Spécial Kona – La Chronique de Xa’ – The ghost of Tom Joad…

Hier soir, le hasard des rencontres de la vie m’a fait redécouvrir un bijou de Bruce Springsteen.

« The boss » évoque « Les raisins de la colère » dans une chanson comme lui seul peut écrire et interpréter…

Dans le chef d’oeuvre de Steinbeck chanté par Bruce,  il est question de longue route, d’exode, d’injustice, de souffrance, de chaleur et de rédemption…

J’ai toujours préféré les histoires tragiques, je trouve cela plus puissant émotionnellement. Cela m’apporte plus sans doute aussi…

De fait, même dans la légèreté naturelle et organique du sport, ce sont les aventures tragiques qui me provoquent le plus de frissons… Quand bien même le drame ne reste que « sportif » et peut paraître bien futile au regard du destin de Tom Joad et des siens…

Loin de Tom, dans nos vies faciles, bien sages et bien rangés, sommes nous quelque part en quête de sens ?

Je ne sais pas mais cette histoire tragique et forte mêlée à la guitare magique de Tom Morello sur le morceau de Springsteen bizarrement, m’a transporté des routes de l’Oklahoma vers celles de Big Island.

Peu importe la souffrance, peu importe les chances de la vie ou les injustices, il est toujours, à un moment donné de notre existence, question de rédemption il me semble… C’est irrémédiable, et je ne suis pas certain en définitive que certaines aient plus de valeurs que d’autres…

Et aussi étrange que cela puisse paraître, la chanson de Springsteen a fait rejaillir dans mon esprit des personnages aux antipodes de la grande dépression de 1929…

« The highway is alive tonight… »

Mes fantômes à moi, un peu plus proches…  Ceux de mon passé Hawaiien…

Celui de Julie Moss bien sûr agonisant dans les derniers mètres en 1982… Celui de Mark Allen, qui finira à l’hôpital en 1987, dramatiquement déshydraté. Chris Legh, élève du grand Mark, dans le même état que son mentor quelques années plus tard ou encore Sian Welch et Wendy Ingraham rampant côte à côte sur le tapis d’arrivée… Enfin Paula Newby Fraser, la « Lava Queen », huit fois vainqueur de la course mais qui, elle aussi essuiera une terrible défaillance à quelques hectomètres de la ligne en 1995…

Ce sont tous ces fantômes là qui donnent à Hawaii sa dimension mystique. Ces sont eux qui font que, sans doute, la bas très peu abandonnent, même chez les meilleurs quitte à terminer dans les profondeurs du classement… Comme une forme de respect et d’allégeance à l’épreuve et à son histoire…

Et presque une semaine après Hawaii, c’est sur la Highway Hawaiienne que je me suis imaginé à mon tour, seul, couché sur mon vélo au milieu des champs de lave.

La musique, comme l’art ou la littérature, cela vous « transporte ». On décolle du sol et on se sent plus léger au son d’une guitare,  de violons ou d’un piano. Le « bit » des « drums » fait battre notre cœur plus fort. Toutes ces résonances positives  m’ont ainsi permis d’idéaliser quelque peu mon fantasme Hawaiien…

Dans mon rêve, mon « pace » est parfait », mes jambes ne brulent pas et je me montre à la hauteur des éléments et de l’univers qui m’entoure…

C’est bien cela dont il s’agit, je me sens « digne » de sillonner cette Highway, une route magique et emplie de l’énergie des spectres de mes idoles qui y ont tant souffert… Dave, Mark, Scott, Paula, Erin…  Ce sont eux qui, comme par magie, me donnent l’énergie et la puissance que je n’ai pas…

Le vent n’a que peu de prise sur moi, la position aéro ne brise pas mes reins et les kilomètres défilent comme par magie. Je sens l’air chaud sur moi mais il ne me dessèche et ne m’affaiblit pas. Les montées sont moins dures et les parties roulantes s’avalent à la vitesse des meilleurs pros du circuit. Je n’ai pas de problèmes de nutrition, d’hydratation, aucun passage à vide…

Je perçois la dureté mais je la domine et elle me transcende… Ces sont les autres qui, eux, perdent pieds sur le goudron surchauffé…

Tout devient facile, tout est évident, accessible et simple à l’image de la dextérité de Tom Morello pour sortir des sons incroyables de sa guitare de punk… Comme la vue de Jan accélérant, irrésistible, il y a une semaine à le fin du vélo…

Sans doute, ce rêve là, même les privilégiés, et / ou assez forts pour avoir parcouru un jour cette route en direction du demi tour d’Hawi le font… C’est ce mirage qui donne envie d’y aller, c’est cette utopie qui donne envie d’y revenir plus fort…

Dans mes rêves d’Hawaii, j’imagine rarement la course à pieds du marathon. Un peu comme si, même en rêve, je n’arrive pas à imaginer parcourir Energy Lab avec un sentiment de plénitude.

En fait, je ne me rappelle pas avoir lu ou connu un jour une histoire où un athlète racontait une forme de délire jubilatoire sur cette partie de la course… Tout au plus Eric Plantin peut être en 1989 lors de « sa course de rêve ». La course d’une vie…  qui l’emmènera, lui le petit prof de tennis, aux portes d’un incroyable top ten…

A Hawaii, de toute façon, à un moment donnée, la douleur est votre compagnon, il faut faire avec et l’accepter… Si vous y parvenez, elle vous rend plus grand quelque soit votre niveau ou la forme du jour.

Les plus belles images d’Hawaii sont ainsi, « naturellement » celles du marathon… Car là, vous n’en trouverais aucune qui exprime le relâchement, la maîtrise et le contrôle… Que vous vous appeliez Frodeno ou que vous terminiez dans les profondeurs du classement, à un moment donné, c’est sauve qui peut…

C’est peut être pour cette raison que je n’arrive pas à me « rêver » sur la ligne d’arrivée. J’ai l’impression que mon esprit refuse de m’y conduire, c’est trop peut être…  Ca non, je n’ai pas le droit, je ne le mérite pas. Ceux qui y sont parvenu ont trop fait de sacrifices pour cela…

Hawaii, c’est une belle parabole de la vie. Il y aura toujours un goût d’inachevé quoiqu’il advienne.

C’est une quête un peu vaine pour laquelle, les renoncements sont sans doute trop lourds… et l’aspect dérisoire de la récompense rend cette épreuve peut être encore plus grande finalement…

Hawaii, c’est les raisins de la victoire…

https://www.youtube.com/watch?v=3HE1chejCU8

Merci à Nick et Marie pour l’inspiration de cette chronique…

 

 

 

 

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