Anthony Philippe se fait trimer

Seul Français à gagner sa catégorie (50-54) cette année à Hawaii, Anthony réalise la course parfaite et clôture une saison exemplaire.

Il est aussi le recordman français des participations aux Championnats du Monde IronMan à Hawaii (x 15) et évolue au sein du club Rougeot Beaune Triathlon depuis sa création.

Anthony, tout d’abord est-ce que tu peux te présenter ?

Je suis marié et j’ai 2 enfants de 13 et 17 ans. Mon épouse, Fabienne est kiné libérale et je suis Ingénieur de formation, agrégé de Mécanique à l’UTBM (Université de Technologie de Belfort-Montbéliard).

Comment as-tu commencé le triathlon ?

J’ai commencé le tri en 1991 quand j’étais étudiant en école d’ingé. Mais en fait la 1ère fois que j’ai été attiré par le triathlon c’est grâce à une émission que j’ai vue quand j’étais en 5ème sur Hawaii et ma prof de sport me disait que c’était complètement fou. Je me rappelle de l’arrivée de Julie Moss en rampant. C’est resté dans un coin de ma tête et comme je faisais déjà du sport je me suis dit « un jour j’essaierai ».

Puis c’est un concours de circonstances, en 1991 on était entre copains dont plusieurs à faire du sport et je me suis dit que j’allais faire le triathlon découverte du coin… Et l’année d’après je faisais Embrun !

Embrun en 1992, c’était mon 1er triathlon longue distance et j’y connaissais rien !! C’était un peu un défi !

J’ai le souvenir d’avoir été un des 1ers à m’y mettre dans mon milieu, personne ne connaissait cette discipline et puis après c’est parti, j’avais mis le doigt dans l’engrenage !

A l’époque je pensais ne jamais pouvoir faire Hawaii et surtout trouver du temps pour m’entraîner.

J’ai ensuite passé l’agreg, je suis devenu prof , puis j’ai pu passer dans l’enseignement supérieur et je me suis organisé pour tout compiler

Parle nous de ton club

J’ai fait plusieurs clubs et puis je suis arrivé au club de Beaune (Rougeot Beaune Triathlon, RBT) à sa création en 1998. Je fais partie des murs ! Et dès le début le club s’est orienté sur du longue distance.

A l’origine, Eric Millard [président du RBT, NDLR] faisait déjà du long puis ça s’est étoffé avec l’école de tri, la D2, etc..

Et ton coach ?

Mon coach est Stéphane Palazzetti depuis le début. En fait j’ai été son 1er athlète ! Et je ne l’ai jamais quitté. On était une année ensemble à Hawaii en 2003 je crois, puis en 2006 je l’ai croisé sur une course et il m’a dit « je monte ma structure de coaching » du coup je lui ai dit que je voulais bien être entraîné par lui.

13 ans avec le même coach, ça ne fait pas trop long ?

Avec Stéphane j’ai jamais eu de copier / coller, chaque saison est différente, je n’ai jamais connu la lassitude. Il me connait tellement par cœur, il connait tous mes paliers physiologiques, moi ça me va très bien.

Le coaching à distance ne me dérange pas, on s’était déjà rencontré, on se revoit de temps en temps et par téléphone et mail ça marche très bien.

As-tu déjà pensé à passer Pro ?

Non ça ne m’est jamais passé par la tête. En fait j’ai jamais connu le haut niveau dans aucun des 3 sports. Quand j’ai commencé le tri avec des potes c’était à chaque fois une découverte.

La 1ère fois que j’ai eu un résultat c’était 16ème à Embrun en 1993.

Mais je me suis toujours considéré comme un pur « groupe d’âge ». Et j’aime tellement aller à Hawaii que je ne pourrai pas passer Pro pour rater ça !

Ta 1ère qualification pour Hawaii tu t’en rappelles ?

C’était à Klagenfurt en 2001, j’y allait pour me qualifier mais je ne m’attendais pas à ce que ce soit si sélectif. Donc j’ai été plutôt agréablement surpris et puis 2001 c’était juste après les attentats du 11 Septembre donc une ambiance bien particulière à Hawaii cette année-là…

Avec Fabienne on avait pris 15 jours de vacances et on pensait que ce serait la seule fois donc a tout fait et on en a profité à fond !

Mon 1er Hawaii était bien particulier car pour moi c’était le plus dur au niveau conditions, le pire vent que j’ai connu.J’arrivais pas à boire car je lâchais pas le guidon !

Pour te dire les conditions terribles cette année-là : Tim DeBoom gagne en 8h30 je crois, soit 40 minutes de plus que Frodeno en 2019 ! [Frodeno gagne en 7h51 cette année, nouveau record de la course,NDLR]

Tu réalises un gros palmarès cette année avec, dans l’ordre :

1er 50-54 sur Half Marbella (Avril) ; 1er 50-54 sur IM Lanzarote (Mai) ;1er 50-54 sur Challenge Roth (Juillet) ; 3ème 50-54 sur les Championnats du Monde 70.3 à Nice (Septembre) ; 1er 50-54 sur les Championnats du Monde IM à Hawaii (Octobre)

Quelle analyse fais-tu de ta saison ?

Et tu as oublié un Sprint où mon fils m’a tapé !!! [Bravo Titouan ?, NDLR]

Dans le plan initial, je ne devais pas aller à Hawaii. Je voulais couper un peu, je ne savais pas trop pourquoi.

Peut-être pour me redonner envie d’y aller en attendant une année de plus et avoir à nouveau les crocs l’année suivante… Et puis finalement j’ai pas résisté !

Je voulais faire Nice, ça c’est sur car c’est une belle course.

Puis je gagne ma caté à Lanza et je me dis « Ah quand même… ».

Lanza c’était pas prévu non plus, en fait je me suis décidé car des copains (Franck Herbillon, Benoit Racadot) y allaient aussi !

En fait, cette année, ça a été la saison parfaite.

L’an dernier j’ai eu des soucis de préparation avant Hawaii (Zona). J’avais 49 ans et en changeant de caté l’année suivante je me disais que c’était jouable pour un podium. En démarrant la caté des 50, mon objectif c’était top 5.

Avant d’aller à Hawaii, je me disais cette « saison parfaite » c’est trop beau pour être vrai, va y avoir un truc qui va pas aller.

Mais pas de blessure, tout s’est goupillé au top…

J’ai été rassuré par la course de Nice car j’ai sorti « LA »course. Au niveau vitesse j’étais au top, ce qui était une grosse confirmation de l’état de forme. Il restait plus qu’à faire pareil sur du Long…

Qu’est qui a changé dans ta prépa cette année ?

Cette année j’ai fait une grosse prépa mentale. J’en avais déjà fait un peu et j’ai un diplôme pour être coach mental mais là je me le suis appliqué à moi-même

C’est une formation que j’ai eu par mon boulot à la base pour former les étudiants à la gestion du stress , préparer un objectif, gérer ses émotions, mais derrière la tête je pensais déjà l’appliquer au sport.

Stéphane ne gère pas cet aspect, c’est moi qui me l’auto applique et c’est des séances à placer dans son planning d’entraînement.

J’ai donc fait régulièrement des exercices de visualisation,de préparation à la réussite, de gestion de la course … je me projetais dans le top 5 des Championnats et j’ai fait ces exercices plusieurs fois pendant des semaines avant la course. J’ai aussi appliqué quelques techniques mentales pendant la course, pour rester dans la compétition, concentré, focus.

Et cette année j’ai été aussi hyper scrupuleux sur l’alimentation grâce à Stéphane.

Raconte-nous ta course à Hawaii, qu’est ce qui était différent des autres fois ?

En natation, le gros changement c’est le départ en vagues.C’est pas du rolling start car c’est par paquets de 300-400 athlètes mais c’est beaucoup mieux car on est beaucoup moins gênés qu’avant.

Du coup j’ai de bonnes sensations tout le long, je suis posé, concentré et je fais un de mes meilleurs chrono en natation à Kona (1:02:47).

A vélo, la course est vraiment bien améliorée et fluidifiée grâce au départ par vagues.

Ça empêche ceux qui trichaient de drafter et t’as pas besoin de mettre des gros coups d’accélération pour doubler. Du coup ça donne une course beaucoup plus fluide et c’est vraiment appréciable.

Je n’ai pas vu de drafting à ma hauteur, rien à voir avec les années précédentes.Je pense qu’il faut qu’ils gardent ce nouveau système de départ. Et il y a quand même un effet « mass start » mais sans les inconvénients .

Donc à vélo j’avais des super jambes, jusqu’à Hawi j’étais ok, super régulier, puis ça a été plus dur au retour quand le vent s’est levé. En gros, on met 15 minutes de plus que l’an dernier

Je pose à T2 et au départ de la course à pieds Fabienne m’annonce que je suis 5ème de ma caté.

Je me dit c’est bon je suis déjà sur le podium… et du coup je me dis aussi qu’il faut tout faire à bloc pour remonter au max. Je sais pas qui sont les 4 autres et je pars sur le 1er Aller-Retour sur Alii Drive en me retenant car j’ai toujours tendance à m’emballer sur cette portion.

J’étais super bien et j’étais peut-être 4ème en bas de Palani Road. Puis j’attaque la Keen Q et la partie la plus compliquée.

En fait je savais pas à quelle position j’étais jusqu’à ce qu’on m’annonce à 2km de l’arrivée que j’étais 1er et avec 8 minutes d’avance !!! C’est la femme de Laurent Marcilloux qui est montée exprès en haut de Palani Road pour me le dire !

Alors la ça te libère !!! Au niveau émotion je suis passé de la concentration extrême à l’explosion de joie dans la descente !Le changement s’est fait en quelques secondes, j’en pleurais de joie.

[Anthony termine en 9:17:29 avec un marathon en 3 :08 :10, NDLR]

Comment as-tu vécu ton passage dans la caté du dessus ?

J’ai de la chance physiologiquement, le vieillissement m’a atteint moins vite que certains ! Je t’assure !!

Tu sais c’est comme les enfants qui sont adultes très tôt, ben moi c’est l’inverse je suis vieux plus tard !

Je suis sur la courbe descendante, je le sais, mais pour l’instant, ma pente n’est pas trop accentuée … ça va bien arriver un jour ! … le plus tard possible j’espère ! !

Mon temps sur semi ou sur marathon cette année est rassurant et finalement le delta par rapport à il y a 20 ans n’est pas si dramatique…

Tu n’auras pas besoin de te re qualifier, du coup quel est ton programme en 2020 ?

Il faut que je vérifie mais je crois qu’il faudra quand même que je finisse une course label IronMan même si je suis qualifié d’office.

En fait je suis inscrit au Challenge Roth l’année prochaine et ensuite je sais pas !

Au départ, je voulais pas retourner à Hawaii, pour rester sur la course parfaite…

Mais Fabienne m’a dit : « Ouais mais un titre ça se défend ! »

De toute façon si je fais un IronMan ce sera St George en Mai car j’ai des copains qui y vont.

Le problème du club de Beaune c’est qui a toujours quelqu’un qui fait un IronMan quelque part, et qui te motive pour y aller ! On verra bien !

Est-ce qu’il y a un autre sport que tu pratiques en loisir ou l’hiver, en dehors du tri ?

L’hiver je fais du ski de fond car j’adore ça, mais ça demande aussi du temps.

Et en période de coupure, je ne fais rien et ça me gêne pas du tout !

J’ai des bricoles à faire chez moi, des travaux qui vont arriver à la maison donc aucun problème avec cette phase, ça me fait plaisir.

Je fais 3 semaines de vraie coupure sans problème. Au but de 30 ans j’arrive bien à m’en détacher et revenir ensuite à l’entrainement.

Quelle a été ta plus belle course ?

Y en a 2 ou 3 en fait : Embrun en 2007 au même niveau que Hawaii 2019. Et Hawaii 2006 et 2010

Ce sont les 4 IronMan parfaits !

Quel est ton pire souvenir ?

J’en ai pas trop pour être franc ! Peut-être mon accident de ski en 2008 où j’ai été touché à la colonne vertébrale. Je suis pas passé loin du pire, et à ce moment-là, personne ne savait si je referai du sport…

Le dernier mot ?!

Un truc que je me répétais avant la course, une sorte de mantra :

« When your “WHY” is powerful, then your “HOW” is gonna be easy !»

Si tu sais pourquoi t’es là, pourquoi tu fais un IronMan, alors tu as déjà fait beaucoup !

Les partenaires du RBT : Look Cycle, Mako Sport, Authentic Nutrition, TEB, Rougeot TP,

AGEOS Assurances, Crédit Mutuel

Crédits photos : FinisherPix, Fabienne, Justin.

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