Conseil > Accepter la souffrance, la différence?

On peut souvent lire dans la presse qu’un athlète a gagné dans la facilité. À moins qu’il soit nettement au-dessus du lot, cela n’est pas possible. Le fameux « Train Hard, Win Easy » qui n’existe pas réellement.

On vous rassure, Gomez, Brownlee & Co ne gagne jamais sans tout donner, à moins que la concurrence ne se soit tout simplement pas présentée.

Rappelez-vous de nombreuses fois où les frères Brownlee sont passés de l’autre côté. Jonny Brownlee à l’incroyable record d’être monté à deux reprises sur un podium d’une WTS tout étant victime de deux coups de chaud mémorable. Celui de Cozumel est toujours dans la mémoire collective du triathlon.

Lors de la Grande Finale d’Edmonton en 2014, Alistair Brownlee avait aussi eu besoin de longues minutes pour retrouver ses esprits. C’est seulement par après qu’on apprendra qu’il y avait aggravé une blessure. Avec ses nombreuses blessures aux pieds, on peut effectivement parler d’une tendance à dépasser la limite à l’entrainement.

En course, les deux frangins n’ont pas de semblable pour tout donner sur parcours, enfin selon les apparences. Ils ont cette faculté de ne jamais repartir d’une course sans avoir le sentiment d’avoir tout donné et tout essayé. Le mot « réserve » ne semble pas fonctionner pour eux.

C’est peut-être l’aspect le plus intéressant de la course Leeds. Que cela soit Flora Duffy ou les Brownlee, ces athlètes sont prêts à devoir totalement se donner à vélo. Chez leurs concurrents, le fait de rester plus de 10% de leur temps à la tête leur impose déjà un questionnement sur leur gestion de l’effort. Pour battre Duffy ou les Brownlee, les autres athlètes sont dans une pensée ou ils espèrent les suivre en dépensant le moins d’énergie. Pour eux, c’est la seule manière de pouvoir les battre. Mais est-ce vraiment le cas?

Même si un élite qui gagne régulièrement comme Jan Frodeno, Lionel Sanders, Daniela Ryf…  dégage une impression de facilité, il est surtout reconnaissable par sa faculté d’accepter la souffrance.

Il sait par où il doit passer et dans quel état de souffrance il doit entrer. Cela est le produit d’un long apprentissage et conditionnement pour être en mesure de « se rentrer dedans ».

Un mal nécessaire?

Cela peut paraitre comme une analogie TRÈS bizarre… Durant un accouchement, une femme a le choix de choisir une péridurale (pour atténuer sa souffrance) ou pas.

En lui donnant une alternative, elle se questionnera alors sur sa limite tolérable. À vrai dire, quand cela est ton premier enfant, une femme accouche la première fois sans expérience. Elle se fiera à des témoignages pour se faire une idée. Généralement, cela crée une appréhension.

Évidemment, le but de cet article n’est pas de mettre votre santé en danger et cela peut paraitre très paradoxal, mais les Brownlee ne sont peut-être pas tout à fait si exemplaires… Il n’est pas étonnant que les deux frangins si fréquemment questionner sur la suite de leur carrière. Ils répètent toujours privilégié l’idée d’une carrière raccourcie en dominant son sport à une plus longue avec moins de victoires.

L’athlète élite incarne justement cette contradiction, être extrêmement en forme, soit en étant très performant et rapide, pourtant, on ne peut pas toujours le qualifié d’un être en santé, souvent poussé à la limite, la fatigue peut rapidement devenir chronique. Le sport de haut niveau n’a indéniablement pas un impact si positif sur le corps et les athlètes le savent ou préfèrent éviter le sujet. D’ailleurs, un athlète qui en prend souvent conscience et commence à émettre un doute à accepter la souffrance et souvent la raison qui se cache vers la fin de sa carrière.

Il faut d’ailleurs comprendre les mécanismes du corps. Lorsqu’il se sent en danger, il envoie des signaux pour se protéger. Il faut donc bien savoir bien les écouter et discerner les messages.

À en croire les Brownlee, ils semblent avoir des outils pour en rejeter plusieurs.

Maintenant, il y a une grosse différence entre un athlète qui subit un coup de chaud à celui qui se démotive face à la tache restante…  et qui préfère arrêter de courir lors de son Ironman parce qu’il n’a tout simplement jamais évolué dans cet état de fatigue.

Dans les faits, nous sommes tous conditionnés par une limite que nous nous sommes fixée.

Une histoire de conditionnement…

On dit souvent que le sport est plus facile pour les enfants parce qu’ils ne se posent pas de questions. Lorsqu’ils commencent à courir, il ne se demandent pas où est la ligne rouge. Un athlète se retrouve dans la même situation. Et cela devrait devenir un sujet de réflexion pour vous.

Cette fameuse douleur que vous devez provoquer dans de rares moments à l’entraînement et durant une course doit être abordée comme une nécessité et une opportunité et non comme une conséquence évitable.

Greg Lemond disait, it’s never get easier, you just go faster (cela ne devient jamais plus facile, tu deviens juste plus rapide). Un fameux groupe d’élite répète qu’ils ne font pas des sacrifices, mais juste des investissements pour l’avenir.

Évidemment, on est nombreux à faire du sport pour le plaisir. On prend tous du plaisir à aller plus vite, mais on devrait aussi être très fier lorsqu’on est en mesure de prendre le contrôle de son corps. Arrêter d’appréhender et avoir ce sentiment de tout donner.

On entend très souvent certaines personnes dire qu’ils n’ont pas eu la bonne génétique, mais n’est-ce pas avant tout une question de volonté?

5 commentaires
  1. Magnifique gloubiboullga entre accouchement, volonté et souffrance. Sport de haut niveau professionnel et plaisir (avec toutes les gradations entre). Et enfin entre le mythe de l’enfant sans rate, bientôt l’apologie du levrier! Eh oui quand on veut on peut, c’est bien connu!
    Enfin pour ce que permet ce genre de message dans le triathlon;
    1/ L’image de ce sport qui fait passer ses pratiquants pour des Ironmans plus que tout autre chose… bien que certains tentent autre chose.
    2/ Le problème soulevé par de nombreux soignants du sport (médecins, kinés, psys, osthéos…) ou le travail de connaissance de soi, de son corps, de ses limites est chez les triathlètes parfois plus compliqué que chez des pratiquants d’autres disciplines, et particulièrement chez les amateurs, ou lorsqu’on réduit le corps à une question de volonté, de conditionnement, on occulte toute une partie de nos connaissances…

    Enfin le final  »être fier lorsqu’on est en mesure de prendre contrôle de son corps »: perdre conscience sur un tapis bleu n’est pas prendre contrôle de son corps.
    Et les enjeux de cette perte de contrôle sont autrement différents chez un sportif de haut niveau à un moment donné, entouré, que chez un amateur…

    1. La petite histoire… ma femme était pas contente que je fasse cette analogie… honnêtement, si un homme un minimum de compassion et qu’il a assisté à l’accouchement de sa femme, il ne devrait pas trop la ramené avec son ironman.

  2. NO PAIN NO GAIN ?
    Intéressant tout cela car il me semble que cela va à l’encontre de ce qui est enseigné aux entraîneurs comme quoi la douleur est vaine et que c’est un signal d’alarme dont il faut être attentif etc etc…
    Je fais partie des athlètes « old school » qui ont donné le meilleur d’eux même par le passé avec cette approche ‘no pain, no gain’. Plus le coach nous faisait souffrir à l’entraînement, plus on se transcendait en compétition… Je sais, les moeurs ont changé et on est à l’heure de l’athlète-roi : c’est pourquoi je m’étonne de la présence de ce genre d’article 😉
    PS : l’approche d’un entraîneur est eminemment psychologique, hein… il ne faut jamais l’oublier. Un entraîneur sans compétence dans ce domaine se cantonnera dans son rôle de donneur d’ordres…

    1. Quand c’est hard, c’est hard quand c’est easy, c’est easy :p. Le but n’est pas de dire… vas y toujours a fond mais plus de voir autrement la douleur. le triathlon nous conditionne bcp si tu fais un iroman et que tu vois tout le monde marcher… tu vas….