La chronique de Xa’ > Ardéchois, Cœur fidèle. La belle histoire…  Hommage à « Jeannot » Gilly, figure emblématique des montagnes de L’Ardèche.

Mon histoire est celle d’une véritable légende du sport ardéchois…

Mon histoire, est celle d’un personnage dont l’aura transcende très largement le cadre du sport dans sa région.

Mon histoire est celle d’un athlète, d’un skieur, d’un grimpeur, d’un kayakiste, d’un raideur et d’un triathlète… Surtout d’un amoureux fou de la nature, défenseur de celle-ci et de son pays…  D’un homme épris de liberté et de grands espaces…

Mon histoire est celle d’un personnage qui fut pour moi un exemple, bien au-delà de ses performances sportives pourtant justes hallucinantes de polyvalence…

Comment raconter l’histoire d’un homme que vous n’avez pas connu directement, mais qui  vous inspire tous les jours de par sa personnalité et sa trajectoire… Comment raconter Jean Gilly…

Si le sport c’est la transmission, le partage, les rencontres, le plaisir et la simplicité, alors Jean Gilly en représente sans doute la quintessence.

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Respecté de tous et véritable légende du sport de pleine nature dans son Ardèche natale, « Jeannot » était avant tout un éducateur et un enseignant incroyable. Infatigable « géo trouve tout » de son lycée agricole où il était prof d’EPS, il a, durant des décennies, permit à ses élèves de bonifier leur formation de paysagistes en leur donnant des compétences uniques en d’une valeur inestimable sur le plan professionnel au travers de la maîtrise des manips en escalade.

Car Jean Gilly était d’abord un varappeur hors pair, aussi à l’aise en « libre » que dans le « niveau huit » où il se promenait comme si de rien n’était (les connaisseurs apprécieront…). Il équipera quelques-unes des plus jolies voies ardéchoises. Des voies qui surplombaient souvent les cours d’eau et autres rivières qu’il aimait arpenter en Kayak… Il sera, en toute simplicité, champion du monde de descente dans cette discipline…

En Ardèche, les hivers sont souvent rudes… Ca devient, pendant quelques mois, un peu compliqué pour les sports d’eau vive, et Jeannot fera donc naturellement aussi du ski de fond… L’histoire retiendra un titre de vice champion de France… Et pour parfaire sa condition physique, sa perpétuelle soif de sport et de dépassement de soi, en feront aussi un crossman de niveau national… Moins de 31’ au 10 km, son fils spirituel, mon collègue Fabien, qui le connaissait si bien, aime raconter en se marrant que Jeannot considérait d’ailleurs qu’il était possible pour tous d’arriver à faire moins de 32’ au 10000m pour peu que l’on s’en donne un minimum les moyens… (sic !)

Lorsqu’un sportif aime le sport, les défis et la nature par-dessus tout, un jour ou l’autre, il touche au triathlon… Et dans le cas de Jean Gilly, évidemment, il y excelle… Maître des eaux et des courants avec son kayak, c’est pourtant la natation qui le handicapera le plus des trois disciplines. C’est vrai que l’Ardèche est belle et sauvage… mais que l’on n’y trouve guère de piscine pour s’y entrainer… Par contre, vous l’aurez deviné, sur deux roues et, plus encore en course à pied, il fera rapidement partie des meilleurs…

J’ai un souvenir marquant du triathlon distance olympique d’Embrun. C’était en 1990, je crois, j’étais jeune et j’étais là, au bord de la route, à distribuer mes éponges et mes gobelets d’eau aux coureurs… Tout d’un coup, j’avais vu débouler ce gars que je ne connaissais pas sur la digue autour du plan d’eau en course à pied… Largement le plus rapide de tous dans cet exercice. Il réussira à reprendre ce jour-là, Yves Cordier, l’une des grandes stars de l’époque, rien que ça ! C’est un truc qui m’a marqué parce que, lorsqu’après la course, j’avais épluché les résultats, je m’étais dit que ce mec n’avait rien à faire là dans le classement au milieu de tous ces noms familiers dont j’avais l’habitude : les Patrick Girard, Nigel Reynolds… Ces noms qui « claquaient » si on peut dire…  Celui de : Jean Gilly, ça faisait « mec du coin » descendu de sa montagne.  Dans ma tête de gamin de 15 ans, cela n’était pas très sérieux… et j’étais presque déçu qu’il ait devancé quelques-unes de mes idoles de l’époque. Un peu comme si c’était bizarre, pas normal… Qu’est-ce qu’on peut être bête quand on est ado ! Pourtant, il y avait un peu de cela, je crois. Car Gilly, qui dévorait tout, n’était pas à 100% triathlète, loin de là, il ne s’en contentait pas, son univers dépassait très largement notre sport… Pour autant, il n’avait peur de rien n’y personne et j’aime à penser qu’il prenait sans doute un malin plaisir à venir taquiner tous les meilleurs spécialistes chaque été, comme ça… juste pour le plaisir…

12910454_10153991821949174_533332482_nGilly représente aussi une génération dorée de triathlètes venus « sur le tard » à cette discipline et qui écumeront tous les podiums scratch comme vétérans à la fin des années 80 et au début des années 90… On le comparera beaucoup avec l’autre « ogre vétéran » de l’hexagone : Yves Tabarant, les deux hommes se ressemblaient énormément d’ailleurs aussi au niveau de leur profil de coureur : nageur moyen, mais intraitable par la suite… Paradoxalement, ces deux monstres se confronteront rarement l’un à l’autre…

Naturellement, Jean Gilly sera du premier Championnat du monde de triathlon de l’histoire en Avignon… À 40 ans et tout jeune vétéran, il gagnera la course et sera le 1er champion du monde vétéran de la discipline… Énième pied de nez de ce sacré personnage si on se rend compte qu’il faudra attendre 1996 et Sébastien Berlier pour voir à nouveau un Français champion du monde en triathlon (en junior cette fois-ci, et, pour l’anecdote, c’est amusant de noter que le magasine Triathlète titrera pour Sébastien : « 1er champion du monde Français »)

Alors… Comment raconter l’histoire d’un homme aux mille talents ? Sans doute au travers de ce qu’il a pu  transmettre au-delà de ses performances…

Jean Gilly est comme quelques-uns de ces personnages essentiels qui vous dominent et vous accompagnent sans faire de bruit depuis que vous êtes jeune… Une espèce de présence tranquille qui force le respect et inspire au quotidien… Cette évidence simple que dégagent les personnes surdouées… dans tous les domaines…

Et puis un jour, beaucoup plus tard, vous avez un jeune collègue qui arrive dans votre lycée. Vous ne le connaissiez pas, aucune connexion à priori, simplement, il est Ardéchois et fait de la course à pied… Vous lui parlez de Gilly et son regard s’illumine… Il le connaît… plus que bien… car pour lui aussi ce personnage représente un exemple…

Puis, à force de discussions, vous cherchez puis retrouvez des vieux résultats de 1994 du triathlon du plateau ardéchois à Coucouron… Vous étiez junior… Et à l’arrivée, juste une place au-dessus de la vôtre, vous découvrez un nom : Julien Gilly… L’un des fils de Jeannot… Et quasiment vingt ans plus tard, grâce à votre collègue, qui est devenu votre pote, vous vous retrouvez à faire un footing avec Julien du côté de Nîmes, puis un hiver, Benoit, le petit frère tentera de vous apprendre à être un peu meilleur en ski de fond… mais en vain !

Tous ces « petits riens », ces moments vécus et ces expériences partagées ne sont pas que du sport, c’est bien plus que cela… Mais surtout, ce ne sont pas les fruits du hasard ou de simples coïncidences, je ne crois pas… Car les vrais grands personnages touchent tellement de gens au cœur, que finalement on en revient naturellement, à un moment donné ou à un autre, à eux… Ils sont ces points d’ancrages fédérateurs pour tant de personnes, moins talentueuses et dont je fais partie, qui convergent et se retrouvent avec, comme point commun, la passion…

Et puis, un beau matin de juin 2008, vous apprenez la mort de cette icône au pied de « sa falaise » de Courpatas… L’impensable est arrivé : lui, le virtuose du rocher,  a chuté de sa montagne, et il est parti… Vous êtes triste… et en même temps, vous avez le sentiment que ce genre de personnage ne pouvait mourir autrement qu’en vivant pleinement sa passion au cœur de son cher pays.

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