Utilité d’un capteur de puissance en c.à.p.

Disponibles depuis environ 2 ans, les capteurs de puissance en course à pied tels que Stryd ont déjà fait l’objet d’articles (c.f. trimax-mag.com, running-addict.fr). Parmi les retours, certains sont sceptiques quant aux méthodes de mesure (Alex Hutchinson) quand d’autres pointent d’importantes différences dans les valeurs selon les constructeurs (DC Rainmaker). Comme rien ne vaut un essai par soi-même, voici un premier retour d’expérience d’utilisation d’un capteur Stryd couplé à une montre Garmin Forerunner 735 pour l’affichage, suite à 5-6 mois d’essais sur divers types de séances.

Tout d’abord, rappelons les possibilités qui s’offrent à l’athlète pour gérer sa séance :

  • Courir aux sensations, à la perception de l’effort (ex: en connaissant intuitivement sa bonne respiration et le bon fonctionnement du reste de son corps pour un objectif à tenir).
  • Courir en gérant son allure.
  • Courir en gérant sa fréquence cardiaque (même si en début de chaque intervalle, le cardio remet une poignée de minutes à (re)monter au seuil).
  • Et – depuis peu – courir en gérant sa puissance.

Illustrons cela avec un exemple sur une séance type de fin de préparation ironman : 4×30 minutes à environ 80% de FC max, sur terrain relativement plat pour un athlète tenant 300 W sur 10km. La météo était idéale pour courir, environ 8°C et peu de vent. Nous étions partis pour utiliser uniquement l’information de puissance. Cependant, comme sur les autres essais, la puissance affichée bagottait trop rapidement, d’environ + ou – 20 watts dès le moindre soupçon de montée ou de descente sans rester stable pendant au moins une seconde. C’est vraiment dommage qu’il soit actuellement impossible de stabiliser l’affichage de ces watt Stryd via configuration sur les montres Garmin. En vélo la position inclinée plonge naturellement le nez dans le compteur ; en c-à-p, garder les yeux sur l’écran quelques secondes puis faire soit même la moyenne de tête est vite fastidieux et peu efficace en terme de posture. Ca peut même être casse-pipe car pendant ce temps là on ne regarde pas où l’on va ! Donc au final, lors de la séance, nous nous sommes retranchés sur les méthodes habituelles sensations + allure + fréquence cardiaque.

Nous n’avons regardé les infos de puissance qu’a posteriori, une fois la séance finie et téléchargée sur le site Powercenter de Stryd, voici ce que ça donne :

Intervalle Durée Allure moy FC moy Cadence moy Longueur foulée Puissance moy
1 30 min 4’52″/km 151 bpm 180 ppm 1,14 m 246 W
2 30 min 4’51″/km 150 bpm 181 ppm 1,14 m 245 W
3 30 min 4’51″/km 151 bpm 182 ppm 1,13 m 244 W
4 30 min 4’51″/km 152 bpm 183 ppm 1,12 m 244 W

 

Copie d’écran partielle d’un rapport de séance de https://www.stryd.com/powercenter

Notre analyse à ce stade :

  • Le capteur Stryd tiendrait une vingtaine d’heures sans être rechargé (c.f. ici).
  • Nous n’avons pas testé l’impact sur la batterie de la montre utilisée pour l’affichage.
  • Avec ce capteur Stryd, l’information de puissance est difficile à lire car la valeur bagotte trop. Ca serait la chose à améliorer en priorité 1 car elle impacte négativement l’expérience utilisateur. En revanche, les valeurs affichées pour les capteurs de puissance Garmin semblent pouvoir être moyennées et donc stabilisées (c.f. article DC Rainmaker) mais nous n’en n’avons pas testé.
  • En intérieur, le capteur Stryd peut aussi servir à connaître votre allure, par exemple pour participer à Zwift sur tapis roulant non-connecté. Pour cet usage, il n’est pas nécessaire de mesurer la puissance, du coup un autre capteur de Stryd suffit (c.f. Stryd Live).
  • En extérieur, sur sol plat et uniforme et avec peu de vent, l’information de puissance n’apporte pas vraiment d’information significative par rapport à l’information d’allure, surtout si cette dernière est complémentée par l’information de fréquence cardiaque.
  • Dans les autres environnements extérieurs (ex: fractionné en côtes, trail avec dénivelé), l’information de puissance est un peu plus intéressante, mais là encore elle ne nous semble pas indispensable.
  • Sur triathlon moyenne et longue-distance, si l’on compare avec le vélo, la c.a.p arrive à la fin, il nous semble y avoir moins besoin de gérer aussi finement… et si c’est le cas, l’allure et la FC sont quand même de très bons indicateurs.
  • Il n’y a pas d’indication en temps-réel d’économie de foulée (à la manière des aérosticks en vélo) qui vous permettraient de mesurer deux postures différentes ou deux paires de chaussures différentes, mais ça pourrait être intéressant.
  • En revanche, après la séance, ça peut aider l’athlète ou le coach à décortiquer le résultat s’il veut utiliser les méthodes d’entraînement et d’analyse similaires à celles qui existent pour le cyclisme dans des logiciels comme GoldenCheetah ou TrainingPeaks (ex: notion de running FTP (rFTP), des zones de puissance en % de ce rFTP, du TSS de la séance…). A ce jour, très peu de coachs semblent demander l’utilisation d’un tel capteur à leurs athlètes.
  • Le site PowerCenter de Stryd est un site pionnier intéressant (rapports sur efficacité de foulée… et pleins d’autres choses, mais ça ferait trop long d’en parler plus aujourd’hui).

Et qu’en est-il chez les pros ? Lors d’un récent article, nous mentionnions que Ben Kanute en utilisait un en course sur le 70.3 du Texas (un peu normal car il est coaché par Jim Vance qui est un adepte de la c-à-p à la puissance), alors que sur la vidéo du 70.3 d’Oceanside, Lionel Sanders n’en portait pas (mais il portait néanmoins une montre) et que Jan Frodeno courait sans électronique, il courait le semi aux sensations. Bien-sûr aucune valeur statistique avec juste ces 3 exemples. Il faudrait en observer plus lors des arrivées d’épreuves.

Voilà ! … Mais bon, on se garde l’option de revisiter notre avis en fonction des évolutions de la technologie, d’une meilleure maîtrise de notre part à utiliser ce type de capteurs, voire de retours d’expérience différents.

 

PS: Pour ceux qui regarderaient en détail la copie d’écran ci-dessus, les quelques baisses subites d’allure et de wattage durant les intervalles sont dues à des changement de direction de 360° faute d’avoir pu courir suffisamment longtemps dans une seule et même direction.

 

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