Trimomètre #7bis > Poids idéal en longue distance

Lors de mon précédent article, je parlais du poids des athlètes ITU aux jeux olympiques et je prenais cela comme la norme universelle pour définir la forme optimale pour performer dans le triathlon. J’avais aussi pris un raccourci en disant que ça pouvait être très certainement le poids idéal pour la longue distance. Certains athlètes d’Ironman ont alors réagi en disant qu’ils se trouvaient gros, et des lecteurs m’ont fait part d’articles qui disaient que Brett Sutton ou Chris McCormack pensaient que l’Ironman est plus un exercice de puissance que d’endurance, et par conséquent, il était bénéfique pour un athlète de prendre du muscle lors de son passage en longue distance. Je pense donc que le poids idéal pour un athlète en longue distance mérite un peu plus d’attention.

Avec l’aide d’un lecteur, j’ai pu mettre la main sur le poids et la taille des meilleurs athlètes des Ironman d’Hawaii 2013 et 2014. La comparaison avec les athlètes ITU donne cela :

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On peut voir que d’une part, les athlètes de longue distance sont en effet majoritairement plus lourds que sur la courte distance, et que d’autre part, il est impossible d’établir une règle ou une formule entre le poids et la taille, c’est clairement aléatoire. Je me suis alors demandé si les athlètes qui réussissent le mieux à Kona sont ceux qui sont proche du la norme de poids ITUienne, ou ceux qui en sont éloignés. J’ai donc tracé une courbe de l’écart « poids de l’athlète moins son poids idéal ITU » (son éloignement de la norme de poids en courte distance) versus le meilleur temps de l’athlète à Kona ces dernières années.

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On a donc ce très étrange résultat, qui dit que la théorie de Macca et Brett Sutton serait vraie pour les femmes, puisque pour celles-ci, plus leur poids se rapproche du poids idéal des athlètes ITU, plus elles sont lentes à Kona. Mais pour les hommes, il semblerait que ceux qui réussissent le mieux sont ceux qui se trouvent à 2 kg seulement du poids des athlètes ITU. Concernant les femmes, Romuald Lepers, professeur à l’université de Bourgogne en biomécanique et physiologie du mouvement, avait remarqué qu’à cause de leur masse musculaire plus faible que les hommes, les femmes affichaient moins d’endurance que les hommes sur les ultra-triathlons (double, triple, déca-Ironman) (lien article). Cela pourrait expliquer pourquoi une femme qui diminue sa masse musculaire a de moins bon résultats en Ironman.

Mais pourquoi cela ne se voit pas chez les hommes ? Il se pourrait que derrière ce graphe se cache un facteur qui sème le trouble : une carrière passée en ITU chez les athlètes longue distance. Ce facteur, en statistique, s’appelle un facteur de confusion, qui nécessite de séparer les données. A peu près la moitié des athlètes qui sont à Kona ont eu une carrière non anecdotique sur le circuit ITU (coupes du monde, continentales et WTS). Lorsqu’on sépare en deux groupes « ancien ITU » et « non ancien ITU » dans un graphe de l’écart du poids idéal courte distance versus temps à Kona, on se rend compte que les anciens ITU sont plus proches du poids de la courte distance (ils ont seulement 3.32kg «de trop » en moyenne) que les non ex ITU (5.38kg de plus en moyenne). Est-ce que les ex ITU performent mieux ? Très légèrement (peut être non significatif), leur temps moyen est seulement 3’30’’ de mieux que les non ex ITU. Chez les femmes, même constat, les ex ITUiennes sont en moyennes 2’40’’ plus rapide, ce qui n’est pas significatif non plus mais pèsent en moyenne 210 grammes de plus (autrement dit, le même poids).

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Alors, c’est bien compliqué, quelles conclusions tirer de tous ces schémas ?

  • La science du poids en courte distance ne s’applique pas au longue distance. Le meilleur ratio poids/taille est encore flou. La beauté de l’Ironman, c’est qu’il y a encore bien des secrets à trouver.
  • Macca et Brett Sutton ont leur théorie qui marche pour les femmes, car la masse musculaire est un facteur qui limite l’endurance pour le très long. Les filles musculaires réussissent clairement mieux à Kona, de façon indépendant de leur passé en ITU. Le passé en ITU n’est pas un facteur de confusion chez les filles, car les deux groupes « ex ITU » et « non ex ITU » ont quasiment même poids, même temps à Kona.
  • Chez les hommes, il semble que les ex ITU sont très très légèrement meilleurs, et pas mal plus légers que le reste. Mais là encore : Est-ce réellement le poids de l’athlète qui le fait mieux réussir à Kona ? Ou tout simplement sa carrière en courte distance qui est une meilleure base pour la longue distance ?

Mystère…

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