Infopub: Le mystère de la natation

Bonjour tout le monde, étant commanditaire et très fier supporteur des causes embrassées par Trimes.org, j’ai demandé la permission à Alex de publier un texte « intéressé », une sorte d’infopub qui je l’espère sera tout de même intéressante à lire. Alexandre a accepté. Et donc du coup j’envie de partager avec vous ma passion pour le « mystère » de la natation, soit une des plus grandes sources d’intérêts motivant mes travaux en natation.

« Bon! Quoi encore? Quel mystère? ».
Le mystère est assez simple à décrire, bien moins facile à comprendre. Il existe peu de disciplines, d’activités d’endurance, où un athlète de catégorie élite ne parvient pas à ralentir suffisamment pour égaler la vitesse d’un athlète tout de même sérieux, mais ayant débuté bien plus tard dans le sport. Pourquoi?

Parlons de chiffres précis. 1min40/100m. Ce n’est pas mal? 25min au 1500, 31:40 sur 1900, etc, plusieurs s’en contenteraient non?
« Oui Charles, 1:40/100m, j’en rêve la nuit! ».

Or, demandez à de bons nageurs de tenir cette allure, ils y parviendront peut-être, pour certains, mais très difficilement. D’ailleurs, lors du projet d’enregistrement de leur célèbre DVD Catch Masterclass (disponible en Anglais seulement), la toute Britanique Swim Smooth a tenté de faire nager Jono Van Hazel (spécialiste du 100m Libre) à 1:40/100m, sans succès.

Histoire longue, courte, car je tiens à garder ce texte concis…
« Oui Charles, épargne-nous tes romans s’il te plaît… ».

Une exceptionnelle adaptation sur le plan des habileté physiques n’explique pas à elle seule ce mystérieux écart, comme ce serait le cas en cyclisme ou en course à pieds. À mon humble avis, et j’entends bien tester ces théories – entre autre en mesurant la puissance générée par diverse catégories de nageurs grâce à ce système ici – la raison pour laquelle les élites ne peuvent pas ralentir autant, c’est qu’ils produisent tellement peu de résistance, conséquence directe de bouger *correctement* dans l’eau, qu’à 1:40/100m la « force » requise pour maintenir cette allure est quasiment nulle (nettement sous les 5 kilogrammes / traction à 60 révolutions par minute).

« Oui mais Charles, à date tout ça ne me semble pas si mystérieux. Les élites sont nettement plus efficaces, ce n’est pas un mystère.

Ce qui « semble mystérieux », du moins à mes yeux, c’est pourquoi est-ce si long pour le nageur sérieux ayant débuté à l’âge adulte, de développer une telle efficacité. On a pas besoin de se « muscler » pour ça. Pourquoi diable est-ce si long? La majorité des athlètes de calibre « groupe d’âge » sérieux, mais ayant une certaine faiblesse en natation possède le talent physique pour tenir 1:40/100m et plus. Comment expliquer alors que plusieurs parmi eux se « battent » pour tenir 2min/100m? Pour mieux saisir, énumérons les principaux problèmes techniques empêchant le nageur en devenir de passer au « prochain niveau »:

  • Position du corps
  • Rotation du corps
  • Autre gestes produisant de la résistance (bras, jambes)

Cette simple énumération renferme à elle seule une foule de défauts ayant pour conséquence de « confiner » l’élève dans une certaine lenteur.

« Oui Charles, on sait déjà tout ça. Notre corps est souvent mal positionné, notre rotation du corps brise l’axe frontal et le reste de nos gestes produisent beaucoup de résistance frontale.

D’accord, alors pourquoi ne pas améliorer ça au plus vite?

« Mais on s’entraîne Charles, on pratique. On nage 2 ou 3 fois par semaine, on devrait y arriver non?.

Voilà, on touche ici en partie au coeur du problème. Le nageur de niveau débutant et intermédiaire s’entraîne. Une portion de l’entraînement est généralement consacrée à la technique, le reste aux qualités physiques. Or l’ennui c’est qu’on entraîne un peu trop nos défauts. Dans un monde idéal, on corrigerait le plus grand nombre de défauts techniques possible, pour ensuite entraîner « le bon geste », plutôt que d’imprégner le mauvais. L’entraîneur Canadien Joel Filliol, dans une entrée de blogue initialement considérée par l’auteur comme anodine a beaucoup fait parlé en proposant que « la façon traditionnelle de faire de la technique » ne donne pas de résultats (1). Sans être en accord avec tous les énoncés émis dans l’entrée de blogue en question (1), j’ai également constaté au cours des 25 dernières années, que l’élève adulte sérieux réagit souvent mieux à une certaine exagération au niveau pratique des bons gestes, des bons éducatifs. L’adulte réfléchit souvent trop, et ne répète peut-être pas assez le « bon geste ». On oublie que ce qui fait qu’un nager devient nageur, c’est principalement d’avoir effectué des tonnes de répétitions des gestes désirés.

« Mais on s’entraîne Charles, encore une fois sauf respect, on sait qu’on ne doit pas « entraîner nos défauts »!.

Donc il est là le mystère à mes yeux. En 2014 la majorité des adultes très enthousiastes et désireux d’améliorer leur natation ne semblent pas, du moins à mes yeux, réellement faire ce qu’il faut pour renverser la tendance, éliminer l’écart, parvenir à nager au moins à l’allure la plus lente à laquelle les élite nagent. Et c’est donc avec tout ça en tête, que j’ai créé un concept dont le but premier est, espérons-le, changer le cours du destin pour le plus grand nombre possible d’adultes enthousiastes: La Journée Entière en Natation

Notre but est de vous amener à nager à une vitesse qui correspond vraiment à vos qualités physiques; vous redonnez ce que vous méritez.

« Mais Charles, comment peut-on savoir ce qu’on vaut, ce qu’on mérite »!.
J’entends faire une étude un jour, pour tenter d’établir selon le genre et l’âge, des temps standards auxquels tous devraient être en droit de s’attendre (assumant une technique correcte). En attendant, et bien que n’étant pas du tout scientifique, je dirais que si vous parvenez à un 10km en 50min (5min/km), vous devriez pouvoir nager 1:45/100m assez aisément. À 4min/kg (allure très rapide selon moi), vous valez au moins 1:30/100m sur une longue distance, etc…

Clairement, La Journée Entière en Natation fait la promotion de ce que nous croyons être à la base d’une transformation vraiment réussie: Répéter le plus possible, les bons gestes, sous haute supervision (3 entraîneurs pour 20 athlètes) et avec analyse vidéo (car c’est important de se voir de temps en autres). Il s’agit simplement d’un camp de perfectionnement technique d’une durée d’un Jour, en natation, ciblant principalement les triathlètes (et autres amants de la nage de distance en style libre). Ce concept est ficelé pour être utilisé comme camp d’entraînement et de perfectionnement annuel, où tous peuvent progresser grâce à l’organisation du travail en 6 niveaux distincts (2 niveaux débutants, 2 niveaux intermédiaires, 1 niveau avancé et l’ultime niveau: élite). Le prochain camp de ce genre est prévu pour le 2 Février prochain, à Montréal.

Par Charles G. Couturier,
Expert en natation et entraîneur chef en triathlon
Fondateur de La Journée Entière en Natation
Université de Montréal, QC, Canada

Références
(1) http://joelfilliol.blogspot.ca/2012/01/most-popular-post-on-this-blog-is-is.html

6 commentaires
  1. Charles, je connais beaucoup de nageurs qui ont commencé jeune et à haute dose et qui ne sont jamais arrivés à bien nager. Il y a beaucoup de facteurs qui limitent un triathlète dans sa progression en natation: par exemple:
    – le premier pour moi est le fait de tout simplement ne pas comprendre en quoi consiste une bonne technique (énormément de nageurs débutants cherchent justes à reproduire les gestes qu’ils croient en tout ignorance être du bon crawl): au contraire de l’enfant qui apprend par mimétisme, l’adulte doit intellectualiser l’apprentissage, avant même de faire des éducatifs ; ca n’a pas besoin d’être hyper compliqué mais il faut tout de même lui faire comprendre et ressentir (et pas uniquement copier comme le fait l’enfant) le bon geste. Donc première régle : expliquer au nageur ses freins (je préfère le mot « freins » à l’expression « défauts » car c’est beaucoup moins culpabilisant; j’ai vu beaucoup de cours de natation donnés à des adultes intermédiaires avec une répétition d’éducatifs qui n’aboutit à rien et même sur plusieurs mois ; si le nageur ne comprend pas le pourquoi de l’éducatif, c’est inutile de lui faire faire: il ne lâchera pas le frein ;
    – le manque d’entraînement: moins on nage régulièrement, et plus l’apprentissage sera long. Il faut du temps pour automatiser un geste, s’assouplir, avoir de bonnes sensations dans l’eau et surtout être capable de les retrouver d’une séance sur l’autre; le nageur débutant ou intermédiaire se plaint souvent de perdre ses bonnes sensations d’une séance sur l’autre. Donc il faut essayer de nager le plus souvent possible jusqu’à avoir les bons automatismes. Ensuite, on peut se permettre de nager moins souvent car les automatismes restent plutôt biens ancrés (mais cela peut prendre très longtemps);
    – le triathlon est un cas particulier surtout si la nage est en combinaison. En effet, la combinaison peut réellement constituer une grande aide pour les moins bons nageurs. Pour eux, je pense qu’en effet, les chiffres que tu annonces sont tout à fait cohérents. Un triathlète avec une bonne condition physique avec une combinaison et un léger bagage technique qui doit pouvoir s’acquérir rapidement doit pouvoir réaliser les temps que tu annonces.
    Je pense que les triathlètes font beaucoup trop de « junk miles » en natation, c’est à dire à une vitesse qui est trop rapide pour garder une bonne technique, tout en étant trop lente pour leur permettre de développer les bonnes sensations. Il faut plus axer un travail lent concentré sur l’équilibre et la technique et un travail rapide (qui peut sembler à première vue être de la survitesse) mais qui permet au nageur de se décoincer dans l’eau (et de prendre conscience que nager vite modifie son environnement et ses sensations et n’est pas si difficile que cela une fois que ces fameux freins sont décoincés).
    Maintenant seul ton avis de praticien peut venir étayer ton post; sans fausse modestie, tu aurais peut être du citer certains exemples de réussite que tu as eues avec des triathlètes justement grâce à ta journée de natation.
    Bonne continuation!
    PS: le mystère de la natation est avant tout celui du crawl car dans les autres nages la progression est souvent beaucoup moins chaotique car le nageur a beaucoup plus de repères visuels et cognitifs.

    1. Bonjour mon ami Solarberg, tu vas bien?

      La clientèle ciblée par La Journée Entière en Natation – ses activités de même que ses enseignements – est en général de plus en plus éduquée. Je suis connus dans la sphère Swim Smooth et également dans la sphère Total Immersion, et donc ces 2 courants de pensée à eux seuls parviennent à atteindre, et donc éduquer beaucoup de gens. Tu es un excellent théoricien toi-même, avec un rayonnement tout à fait respectable, via plusieurs outils d’éducation (ton blogue, ton livre, tes contributions sur Natationpourtous, etc).

      Le petit côté « Séminiaire » d’une Journée Entière se traduit par un gros 120min de théorie, incluant 60min d’analyse des fichiers vidéo des participants. C’est beaucoup de nourriture de l’esprit.

      Mais en même temps nous somme là pour rappeler à l’adulte qu’il ne suffit pas de comprendre. Et là donc je te rejoins sur le point d’augmenter le volume de pratique des bonnes habiletés, afin que le cerveau (qui comprend les tâches à accomplir) puisse enseigner au « corps ».

      « Maintenant seul ton avis de praticien peut venir étayer ton post; sans fausse modestie, tu aurais peut être du citer certains exemples de réussite que tu as eues avec des triathlètes justement grâce à ta journée de natation.Bonne continuation! »

      Il arrive à l’occasion que j’en parle, mais en même temps j’essaie d’utiliser les clips de nos nageurs en publique.

      Un des cas ayant le plus frappé notre imaginaire à date demeure celui de Pierre, traîné de force par sa femme à sa première JE. Joueur de hockey, n’aime pas les sports d’endurance. Des problèmes de dos faisant en sorte que sa conjointe tente de le convertir, et lui…. Bien il est sceptique. Ne peut pas nager 25m correctement, et incapable de nager 50m sans arrêt à son arrivé.

      http://www.youtube.com/watch?v=4rnR02UDVdA

      Le clip ci-haut a été réalisé en milieu d’après-midi. Un peu plus tôt en matinée, le sujet nageait 750m sans s’arrêter, en peloton. Après sa Journée Entière, le sujet a eu la piqure. Il s’entraîne actuellement sous la supervision d’un excellent entraîneur en vue de son premier 70.3 sous le giron WTC. Fini le hockey sur glace, bienvenue le Triathlon.

      Mais sinon une JE, c’est gros. La prochaine est *énorme*. On a des nageurs tellement rapides que n’importe qui pourra jouer à « drafter » leur meilleure performance sur 400m. 3 Niveaux, 3 entraîneurs dont un invité spécial, entraîneur Olympique, haut niveau, Pierre Lamy. Un coach de triathlon pourrait donc débarquer avec un/une élite pour faire réviser le style par Pierre Lamy. Tous peuvent essayer gratuitement un Tempo Trainer pour la Journée Entière, de même que 2 sortes de plaquettes techniques. C’est gros!

      Je caresse l’idée d’en coacher une en ta compagnie un Jour, lorsque je serai prêt à prendre l’avion!

      Merci Solarberg

  2. Bonjour,

    Excellent article ! Je me suis mis au triathlon à l’age de 27 ans. Mon premier entrainement natation (seul) fut un véritable calvaire ! Mais le second un véritable plaisir car j’avais lu différents articles sur la technique et que, tout simplement, et je pense, à la différence de beaucoup de triathlètes, j’aime nager. J’aime nager…les 4 nages. J’ai appris le papillon en regardant les très bons nageurs en action l’année dernière, alors que je ne savais pas du tout faire plus de deux ondulations. Et c’est presque ma nage préférée maintenant.

    Du coup, comme j’aime ça, avec mes 3 entrainements par semaine en hiver et 2 le reste de l’année, je tiens toujours mes tests de 400 en environ 6′. Je sors de l’eau toujours dans le premier tiers des courses.

    Dommage que je sois en France car je m’inscrirais direct à le journée entière en natation.

    Merci et longue vie à Trimes

    1. Bonjour Guyom (Guillaume? Intéressant sobriquet)

      J’adore ton témoignage. Les 4 styles s’entre-aident entre-eux. Et donc c’est toujours une bonne chose d’être curieux et motivé au point de développer une familiarité avec les 4 styles de nage.

      J’ai créé La Journée Entière en Natation dans le but d’en faire un « camp d’un jour » en perfectionnement technique de niveau mondial, et j’ai fermement l’intention de voyager avec ce concept dès que j’en aurai la possibilité.

      En fait, ce concept en collaboration avec mon dernier né:

      http://blog.swimtrainingday.com/fr/blog/classe-nage-au-sec-quoi-peut-nager-sans-se-mouiller

      Donc, la dynamique serait un camp d’un Jour (Journée Entière) le Samedi, et une série d’ateliers sur la correction du geste à sec et la découverte d’exercices de flexibilité importants, tout ça au cours du même weekend.

  3. Bonjour, Article très intéressant, car plein de vérité d’après moi.
    En effet, j’ai appris à nager vers 17 ans, c’est-à-dire avec les adultes (je ne me considère pas comme faisant partie de ceux qui ont appris « tôt » à nager). J’ai nagé 3 ans jusqu’à avoir un niveau me permettant d’atteindre en endurance 1’45″/100m, c’est bien, mais je suis persuadé que je peux faire bien mieux. Après ça, j’ai plus ou moins arrêté de m’entrainer sérieusement à cause de mes études. Et maintenant que je m’y suis remis, j’ai récupéré cet ancien niveau, certes, mais la même sensation de « tu peux mieux faire » se fait sentir. Et récemment (il y a deux jours), j’ai eu une réelle prise de conscience : je pense générer beaucoup trop de résistance lorsque je nage. Cela m’a frappé lors d’une séance en hypoxie, où je me suis retrouvé pendant 11 mouvements la tête immergée : le son de ma nage dans l’eau était différent suivant ma position. Pour vraiment en être sûr, j’ai fait quelques coulées, et j’en ai eu la confirmation : j’ai réussi à avoir une coulée exceptionnellement silencieuse comparé à d’habitude.
    Charles votre article tombe donc à pic pour moi, et je suivrai donc vos nouvelles, tout en me concentrant dorénavant plus sur ma glisse pendant ma nage.
    Merci.

    1. Oui Teraf, changeons le destin, devenons rapides, mais pour ça trouvons comment être mieux profilés dans l’eau!
      Merci pour tes bons mots. Si vous êtes en France, j’espère vous croiser un jour pendant une Journée Entière, car dès que je peux, je prends l’avion avec ce concept, espérant partager la piscine avec les Solarberg et Mathieu (du site Natationpourtous)!

      Cordialement,
      Charles