Edito > Elles sont où les histoires?

Depuis quelque temps, je suis ailleurs. Moi qui avais l’habitude d’interrompre mes nuits pour ne rien manquer des WTS, je n’ai pratiquement rien vu de la Grande Finale de Rotterdam. Un comble non? Si je pouvais compter sur des informateurs pour tout savoir, j’ai appris deux semaines plus tard qu’Alistair Brownlee s’était fait opérer de la hanche. On peut dire que j’étais totalement déconnecté. 

Tout cela a suscité en moi un questionnement, est-ce que j’ai réellement besoin de regarder toutes ces courses? Mais surtout, qu’est-ce que cela m’apporte réellement? 

On fait dans l’acnedoctique, une personnalité me demandait mon avis sur le manque de performance d’un athlète, sans réponse, je lui demandais s’il avait regardé la super league. Il me répond, je ne regarde jamais le triathlon, c’est chiant. 

Dans ce ton si direct, tout était dit. À moins que certaines conditions soient réunies, le triathlon n’a rien de spectaculaire à moins de connaitre précisément une personne dans la course, il s’intéresse avant tout au sort de l’individu. C’est l’unique condition pour générer une histoire. 

Si les courses professionnelles m’ont probablement tant intéressées, c’est justement parce que j’appréciais certains individus. Pour diverses raisons, on finit par s’attacher à certains. Les courses sont alors à multifacettes. Quand on commence à comprendre les enjeux pour certains, difficile de rester émotionnellement insensible. Pour cela, il faut être dans le secret des dieux. 

Avec Trimes, on a toujours été étonné par la différence de popularité entre les athlètes, même s’ils ont des résultats similaires. Le cas d’école reste Vincent Luis. Lorsqu’il a fait Intérieur sport, tout a changé. Si tout le monde veut désormais répliquer le fameux exercice  « les Yeux dans les bleus » (documentaire sur la victoire de la France à la coupe du monde de Foot en 1998), on est aussi tombé dans un excès où l’athlète nous ouvre ses portes pour se vendre avec ses phrases-chocs choisies à l’avance…

Dans le cas de Luis, l’exercice a permis de faire connaitre le triathlon. Pour des amateurs du tri ou des curieux, ils voyaient alors ses courses avec l’impression de le connaitre. Si cela est perçu comme la meilleure manière pour faire connaitre le sport triple, il mettait avant tout le projecteur le parcours d’un athlète avec l’objectif de devenir le meilleur et cela n’a rien de particulier au triathlon.

Maintenant, si d’autres Français méritent aussi d’être sous les projecteurs à d’autres proportions, leur poids médiatique est pourtant très différent. On spécule que les amateurs n’ont pas encore les éléments pour se projeter en eux.

L’erreur est de croire que seules les réussites permettent de générer des histoires intéressantes.

Mais l’ultime point faible du triathlon, c’est de continuer à croire que les images permettent de générer un intérêt, cela prendra beaucoup plus. 

Malheureusement, l’effet perturbateur, c’est que les institutions veulent qu’elles soient toutes positives. Récemment, on a trouvé cela difficile de regarder une sorte de rétrospective… propagation de la bonne parole alors que l’on savait très bien que certains vivaient ou avaient vécu des moments difficiles. À partir d’un certain âge, les films Disney ne nous intéressent plus.  

Dans le sport, il y a les joies et les déceptions. Il n’a rien de plus beau que de voir des athlètes rebondir, mais pour cela, il faudrait savoir par où ils sont émotionnellement passés. 

Un exemple parfait, c’est le retour de la canadienne Joanna Brown. L’année dernière, elle était tout simplement nulle part et toutes les conditions étaient réunies pour qu’elle abandonne le sport. Cette année, elle est montée à trois reprises sur un podium de la coupe du monde et obtient un top 8 à la Grande Finale… Une belle histoire dont il faut  avoir conscience…

Très peu réalisent aussi que l’actuelle championne du monde ITU revient de très loin. Elle avait juste décidé d’abandonner le triathlon après sa première participation aux JO.

Tout cela pour dire que trop d’éléments sont faux, il est souvent difficile de discerner ce qu’est une vraie course avec vraiment un enjeu. Tout le monde à un agenda et des objectifs différents. 

Dans les faits, on ne connait pratiquement rien des personnalités des athlètes. 

Si l’on se battait pour que nos lecteurs s’intéressent à d’autres courses que Kona et les Jeux olympiques, on a rejoint ce camp…

Mais est-ce que les médias qui couvrent le triathlon se proposent comme point de départ pour générer des récits? Trimes le faisait et devra le refaire parce que sinon, pour nous, le triathlon perd toute sa dimension. 

Et oui, on a apprécié la Super League pas parce que c’était plus spectaculaire mais plus parce qu’on voulait voir certains athlètes réussir comme Emmie Charayron ou encore Kristian Blummenfelt. C’est comme ça. 

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