoriser le plaisir, la participation et tout ce beau tralala quand on charge 350$ pour un demi-Ironman et 700$ pour un Ironman. Vous dites que vous n’avez pas le choix de charger autant ? Enlevez-moi ces médailles à profusion, ces t-shirts, ces autres trucs réellement pas nécessaires et vous verrez que ça va baisser assez vite.
  4. Me mesurer aux meilleures. Comment voulez-vous que je compare ma performance si je suis partie une heure plus tard que les meilleures ? Si je partais avec le départ de ma catégorie d’âge, je devrais faire face à un bouillon démesuré au départ de natation et je devrais me taper le chaud soleil de midi pas mal plus longtemps. On ne peut simplement pas comparer les temps des pros avec ceux des GA. Je l’ai fait plus haut pour les besoins de la cause, mais je suis consciente qu’il pourrait y avoir un handicap quelconque. Moi, j’aime bien savoir que je me suis fait démolir de 33 minutes exactement par Hellen Frederickson à Miami. Peut-être que l’an prochain, ce sera juste 23 minutes.
  5. Pourquoi différencier en groupes d’âge ? Vive le monde de l’athlétisme. Eux, ils l’ont l’affaire. C’était le marathon de  New York hier. Ça tombe bien. Dites-moi, quels sont les catégories de compétition au marathon ? Oui, c’est ça, il y en a deux : hommes et femmes. Okay, c’est quand même possible de savoir tu es arrivée combien dans ta catégorie d’âge et un gars de 25 ans doit réaliser un vachement meilleur temps qu’un gars de 48 ans pour être accepté au marathon. Par contre, le jour de la compétition, c’est la même chose pour tout le monde. Les bourses sont remises aux meilleurs hommes et femmes. Pas aux meilleurs pros. Aux meilleurs hommes et femmes. Les « pros » partent sur la même ligne de départ que mon grand-père. Seulement, mon grand-père est plus loin sur la ligne de départ. C’est selon le temps d’inscription. Logique. Pourquoi ça ne pourrait pas fonctionner en triathlon ?

Bref, quand je prends le départ avec les pros présentement, j’ai vraiment l’impression d’avoir la même chance que les meilleurs. Même s’ils me ridiculisent présentement, je suis juste fière de pouvoir comparer ma performance avec celle des meilleures au monde.

5 commentaires
  1. « Contrôle du drafting. Bien que je le déplore encore énormément chez les
    pros, chez les « groupes d’âge », le phénomène est pire que jamais.
    Puis, ceux qui en profitent ne se sentent même pas coupables. »

    Sans vouloir être cynique, est-ce que tout simplement, çà n’est pas « calculé » par la WTC pour régler à sa façon ce problème d’arbitrage (et les coûts associés) tout en augmentant encore la capacité de ses IM (même si, en voyant les images d’Hawaii ou de Panama City, on peut douter que la lutte contre le drafting ait jamais été prise en considération pour limiter le nombre d’inscrits) ?

    Quand, ce sera entré dans les moeurs de presque tout le monde (et notamment des nouveaux qui n’auront connu que des épreuves à drafting généralisé bien que officiellement interdit), alors rares seront ceux qui crieront encore au scandale lors la WTC autorisera « officiellement » le drafting sur ses triathlons…

    Quand j’ai commencé à m’intéresser au triathlon au début des années 90, le côté « effort strictement individuel et sans assistance personnelle extérieure » était vraiment mis en avant, quel que soit le format de l’épreuve. Il me semble que c’est çà qui servait à « différencier » le triathlon des autres sports.
    Désormais, ce n’est plus le cas et certaines épreuves et pas les moins célèbres imposent même aux concurrents de disposer de leur propre personnel d’assistance, introduisant de fait une inégalité supplémentaire entre les participants. (C’est un autre débat mais, à mon sens, c’est le degré 0 de l’organisation : « chers concurrents, merci de vous être battus pour avoir un dossard mais, maintenant, démerdez-vous… ». J’exagère un peu hein?… oui peut être).
    Bref, pour en revenir au sujet de départ, il me semble qu’auparavant, ce qui caractérisait le triathlon, ce qui était mis en avant, c’était le côté fortement individuel du sport. J’ai le sentiment que la communication de la WTC oublie désormais délibérément cet aspect de notre sport et réduit l’IM à une distance et à une médaille frappée du Mdot. Alors, pas étonnant que les nouveaux venus dans le sport ne retiennent que çà.

    1. Ma perception est que les fédérations/corporations sont plus portées à rendre le sport plus populaire que d’améliorer le produit. C’est un choix qui sera couteux sur le long terme. Sans Kona, la WTC aurait surement déjà perdue une clientèle.

  2. En fait c’est pas aussi simple que ça de courir pro. Il faut avoir l’aval de ta fédération nationale au préalable : pour les américains, cela signifie rentrer dans les 8% du temps du vainqueur sur une course offrant plus de 5000$ de prize money (soit 15 minutes plus vite que ton temps à Muskoka). Au Canada en revanche c’est beaucoup plus facile puisqu’il suffit de faire moins de 4h15 sur demi ou 10h sur ironman (pour les gars). En France il faut tout simplement monter un dossier et en faire la demande au DTN.

    Concernant le drafting, quand t’es un gars et que tu es rapide, le seul avantage d’être chez les « groupes d’âge » c’est que tu n’as pas à t’en soucier dans la mesure où t’es toujours tout seul. Ce qui ne serait pas le cas chez les pros. En fait, chez les gars, ce sont les pros qui sont avantagés sur les meilleurs groupe d’âge.

    Je dirais que le question groupe d’âge vs pro est loin d’être si simple, et englobe plusieurs aspects devant être considéré sur le long terme tel que :

    – la motivation (surtout veiller à la conserver)
    – le plaisir (très important!)
    – la fixation d’objectifs (à court, moyen long terme, quand tu sais que tu vas atteindre ton pic de performance après 30 ans)
    – la gestion des sponsors (ben oui, pour s’entraîner fort et voyager sur les compés tu n’as ou tu n’aura pas le choix de trouver des sponsors, surtout quand une grosse partie de tes adversaires seront les athlètes courants actuellement sur les courses avec drafting et étant soutenus par leur fédé)
    – un équilibre financier (tu peux essayer de faire un emprunt en prétextant que tu vas gagner des grosses bourses la saison prochaine, mais il va falloir être très convainquant)
    – l’équilibre de vie (20h d’entraînement hebdomadaire)

    Bref, du moment que tu as un objectif qui te procure de la motivation à repousser tes limites pour la prochaine course et du plaisir à l’entraînement, je crois que tu as fait le bon choix.

  3. 100% avec toi… mieux vaut être un pro moyen qu’un top AG… Et je suis aussi pour l’idée d’une course open (pas de catégorie). Mais, il faudrait partir en format TT, pour éviter le drafting et la logistique serait trop compliquée…