Trimomètre #11 > Différences hommes-femmes, partie 1 : Causes physiologiques et biologiques

Aujourd’hui, j’ai plongé dans les recherches de Romuald Lepers, docteur en biomécanique et physiologie du mouvement et maître de conférences au Laboratoire INSERM – Faculté des sciences et du sport. Ses travaux concernent, entre autres, les différences dans la performance entre les athlètes d’âge et de sexe différent. Le fait que les femmes font des performances sportives inférieures aux hommes n’est pas un secret, mais peu de gens connaissent la cause physiologique. C’est pourquoi j’ai choisi de synthétiser les trouvailles de Romuald Lepers sur le sujet.

La performance est le fruit de la VO2max, du seul lactique et de l’économie de course. Ces trois facteurs définissent quasiment à eux seuls les capacités physiologiques d’un coureur à pied d’endurance.

Les femmes ont-elles une moins bonne économie de course que les hommes ?

L’économie de course se définit comme la consommation d’oxygène par unité de distance parcourue. Plus cette valeur est basse, moins l’oxygène est gaspillé par une mauvaise foulée. Ceci est d’autant plus important dans les sports encore plus techniques que la course, comme la natation. D’après les études qui ont été faites sur des sujets masculins et féminins, il existe certes des différences de coût énergétique entre les deux sexes. Cependant elles sont moins grandes que les variations observées entre les coureurs de même sexe. L’économie de course est quelque chose de très variable d’un individu à l’autre, qui ne peut pas expliquer les différences de performance hommes-femmes.

Les femmes ont-elles un moins bon seuil lactique que les hommes ?

De manière plus générale, on pourrait regarder la composition du muscle et son efficacité dans la filière énergétique. Le seuil lactique est une vitesse à laquelle le corps produit beaucoup plus d’ions lactate qui nuisent à la contraction (muscles qui brûlent). Ce seuil apparait entre 80 et 90% de la vitesse maximale anaérobie, et donne donc une idée de l’endurance de l’athlète.

La répartition des types de fibres (lentes et endurantes versus rapides et explosives) n’est pas différente dans la population masculine et féminine, et le muscle féminin répond de façon similaire à l’exercice d’endurance que le muscle masculin. Les tests de seuil lactique effectués sur les athlètes féminines élites ont montré des valeurs très similaires à celles des hommes lorsque exprimées en pourcentage de leur VO2max.

Le muscle féminin est donc aussi bien taillé pour l’endurance que le muscle masculin.

reste

Les femmes ont-elles une moins bonne VO2max que les hommes ?

La VO2max est la capacité maximale d’oxygène que le corps d’un athlète est capable d’absorber et donc d’utiliser comme carburant. Lorsque l’athlète cours à VO2max, ont dit que sa vitesse est maximale anaérobie (VMA, ou puissance maximale anaérobie, PMA, pour les cyclistes), ce qui donne une idée très précise des capacités de vitesse de l’athlète. A noter que deux athlètes de même VO2max peuvent avoir des VMA différentes s’ils ont des économies de course différentes (pas la même foulée économique).

Un triathlète masculin bien entraîné est capable d’absorber 5 litres d’oxygène par minute, contre 2 litres par minutes pour une femme de même âge, suivant le même entrainement, en moyenne. Ceci représente une différence de 67%, mais le poids des deux athlètes est différents (75kg pour l’homme en général, contre 55 pour la femme). Il convient d’exprimer cette VO2max en litres absorbés par minute et par kilogramme de poids corporel, de la même manière que les cyclistes parlent de leur puissance en watts par kilo. Si nous divisons la VO2max par le poids corporel, on se retrouve avec 67 ml/min/kg pour l’homme contre 55 ml/min/kg pour la femme, soit une différence de 22%.

Un dernier facteur vient encore diminuer cette différence : le fait que la masse graisseuse est naturellement plus grande chez la femme (15%, contre 10% chez l’homme). En ajustant la valeur de VO2max en fonction de la masse de gras, la différence n’est plus que de 10 à 15%. C’est donc cette petite différence restante qui donne un avantage de vitesse aux hommes, et explique les écarts hommes-femmes que l’on trouve dans l’ensemble des sports d’endurance et de vitesse.

L’injustice biologique, c’est que certains hommes descendent leur masse de gras à 7% pour optimiser leur performance le jour d’une course, alors que les femmes ne tirent aucun avantage à un taux de gras aussi bas, car les conséquences sur leur santé seraient majeures.

En regardant les élites, les différences de VO2max sont encore bien présentes : Le ski de fond enregistre les plus hautes valeurs de VO2max chez les athlètes, notamment dans l’équipe nationale norvégienne où les hommes ont des VO2max d’environ 90 ml/min/kg. La meilleure skieuse de fond norvégienne a une VO2max de 77 ml/min/kg, soit une différence de 17%.

Nous connaissons donc une première cause physiologique des écarts hommes-femmes, mais quel facteur biologique est responsable ? En fait, la présence de 10% de moins de globules rouges (transporteurs d’oxygène) dans le sang réduit la capacité à acheminer l’oxygène vers le sang (135-140 mg/ml chez la femme contre 150-155 mg/ml chez l’homme). Le cœur des femmes serait aussi un peu plus petit et moins adaptable, ce qui fait, en plus de réduire leur VO2max, que les femmes atteignent leur fréquence cardiaque maximum en courant à des vitesses 10 à 15% inférieures.

vo2max

Les femmes ont-elles un désavantage hormonal ?

L’ensemble des différences physiologiques hommes-femmes est dû au cocktail d’hormones très différent entre les deux sexes qui apparait dès le stade embryonnaire. Le désavantage hormonal de la femme est dû à la testostérone présente en bien moins grande quantité chez la femme. Cette hormone joue un rôle dans la croissance des tissus musculaires, donc est responsable d’une masse musculaire plus faible chez les femmes. Une des conséquences est un cœur plus petit comme vu auparavant. La testostérone joue aussi un rôle dans la réparation des tissus, et donc dans la récupération. Ainsi les charges d’entrainement doivent être légèrement inférieures chez les femmes par rapport aux hommes afin de ne pas tomber en surentrainement. En pratique, le volume des femmes est 10 à 15% inférieur à celui des hommes, ce qui joue sur la performance au final.

Testostérone

Les différences physiologiques évoquées ici n’ont pas le même poids suivant le mode de locomotion : la nage favorise une meilleure économie (technique), le vélo, la masse musculaire, et la course, la VO2max et le seuil lactique. Ainsi, le tableau ci-dessous montre que sur la nage les différences hommes-femmes sont moins grandes que sur la course à pied, car la nage est plus technique est les femmes sont à armes égales en technicité. Les écarts hommes-femmes sur le marathon de New York et sur le marathon de l’ironman d’Hawaï sont les mêmes, ce qui valide les capacités d’endurance des femmes comme égales aux hommes.

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Il y a donc beaucoup de belles statistiques à faire dans le cas du triathlon, et on espère vous avoir mis l’eau à la bouche. La prochaine partie traitera toujours des travaux de Romuald Lepers, afin de voir quels sont les écarts entre les hommes et les femmes en fonction de la distance en triathlon et de la discipline.

Crédit photo : u-run.fr

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