Création de l’Équipe du Québec LD. Un autre avis.

Ce texte est de Jérôme Bresson. Il est dans la fameuse division invisible. Gagne facilement son groupe d’âge et a tenté de courir pro sur le circuit à plusieurs occasions. On a décidé de publier son opinion parce qu’elle résume très bien le consensus actuel que nous avons ressenti dans la communauté. 

Une équipe du Québec LD soulève le débat :

Suite à la nouvelle provenant de Triathlon Québec comme quoi une équipe du Québec de triathlon longue distance serait créée, le débat fait rage sur les médias sociaux et sur TRIMES.

Des bonnes choses, mais des moins bonnes et très probablement des ajustements à faire :

1) Les conditions requises

La première bonne chose, c’est qu’il faut être dans les 10% du temps du vainqueur et ça n’est vraiment pas donné à tout le monde. Lorsque l’on regarde le classement de l’année 2013 chez les hommes, une ou deux personnes se classent. Le niveau devient constant chez les vainqueurs du circuit WTC, donc le 10% est difficile à atteindre.

Par contre, chez les femmes, rien n’est moins sur. La densité de la compétition fait en sorte que d’une course à l’autre, pour une performance équivalente, il peut y avoir plus de 5% d’écart par rapport à la gagnante.

Cependant, ce système de classification est ambigu. Un percentile sur IM c’est 5 minutes et sur 70,3 c’est 2 minutes. Pour deux vainqueurs sur deux courses différentes, cela ne représente rien (tactique de course, bataille finale à l’arrivée ou avance considérable du premier qui peut lever le pied). Ainsi, si par exemple le 6ème et 7ème sont à moins d’1% du 4ème et du 5ème du classement (qui n’ont pas faits les mêmes courses) pourquoi n’auraient pas droit à leur place sur l’équipe? Comment être certain que le 6ème et le 7ème n’a pas fait une meilleure course ou se serait classé devant le 4ème et 5ème sur la même course? Pourquoi ne pas considérer plusieurs résultats dans l’année?

Au niveau des critères d’éligibilité, être obligé de participer au Challenge O2 est une absurdité. Un coureur professionnel visant une qualification pour Hawaii ou Tremblant (championnat du monde 2014) ne peut avoir une course à objectif en plus. Rappelons que le système de points mis en place par la WTC oblige les pros à courir plus pour faire plus de points pour se qualifier au championnat du monde. Cet athlète pourrait s’inscrire et prendre le départ sans toutefois terminer l’épreuve, mais où est l’intérêt?

Deuxième point, la veille, il y a le triathlon du Lac Delage ou des athlètes sont responsables de l’organisation de l’évènement. On est d’accord pour dire que ce n’est pas les meilleures conditions pour participer à un triathlon LD le lendemain.

Enfin, l’organisateur, lui-même, du triathlon de Sherbrooke est un athlète qui a participé au championnat du monde 70,3 en PRO. Il ne peut prendre le départ. Cette obligation n’a donc pas de sens.

2) Soutien proposé

Des bourses sont offertes suivant le classement. Pourquoi pas, ça sert toujours, surtout lorsqu’on connait le budget d’une saison pour un athlète qui participe à plusieurs évènements dans l’année. Personnellement, je considèrerai également le défraiement des déplacements sur des courses et l’inscription à la compétition.

Des vêtements aux couleurs de l’équipe du Québec sont proposés. Il n’y a pas de détail, mais est-ce obligatoire de porter cette tenue? C’est paradoxal mais lorsque tu cours sur les couleurs d’un Club, je ne vois pas de problème d’avoir un maillot distinctif, mais lorsque tu as tes propres commanditaires (par exemple, l’équipe Merrell), il est difficile de concevoir de porter une autre tenue lors des évènements majeurs. Apposer une impression sur les vêtements serait plus logique et facile.

Une autre précision manque également. Faut-il payer ces vêtements? Avec Triathlon Canada, lorsque tu participes aux championnat mondiaux ITU (amateur ou élite), tu dois payer les vêtements aux couleurs du Canada (400$).

Un tarif préférentiel sur le camp d’entrainement est également proposé. Il serait bon de préciser, mais cette année, l’athlète qui respecte les critères doit payer le voyage et seuls les frais d’entraineur sont offerts. Cela reviendrait quand même à payer 1400$ pour une semaine. Il faut également préciser que chaque athlète a ses propres objectifs et entrainements. Il n’est pas évidant, dans une planification spécifique à un athlète, un camp d’entrainement qui conviendrait à tous. De plus, chacun a son propre emploi du temps, alors regrouper les 5 ou 6 athlètes les plus performants pendant une semaine, c’est très difficile à faire, mais très intéressant.

D’autres avantages devraient venir… donc c’est à suivre.

Parlons maintenant des choses qui fâchent. Pour qui cette opportunité s’adresse t’elle?

3) Amateur et Professionnel

Un triathlète qui participe en amateur (groupe d’âge) doit-il bénéficier de cette aide?

Selon moi, non, sauf si cet athlète débute en triathlon LD et qui fait déjà bonne figure. Par exemple, Pierre-Marc Doyon, n’a que 23 (ou 24) ans. Il a fini 8ème à l’Ironman de Louisville (KY). Encore amateur, il a la capacité de bien représenter le Québec chez les Professionnels dans les années à venir. Encourageons le!!!

Un athlète de 30 ans qui fait son premier Ironman et fini en 9h15 serait également à considérer. C’est donc du cas par cas.

La condition serait que l’objectif soit de courir dans la catégorie Professionnel dans le cours terme (l’année suivante ou 2 ans maximum).

D’autres athlètes, qui eux courent élites depuis quelques années, sont aussi à considérer : Annie, Frédéric, Martin entre autres. Leur visibilité est moindre car ils ne gagnent pas des groupes d’âges et ne vont pas à Hawaii mais ont le mérite de se frotter aux meilleurs. Ils ont d’ailleurs tout mon respect!

4) Le problème du triathlon LD

Il est bien plus facile de se vendre et d’avoir une bonne visibilité lorsque tu dis j’ai gagné mon groupe d’âge. Les commanditaires sont plus attirés par ce genre d’athlète. C’est compréhensible, dans les temps qui courent, les entreprises cherchent avant tout de la visibilité au détriment, malheureusement, de la participation élite (que ce soit LD ou ITU). C’est vraiment difficile de s’en sortir pour les athlètes élites ITU à cause de ça, car leur visibilité est très, trop réduite.

Ainsi, il est plus facile de s’équiper en étant amateur qu’élite en triathlon LD.

Passer d’amateur à professionnel. C’est une question d’objectif, de disponibilité, d’infrastructure…

La marge est grande entre un très bon amateur et un professionnel compétitif. Ainsi, pourquoi vouloir s’engager à courir élite si cela n’implique que du stress? Se poser la question avant le départ : « Qu’est-ce que je fais là? ».

Si ton objectif n’est pas la qualification pour Hawaii ou Tremblant en PRO, pourquoi courir PRO? Regarder les meilleurs de loin? Tu peux faire la même chose en amateur.

Si tu as un travail, que tu n’as pas les dispositions nécessaires pour courir comme un PRO (déplacements, camps d’entrainement, famille, etc.) et que tu fais seulement une ou deux courses PRO par an, pourquoi courir PRO?

Si tu vis dans un lieu qui n’aide pas à la performance (groupe d’entrainement inexistant, accessibilité à une piscine, etc.), pourquoi courir PRO?

Toutes ces questions, chaque amateur ayant le potentiel de courir PRO se les pose. À chacun de se faire sa propre opinion. Parfois, les limites de la vie s’imposent et les choix deviennent alors personnels. On ne peut pas s’offusquer qu’un très bon athlète veuille aller se classer sur le podium du championnat du monde de son groupe d’âge. C’est un très bel objectif, très respectable.

Mais si tu cours amateur :

–       Ne te vante pas d’être 1er parce qu’en fait, tu ne l’es pas.

–       Respecte les règles (Drafting, Slipstream) qui peuvent t’avantager car non, au final tu ne fais pas la même course que les PRO donc tu ne peux te comparer à eux.

–       Il y a aussi l’influence des commanditaires, qui peuvent te demander de rester amateur. Si tu cours amateur à cause de ça, c’est soit un manque de respect du commanditaire pour ton cheminement, soit que tu vises avant tout les bénéfices de la visibilité d’être amateur. Cependant ton choix te revient.

Conclusion

Au final, je suis fier que la fédération propose cette nouvelle équipe, qu’elle veuille regrouper les meilleurs triathlètes LD au Québec afin de créer une émulation. Cependant, la formule est vraiment à travailler et ne convient vraiment pas pour tous les points susmentionnés.

Peut-être aurait-il était bon de consulter le point de vue des meilleurs sur la distance également.

En espérant que cet article fasse réfléchir et apporte les modifications nécessaires au bon développement de notre si beau sport…

 

Jérôme

 

8 commentaires
  1. Exact !

    C’est justement ce dont je discutais avec d’autres personnes: cette equipe longue distance se doit d’être réservée à ceux qui ont la carte PRO: ces gens font une croix sur Kona, souffrent de problèmes de commandite, et ont l’humilité d’aller se frotter à meilleur qu’eux quand ils pourraient gagner facilement leur groupe d’age. ce n’est que juste retour des choses que de faire une equipe du Quebec avec ceux qui ose faire le saut chez les PRO.

    1. Non pas juste… Il faut voir le développement à plus long terme. C’est quoi tes objectifs? Où tu veux te rendre?
      Tout ne peux pas être blanc ou noir, il y a des zones grises et c’est difficile à bien cerner le tout. Il n’y a pas de « frontière » claire.

      La marge entre amateur et pro est vraiment grande. Si tu n’as pas les moyens de t’investir pour passer cette marge… oublie ça. Et trouver les moyens passent avant tout par des résultats. Donc courir en AG afin d’aller chercher le soutien pour pouvoir faire le « saut » est louable et doit être respecté.

      Il y a une questions de plaisirs également et d’objectif. C’est quoi le plaisir de te casser la gueule à chaque course en étant PRO? C’est quoi l’objectif en étant PRO?

      Si c’était si simple que ça, il n’y aurai pas de problème, pas de discussion, pas de pour, pas de contre…
      Il est donc important d’émettre son opinion afin de facilité les démarches de TQ.

      Jérôme.

      1. Juste pour préciser. Il est légitime de demander de l’aide en AG mais cela n’est pas à la fédération de le faire. J’ai par contre un malaise lorsqu’une commandite préfère donner de l’argent à un AG qu’un élite qui a pourtant les mêmes conditions.

        Ce qui me dérange le plus dans tout cela, c’est que très souvent les meilleurs AGs au Québec sont incapables de reconnaitre le talent des autres.

        On entend souvent parler d’une injustice entre la courte et la longue. La différence est que les résultats en courte permettent à triathlon québec d’avoir un soutien financier du Québec.

        La WTC ne participe pas du tout aux différentes sphères. Ils payent un service au fédérations pour la sanction des courses ce qui est très différent. Si le sport de la longue distance est dans cette état, ce sont eux qu’il faut blâmer surtout qu’il a développé un esprit très individualiste.

        Moi, ce qui m’inquiète dans tout cela c’est l’émergence des AGs qui finissent par être forcé d’obtenir des résultats afin que ce sport reste accessible pour eux.

  2. J’ai moi-même envoyé hier à TQ mon opinion à ce sujet. Pas d’argent pour les amateurs svp, il y a trop de gens qui trichent! Le drafting est trop présent chez les amateurs.
    Garder l’argent dans la catégorie PRO. De toute manière, les amateurs ont choisi les bebelles (Médailles/Plaques) au détriment de se frotter aux meilleurs. Comme certains le mentionne ce sont 2 mondes.
    Je suis par contre pour l’organisation d’activités (Camps) permettant aux meilleurs de se réunir, mais cela devrait être en fonction de la participation aux championnats du monde (Hawaii) et Worlds 70.3 des camps quelques semaines avant ses épreuves, cela est plus spécifique que faire des camps au mois de Mars, Avril…
    Pour le classement, c’est ridicule le %, je vous dis que si vous voulez vous retrouvez au sommet du classement choisisez des courses fin août, début septembre et je vous garanti que le % sera sous le <10%. Les meilleures PRO sont en train de se préparer pour les Worlds 70.3 (septembre) et pour Hawaii (Octobre).
    Donc pour les PRO de l'argent si et seulement ils participent aux Chamionnats du monde, l'attribution de l'argent selon les résultats obtenus durant cette épreuve. 1ère, 2ième, 3ième québecoise… On veut l'excellence alors il faut la récompenser.
    Pour les amateurs, je suggèrait de faire participer tous les amateurs qui se sont qualifié pour Hawaii et Worlds 70.3 aux différents camps, des rabais pour les frais du camps ainsi que l'accès à des entraineurs, nutritionniste, psycholgues, et autres spécialistes afin de parfaire leur préparation finale.
    Alex

  3. Quel débat intéressant!

    Djé, j’te trouve vraiment sur la coche au niveau des intentions. Les mesures proposées sont toutes en nuances. J’aime la notion de ne pas jeter le bébé « AG » avec l’eau du bain, et d’utiliser ce statut comme transition. Plus inclusif comme ça.

    C’est un point de vue qui se devait d’être exposé, et c’est fait avec doigté.

    Ceci dit pourquoi pas viser tout de même à composer une bonne équipe du QC incluant AG et PRO, quitte à moduler les services et avantages selon le statut. Y a probablement même moyen de faire financer une partie du programme à même les frais payés par les AGpers (ie, le fameux rabais pour la participation au camp).

    Par exemple, et j’espère qu’il ne me tiendra pas rigueur de le mentionner, mais je crois comprendre à la lecture d’un fil d’email que Pierre Heynemand désire se soustraire du programme. Beau geste. Mais sa présence sur ce team est un plus pour le team, pas un moins.

    Un ou 2 coups de tournevis.

    Bravo à tous!

    Charles

  4. Très bon article Jérôme. Je suis d’accord avec plusieurs de tes points. Cependant, j’ai l’impression que ce projet n’a pas été étudié du tout par TQ et a été soumis et accepté sans aucune étude ou réflexion. Plusieurs ont émis des commentaires très intéressants et je crois que le projet à beaucoup de potentiel. Je crois que la prochaine étape doit être initiée par TQ en formant un groupe de travail qui pourra évaluer les besoins des athlètes pros LD québécois et trouver une façon de les soutenir. Le comité ne devrait PAS être composé d’athlètes pouvant bénéficier du programme ni de personnes comme moi qui auront un potentiel conflit d’intérêt. Rien n’empêche une consultation de ces athlètes pour mieux comprendre leur réalité et leurs besoins mais le groupe de travail devrait ensuite prendre leur propres décisions.