La Chronique de Xa’ > Ari Arigatô

Présent prémonitoire…

En me rendant visite à Versailles, il y a un peu plus d’un an, Léonie me faisait la surprise « d’un petit cadeau » comme elle en a l’habitude. Une affiche récupérée à Yokohama en 2018 sur la WTCS qu’elle avait terminée à la 13eme place. Léo sait bien que le Japon à toujours inspiré le judoka que je fus. Il faut dire que j’avais eu la faiblesse de lui dire quelques mois plus tôt en visitant son appart à Montpellier, que je trouvais l’esthétique de cette affiche incroyable d’originalité… Avant de lorgner ensuite dessus avec insistance une bonne partie de ma visite… Une bonne mémoire, une pincée de compréhension et beaucoup de gentillesse à l’égard de son ancien prof auront fait le reste…

Bref, l’affiche trône naturellement en bas de l’escalier qui mène à la mezzanine de mon minuscule appartement de Porchefontaine. Porchefontaine, ce quartier unique qui borde cette forêt bénie des dieux où Léo gambadait et gambade encore de temps à autre, lorsqu’elle rend visite à ses parents. Parce que c’est vrai, parmi les trois disciplines de notre beau sport, la course à pied, en nature et de préférence avec son chien pour l’accompagner, c’est en définitive, je le sais bien, ce qu’elle aime pas dessus tout.

Une victoire « à la Japonaise »

En judo, une des première choses que l’on t’apprend tout petit, c’est le « Shizen Taî » : la position naturelle du corps qui est un mélange de liberté, de légèreté et de force. La capacité a être encré dans le sol mais mobile et vif. Le buste est droit, la relâchement en haut doit être complet mais il faut être capable de rester fort comme un platane sur le bas du corps… indéracinable lorsque cela est nécessaire et que les attaques surviennent.

Au delà de la simple posture, le Shizen Taî est un peu une parabole de la vie telle que je la conçois. On ne combat, on ne gagne pas de n’importe quelle manière. On le fait avec style, avec classe même et dans le respect d’une certaine éthique de l’esthétique dans la pratique. Le problème est que c’est extrêmement compliqué d’allier force et légèreté, puissance et relâchement… Etre fort sans se nouer c’est tellement difficile… Cela demande des années et des années de travail et de sacrifices que d’y parvenir… et encore, comme beaucoup, dans de nombreuses disciplines, je cherche encore la clé sans l’avoir réellement trouvée…

Alors pour être honnête, ça me plaît bien que ma Léo l’ait emporté presque sur le tard, à l’aube de ses 30 ans et après 15 ans de haut niveau. Cette victoire ne sera pas un feu de paille sans lendemain. Les bases sont trop solides et la maturité est là, au bon moment, naturellement. J’ai toujours préféré les succès mérités aux trop grandes surprises et autres coups d’éclats. Mon éducation de sportif, « à la Japonaise » préfère cela : tout se construit lentement, pas à pas, avec patience, rigueur et sobriété… presque austérité, ou en tout cas, loin de tout ce qui brille trop, tout ce qui arrive trop aisément et sans effort.

Quelle maîtrise…

C’est donc à Yokohama et nulle par ailleurs que Léo devait définitivement prendre son envol pour remporter la première WTCS de sa carrière. C’était écrit… Aussi parce qu’elle y jouit d’une popularité à faire pâlir toutes les « vraies star » de notre sport. Les Japonais aiment les sportifs à visage humain, respectueux, proche des gens, amoureux de la nature et des animaux et sur ce plan aussi, Léonie le leur rend bien, la connexion devenait évidente… J’aime à penser d’ailleurs que cela à traversé l’esprit de Léonie : le Japon, son mélange de tradition et de modernité. L’importance des valeurs de respect, d’humilité et de discrétion. Ce côté timide et presque

« feutré » surtout.. ça colle tellement à notre Léo…

Et pourtant, pauvre de moi, cette victoire, je ne l’avais pas réellement senti venir… Car, paradoxalement, c’est la première fois que je n’ai pas suivi la course en live depuis presque 15 ans que je supporte « ma championne ». Acte manqué de ma part… J’avais trop peur je crois : le triathlon de haut niveau sur ces courses, n’autorise pas la moindre faille et la saison dernière, Léonie en a connu quelques unes qui m’ont rendu fébrile au point, je le confesse, d’en venir à douter.

Je me suis en partie rattrapé depuis, si j’ose dire… Trois visionnages dont deux complets pour admirer commentelle a su mener sa course. Une course tout simplement parfaite avec une

natation compétitive mais qui n’aurait malgré tout, pas suffit à 95% des filles du plateau pour réussir à intégrer le groupe de tête. Une première transition efficace puis un « jump » impressionnant sur le premier kilomètre vélo pour la voir intégrer la pack de tête. Il fallait encore éviter les possibles chutes et les problèmes mécaniques de ces quarantekilomètres piégeux mais là aussi, c’est une Léo que je n’étais pas habitué à observer que j’ai vu à l’oeuvre avec un placement impeccable évitant de se tenir en fond de groupe comme je trouvais qu’elle faisait trop souvent même lors de ses meilleures courses.

Une 2eme transition moyenne mais qu’importe, en un peu plus d’un km, elle se mettait devant puis asphyxiait tout le monde avec une facilité déconcertante. En toute objectivité je me rappelle avoir vu cela uniquement à la grande époque de Gwen Jorgensen ou chez Cassandre mais sur distance sprint…

Quelques salut Nippon plus loin, Léonie fendait la ligne d’arrivée rayonnante avec le sourire communicatif qu’on lui connait tous. C’est vrai, sa course à pied m’a tout de suite rappelé ma jeunesse et mes années judo… Et ce que je cherchais à atteindre, en vain, avec un kimono sur le dos. On sent une puissance inouï chez Léonie au niveau des jambes mais en même temps une légèreté et un relâchement hallucinant. Elle « pousse au sol » comme personne en donnant l’impression que c’est si facile, quand elle est dans un bon jour. Cette course est la plus aboutie de sa carrière c’est évident, il ne faut donc pas s’enflammer trop vite, mais notre championne à désormais tous les atouts en main pour continuer à être redoutable et pas seulement à Paris, pas seulement cette année… Pour mon plus grand bonheur mais aussi celui de beaucoup d’entre nous, car je sais que rien ne changera dans son état d’esprit et c’est cela qui compte le plus à mes yeux en vérité !

Il y a un peu plus d’un siècle, Jigoro Kanô définissait la philosophie de son art selon deux préceptes essentiels : «Seiryoku Zenyo » et « Jita kyoei »… Je laisse les plus curieux d’entre vous chercher un peu…

Mais sachez qu’elle a tout compris…

« Arigatô » Léonie

Aucun commentaire

Commentaire fermé