Spécial Kona > On refait la course avec Romain Guillaume

Romain Guillaume a accepté de répondre à nos questions. Il a terminé 10e de Kona. 

Question d’un lecteur. Qu’est-ce que tu as mangé avant la course? Est-ce que tu ramènes des trucs de France?

Le matin avant la course je me fais mon petit déjeuner habituel: tartines de pain blanc avec du miel, confiture, une tranche de blanc de poulet. Le tout avec un café.

Non, j’ai arrêté depuis longtemps de ramener des babioles de France, exception faite si j’ai un coup de cœur! (Sinon Jeanne va encore dire que j’en mets partout à la maison!)

Parle-nous de la natation,  on ne pensait pas vraiment que cela allait sortir aussi groupé. Comment expliques tu cela? 

Oui moi aussi avant la course je pensais qu’il allait y avoir plein de petits groupes. Selon moi, la densité est telle maintenant que tous les athlètes ont la capacité de prendre les pieds de quelqu’un…

Toi tu te sentais en contrôle?

Yves m’a conseillé de bien m’échauffer avant le départ afin de pouvoir partir vite et maintenir l’allure.

Je suis parti très vite et après environ 400m de bagarre avec Joe Gamble, j’ai pu nager sans être dérangé. C’est sur le retour, aux environs de 2.5/3 km que j’ai eu un peu plus de mal à suivre, je pense que devant ils essayaient de créer un trou en posant des accélérations, j’étais dans le dur parfois. Mais globalement cela allait, j’étais très agréablement surpris!

En vélo, est-ce que tu pensais aussi que Starky allait être plus fort?

Oui, pour moi il allait essayer de partir dès le début et des « kamikazes » allaient essayer de le suivre. En fait non, il n’y avait personne de vraiment au-dessus du lot dans ce premier groupe…

Peux-tu nous parler un peu du fameux Kona Train… Les choses qu’on ne voit pas… Tu me disais que cela changeait souvent de rythme et que cela criait souvent entre les athlètes dans les procédures de dépassement. 

Je suis sorti du parc 5e et j’ai vraiment été surpris de cette allure qui était plutôt lente. J’ai pensé à passer devant, mais ce n’étais pas dans le plan du coup je suis resté derrière. Personne ne voulait vraiment prendre les commandes de la course et le rythme était assez irrégulier. Je n’ai pas été surpris que cela revienne de l’arrière.

Pour le Kona Train, c’est vrai que parfois certains athlètes s’intercalaient entre deux coureurs alors qu’ils ne devaient pas. Frodeno a été dans ce cas.

Pour ma part, j’ai interpellé Richie Cunningham qui essayait de s’intercaler entre Nils et moi alors qu’il n’en avait pas le droit. Je lui ai signifié qu’il devait remonter les 10 athlètes qui me précédaient, c’est ce qu’il a fait!

Toi, tu aimes la nouvelle règle? Cela ne vient pas créer plus de tension entre vous? 

Personnellement j’aime cette règle, car s’intercaler entre deux cyclistes qui sont juste à la distance réglementaire représente à mon sens un début de drafting.

Toutefois, c’est assez stressant, car si tu veux doubler que quelques athlètes, tu dois attendre que le trou soit suffisant pour être certain de ne pas être pénalisé… Dans la montée de Hawi j’ai fait plusieurs accélérations pour dépasser les lâchés, j’ai pleins de fois été en sur-régime.

Cela ressemble en quelque sorte à la Formule 1, non? Chaque dépassement devient une interprétation subjective entre deux athlètes… 

Oui tout à fait! Toutefois, les arbitres ici sont bons et il y en a suffisamment pour faire respecter correctement la règle.

Finalement, la course semble être en deux phases. Sebastian Kienle semble attaquer quelques temps après le crevaison et pénalité de Frodeno.

C’est vrai qu’il a attaqué après, mais il l’a fait lorsque le parcours devenait plus difficile. Le meilleur moment pour le faire!

Si je te dis… Kienle fait le vélo 12 minutes plus rapidement, tu me réponds quoi?

Il est sur une autre planète!!

Peux-tu nous parler de ta nutrition durant la course?

Mon plan de nutrition était le suivant pour le vélo:

4,5 gourdes de produit énergétique Etixx

1 gel au départ du vélo puis une barre Etixx toutes les 40minutes

Toutefois, je n’ai pu prendre que 2,5 gourdes, car au ravitaillement personnel je n’ai pas pu récupérer mon sac. Par la suite, j’ai fait avec les produits de l’organisation, trop peu sucrés.

J’avais aussi des compléments de sel.

À pied je voulais prendre 1 gel Etixx toutes les 15minutes avec de l’eau, mais vu que je suis parti plutôt limite niveau énergie, j’ai improvisé avec un alternance tous les ravitaillements: eau + coca, gel + eau

Est-ce que tu avais un capteur de puissance? Si oui est-ce que cela t’a aidé ou tu dois avant tout suivre le train?

Oui, j’avais un powermetre, mais il ne m’a servi que pour regarder ma cadence de pédalage et le temps de roulage. Sur une course comme Kona, si tu n’es pas capable de sortir de ta zone habituelle, tu perds le groupe… À moins d’être vraiment au-dessus du lot.

Ok, question vache… En début de carrière tu attaquais toujours le vélo, tu as même déjà en tête de Kona. On a l’impression que tu es devenu plus patient, non?

Oui je suis devenu patient tout simplement parce que je me suis rendu compte que je n’étais pas assez fort pour attaquer et assurer par la suite. Tout est une question de densité de la course, mais pour le moment si je veux faire un bon marathon, il faut que je gère ainsi les efforts.

À quoi tu penses en réalisant que tu poses le vélo dans le top 10? Positif, négatif?

D’un côté, j’étais content, car cela figurait dans mon tableau de marche prévu, mais pas d’excitation particulière, car en 2012 je pose le vélo 6 et j’ai fini 17.

D’un autre de côté, ne m’étant pas assez alimenté sur le vélo, j’étais faible en énergie et courir un marathon ici à Hawaii en partant dans le dur était assez stressant!! Je dois avouer aussi que cela m’a mis un coup au moral de me faire poser par 6 coureurs dans les premiers kilomètres… De 7 à la sortie du parc je suis passé à 13e après seulement 6km!! Là je n’étais pas serein.

Heureusement que Yves et Jeanne étaient là pour me rassurer.

Parle-nous de ta course à pied, tes émotions? On a l’impression que tu as un second souffle plus tard non?

Je suis parti assez dans le dur physiquement (et donc psychologiquement) et doubler O’donnel, Raelert, Vanhoenacker m’a vraiment donné confiance et replacé psychologiquement dans la course. Aussi incroyable que cela puisse paraître je me suis même amusé à leur donner une petite tape sur les fesses lorsque je les ai doublé! Pour une fois que cela m’arrive…

À la sortie d’Energie Lab j’avais toujours des jambes, je me suis mis en tête d’aller chercher la 10e place. Je voyais que petit à petit je revenais sur Tweilsiek et c’était énorme cette sensation d’être à l’attaque et non pas à subir la course. J’ai vraiment tout donné, mais qu’est-ce que c’était bon psychologiquement ?

Tu avais vraiment l’air heureux avec un top 10. On peut dire pari tenu?

Mon arrivée s’est fait en deux phases:

1/ j’ai sauté comme un fou tellement j’étais content alors que 10s avant j’étais à bout!

2/ j’ai pleuré comme un bébé lorsque j’ai vu Jeanne émue avec les larmes aux yeux…

Tu sais que tu passes le marathon en 2:59:59 

2:59:58 !!

En dessous de 3h, je prends!!

Et maintenant, as-tu l’impression que tu peux encore progresser?

En natation je ne suis pas convaincu. Mais depuis que je travaille avec Yves, je découvre plein de choses, et je sens que j’ai beaucoup à apprendre encore en vélo et course à pied. Surtout en course où je vais essayer de gratter petit à petit un peu de temps. Je ne courrerai peut être jamais 2h48, mais 2h52/55 ce serait déjà extraordinaire. (J’ai fait 2h57 à Lanzarote)

Ton Top10 devrait te permettre de courir moins l’année prochaine pour mieux préparer Kona. Est-ce une option que tu envisages?

Oui, j’ai compris cette année qu’il faut arriver frais à Kona. Mais contrairement à beaucoup c’est arriver frais psychologiquement qui est primordial selon. J’ai couru comme si je jouais ma vie, j’ai accepté cette douleur comme jamais auparavant, uniquement parce que je n’ai pas beaucoup couru cet été.

Pour rappel, en 2011 j’ai décidé de marcher sur l’Ironman du Wisconsin au 26e km alors que j’étais 2d et le 3 et 4e a 7minutes. Psychologiquement, je n’ai pas été assez fort pour accepter de courir dans le dur et essayer de rester sur le podium.

Autre question d’un lecteur, as-tu l’impression que ta petite taille t’aide.

Longtemps je me suis dit que si l’on ne voit pas de petit et « musculeux » (comme je le suis)- aux avant-postes, c’est que cela ne doit pas être un avantage.

Maintenant, je n’ai plus trop de complexes avec cela, car cela joue aussi en ma faveur dans une certaine communication. Je sors du moule et me démarque des autres par ma taille et coupe de cheveux!

Il y a des favoris qui passent à côté de leurs courses. Le top 10 est pratiquement totalement renouvelé. As-tu une théorie là-dessus?

Depuis quelques années déjà pas mal de favoris passent à côté de leur course. Par contre je n’ai pas vraiment d’idée là dessus. Je constate juste que la génération Macca, Brown, etc. laisse place petit à petit à une nouvelle génération d’athlètes.

Bon j’imagine que Jeanne ne voudra plus être spectatrice? 

Elle voulait déjà y courir cette année, mais des pépins physiques l’en ont empêché… Hawaii est à son programme 2015, c’est pour cela d’ailleurs qu’elle part en Australie d’ici 2 semaines avec au programme un 70.3 et un Ironman.

Quelque chose que tu voudrais qu’on sache tous?

Pas spécialement!

2 commentaires
  1. Super intéressant comme tous les articles, ça permet de revivre la course de l’intérieur !

    Une remarque sur un choix qui m’étonne: « À pied je voulais prendre 1 gel Etixx toutes les 15minutes avec de l’eau »… Même si j’imagine que tout avait été testé avec succès avant Hawaii. A raison d’environ 30g de glucides par gels, 4 gels représenteraient 120g/h alors que la littérature indique que l’absorption intestinale est entre 60g et 80g de glucides par heure. Ça parait aussi risqué vis-à-vis des problèmes d’osmolarité (c.f. https://courseapied.ca/2011/12/13/que-se-passe-t-il-lorsque-je-bois-une-gorgee-de-gatorade/ ).