Edito > La belle et la bête

Le 8 Mars, tout le monde en a entendu parler aujourd’hui, c’est la journée internationale des Droits de la femme. Une journée afin de souligner le combat pour l’égalité, la parité. Dans le sport, à priori, rien à craindre. Les catégories hommes et femmes existent, chacune avec ses épreuves, ses championnats, tout va bien. Vraiment ? Quand on gratte le vernis des belles valeurs du sport et de l’olympisme, on fait un constat qui s’avère affligeant. En 2016, dans le sport, et ici, le triathlon, on est loin du compte.

Être une sportive aujourd’hui, c’est avoir des vêtements de sports roses. Ou violet. La diversité des coloris dans le textile féminin est largement moins exploitée que celui des hommes. Allez faire un tour dans les enseignes de sport. Ca tend à s’améliorer, mais pourtant, le sport féminin est encore bien trop associé à une vision Barbie de la femme. Une sportive est belle et avec une plastique avantageuse, une poupée, quoi. Très bien, mettons lui du rose, pour parfaire la panoplie. Non, une sportive, c’est une femme, avec des formes, une personnalité et pas forcément un gout prononcé pour le rose. Si la diversité est présente chez les sportifs, elle l’est chez les sportives aussi. N’en déplaise au marketing du sport.

Être une sportive aujourd’hui c’est avoir un matériel qui n’est pas forcément adapté à sa morphologie. Parce que ça se vend moins, on trouve une gamme de vélo pour femme extrêmement restreinte. Giant pallie à ça avec sa sous-marque Liv et leurs vélos spécialement conçus pour le corps féminin. C’est une très bonne chose mais malheureusement complètement isolée. Pourquoi est-ce que parce que je suis une femme, je n’ai pas le droit d’avoir le choix dans le modèle du vélo que je veux ?

Être une sportive aujourd’hui c’est se voir en couverture d’un magazine pour son corps et non ses performances. Là où un homme sera mis en valeur en première page avec une photo prise de lui pendant une course, au milieu de son effort, une femme sera mise en scène, sexualisée et réduite à une image de mannequin.

Le sportif va transmettre une image de courage, de dépassement de soi, de force et d’abnégation dans sa pratique sportive. Alors qu’une sportive, bien trop souvent, malgré ses résultats, ne sera cantonnée qu’à une photo d’elle prise lors d’un photoshoot, huilée, en bikini, dans une position mettant ses formes en valeur. C’est une image glamour et superficielle qui va ressortir, celle d’une femme que l’on va d’abord trouver belle avant d’être douée dans son sport. Parfois même jusqu’à être en couverture mais sans avoir une ligne sur soi dans les pages.

Et soyons honnête. Les sportives en couvertures sont effectivement très jolies. Alors si on ne correspond pas aux canons de beautés, on aura beau être multi-récompensée, on ne mérite pas d’être en première page ? Ce sont des efforts énormes qui sont à faire quant à l’image que les médias renvoient des sportives.

Le problème dans cette transmission de l’image de la sportive retransmise par les médias et tous ceux par qui l’exposition des sportifs/ves passent s’étend à un phénomène de société.

Être une sportive aujourd’hui c’est être la cible des pires réactions sexistes, gratuitement. Les réseaux sociaux sont notre place publique moderne. Et il ne fait pas bon être une sportive de haut niveau si l’on veut être reconnue pour ses résultats.

Les commentaires sexistes et machistes affluent. Les blagues sur le physique des nageuses que l’on compare à des hommes, les commentaires tendancieux sur les tenues courtes ou moulantes des cyclistes et des coureuses sont légions. C’est bien simple, allez faire un tour sur les groupes Facebook de partage de photos et de posts sur le cyclisme ou la course à pieds. 90% (si ce n’est plus) des publications concernant les femmes seront celles sur leurs fesses, leurs seins, leurs tenues, leurs jolis minois. Alors que celles sur les hommes vont faire l’éloge de leurs performances sur les dernières courses. Daniela Ryf, championne du monde Ironman se voit photographiée par son sponsor en tenue sexy, huilée, cuissardes à talons aiguilles. Est-ce là tout ce qu’il y a à montrer de cette sportive hors du commun ?

On en revient à l’éternel problème. Le sportif est un modèle de réussite, de travail et de performance. Une sportive est une jolie fille avec une jolie plastique, qu’on aime bien voir en photo. Je caricature. Presque…

Cette image de la sportive sexualisée qui est véhiculée, et le manque de diversité dans le matériel/textile sportif est non seulement réductrice mais largement handicapante. Trouver des sponsors, se rendre crédible en tant qu’athlète de haut niveau, c’est avoir redoubler d’effort pour faire ses preuves.

Montrer que les capacités, les résultats, les performances sont à prendre en compte avant la féminité, l’apparence et la plastique ne devrait plus être un frein et un combat permanent, pour qui que ce soit. Que l’on soit une sportive amatrice ou une athlète de haut niveau mondialement connue.

Il faut qu’enfin la sportive puisse enfin être une « bête en sport », plutôt que seulement la belle.

Changeons ça !

Article rédigé en étroite collaboration avec Quitterie Lanta, Cynthia Treger et Alexandre Saint Jalm.

Crédit photo : Philipp Mueller pour RedBull

3 commentaires
  1. Tout à fait d’accord avec ces constats… mais pour que cela change, il faut aussi que cela vienne aussi des sportives elles-même… il n’y a qu’à voir les pages Facebook de certaines triathlète (pas forcément de haut niveau) ou de jolies sportives , qui sont à fond dans le registre hyper sexualisation. Ok pour montrer son joli corps, mais bon pas que ça… je ne vois pas comment les choses pourraient changer si certaines femmes ne sont que sur ce registre de la femme objet qui est là pour satisfaire le regard des hommes..

    1. En partie d’accord avec cet article.
      En partie seulement parce que ce phénomène existe aussi (moins exagéré c’est sûr…) pour les hommes.
      Ribéry pourra avoir tout le talent possible, il n’aura jamais autant de contrats que Beckham… Ronaldo n’a pas fait autant de pubs que Cristiano Ronaldo…. Deschamps a fait moins de pubs que lizarazu… Je prends le foot comme exemple mais on retrouve ça dans d’autres sports….
      Et aussi les pubs de sports style course à pieds, couvertures de certains magazines….montrent souvent des beaux gosses avec de larges épaules et sourire Colgate alors que ce profil est peu représenté en courses….
      Enfin, certains médias (dont trimes) mettent en avant des femmes qui ne sont pas forcément les plus jolies… Les choses évoluent doucement mais elles évoluent….

      A plus!