Estelle-Marie Kieffer se fait trimer > Championne du monde ITU LD en 35-39.

Estelle-Marie Kieffer a gagné la semaine passé son premier titre mondial ITU LD (Suède, Motala). Trimes s’est entretenu avec elle pour en savoir plus sur la signification de ce titre et sur son expérience de course. 

Crédit Sportograf.com
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Tu es une habituée de Kona, avec ta qualification déjà en poche pour cette année, tu souhaitais tout de même faire les championnats du monde ITU LD, l’ironman et l’ITU étant dans mon isolé, tu as franchi la ligne!

Oui et non, j’étais inscrite à Francfort, mais ayant le slot, j’ai annulé. Dans ce contexte faire un format long 4-120-30 vraisemblablement à mon avantage, qui plus est support des Championnats du monde ITU me paraissait une bonne idée. En accord avec mon entraîneur Benjamin Pernet, nous nous sommes donc focalisés sur cette course après l’IM d’Afrique du Sud.

Évidemment, Kona et Motala ont des climats très différents, mais peux-tu nous parler des différences, l’atmosphère des courses est assez différente non?

Pour ce qui est du climat, 18 degrés au meilleur de la journée et l’eau à 13° effectivement c’est assez différent et finalement, pas très agréable. Côté ambiance, j’ai trouvé Motala plus détendu, moins tape-à-l’oeil et m’as-tu-vu; le fait que tout le monde porte les tenues nationales aidant sûrement. Le public est assez différent me semblant globalement plus âgé et de niveau moins élevé qu’à Kona. Certes dans chaque GA il y a quelques avions (connus à Hawaii), mais ensuite la densité n’est pas celle d’IM.

Tu es de celles qui n’ont pas peur de dénoncer le drafting, comment cela était sous le régime ITU?

Je le déteste et le redoute. Sortant habituellement en tête de course en natation j’ai souvent la douloureuse surprise d’être reprise par des packs entiers. Exemple à Las Vegas en 2013 je suis seconde du GA au 80e km quand je me fais reprendre par un pack qui roulait ensemble depuis le 20e km .. Idem à Mallorca. C’est un véritable fléau et j’en viens à choisir mes courses en fonction du mode de départ (en vagues avec les hommes rapides devant) et du dénivelé à vélo. À Motala le fait de partir 10′ après les hommes jusqu’à 55 ans a bien joué son rôle. Je n’ai strictement vu aucun pack. Par contre, j’ai rattrapé pas loin de 150 athlètes, en plus de me faire passer par quelques filles. Au contraire des courses ironman il y avait pas mal de motos sur le parcours donc je dirais que celle-ci était plutôt bien gérée. Honnêtement mis à part l’Afrique du Sud c’est une des seules courses qui m’a semblé juste. Pour rebondir sur le sujet du drafting je pense qu’IM se moque sciemment de cela surtout quand on connait les consignes données aux arbitres de cartonner les passages de ligne et de laisser faire les packs…

Peux-tu nous décrire ta course?

Initialement contrariée par le fait de ne nager que 1500m au lieu des 4000m prévus j’ai réussi à me mettre dans la tête que pour une fois la course allait se jouer en course à pied… Au final j’ai eu raison ! La natation dans une eau glaciale fut un véritable calvaire avec des passages en dos crawlé (si si !) histoire de reprendre mon souffle coupé par le froid…

Je perds près de 2′ et sors finalement 2e GA avec le 11e temps nat. Une transition catastrophique également avec une chute et l’obligation de m’arrêter 30″ à côté du vélo le temps d’attendre que la tête arrête de tourner. Bref un début de course assez calamiteux suivi d’un bon vélo en restant suffisamment lucide pour rester dans mes allures ne pas tenter de suivre les adversaires qui me dépassaient, et les reprendre toutes sauf une lors du 3e tour.

Enfin la course à pied où j’ai gardé mon rythme tout au long des 3 tours réalisés pour finir par un sprint d’anthologie (lol) pour obtenir cette fameuse victoire.

Tu as été dans une lutte très serrée pour la victoire, étais-tu consciente de cela?

Oui, en sortant de l’eau je savais parfaitement où j’en étais, il ne me restait plus qu’à surveiller à vélo ce qui vu la densité était chose relativement aisée. En partant à pied je savais que j’étais deuxième ou troisième au pire et que ma principale adversaire qui m’avait devancé de 30″ à Kraichgau 3 semaines auparavant était devant. Elle m’avait mis 9′ sur 90km en vélo à Kraichgau toujours, mais en surveillant lors du dernier AR en vélo j’estimais le retard à moins de 5′, jouable donc (je lui avais mis 4′ à pied toujours à Kraichgau). L’inconnue était son état de forme… Comme dit précédemment je suis partie à mon rythme en sachant que si je devais la reprendre cela serait dans les derniers kilomètres.

À l’approche du dernier tour, je scrutais anxieusement devant moi sans toutefois réellement y croire. À moins de 3 km de l’arrivée, j’ai enfin entrevu sa trifunction rouge. Mon sang n’a fait qu’un tour ! J’ai accéléré; je fais l’avant-dernier km en 4’15 pour me rapprocher discrètement. Pas de chance à 1km de l’arrivée la voilà qui se retourne. Nos regards se croisent ! Il faut lâcher tous les chevaux !! Je sais que la course se termine par une descente, un virage à gauche… Je mets tout ce qui me reste … Je la passe et remets un coup de reins ! Elle lâche à moins de 100m de la ligne. Incroyable ! Le dernier km aura été couru pour moi en 3’45.

Crédit Sportograf.com
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Avec un titre mondial ITU dans son groupe d’âge, on fait quoi? As-tu l’impression que cela a de la valeur pour des partenaires? Certains vont vouloir te voir pro…

Je pense avoir toujours été honnête envers moi-même, mes adversaires et partenaires. Certes il s’agit d’un titre mondial, mais le niveau (même avec 6 adversaires dans le GA ayant déjà fait Hawaii) n’est pas celui d’Hawaii. Par contre, cela reste une fierté d’avoir arboré la tenue française ne serait-ce qu’en amateur et cela fait une belle ligne sur le CV. Passer pro je m’étais posé la question il y a quelques années, mais je n’en ai malheureusement pas le niveau. De plus, le système est ainsi fait, qu’il est plus valorisant de truster les podiums en AG que de faire les fins de classement en pro. En outre, je respecte trop les vrais pros pour vouloir m’assimiler à eux. J’ai le confort d’avoir un emploi stable (certes prenant) et passionnant qui me permet de vivre mon sport à fond alors j’en profite ! Je ne me verrais pas tout quitter pour tenter l’aventure. Pas assez forte, trop d’aléas. Il faut savoir rester à sa place !

Et tu termines à 35 minutes de May Beth Ellis, quel est ton sentiment là-dessus?

Je suis à 13% du temps de Marie Beth ce qui relativement décevant par rapport aux écarts habituels plus proches des 10%. J’attribue celà à ma natation et aux transitions catastrophiques. Par contre c’est vrai que ce que j’adore vraiment en triathlon c’est la possibilité de faire les mêmes courses que les élites et de pouvoir se comparer même si les situations et stratégies de courses sont très différentes pour eux et pour nous !

Peux-tu nous décrire ton environnement d’entrainement, ton coach, ton groupe, la priorité que tu donnes au sport?

J’habite Strasbourg et suis entraînée par Benjamin Pernet avec qui les échanges sont très intéressants. Nos visions du triathlon sont assez concordantes et il très proches de ses athlètes, chose que j’apprécie particulièrement. Côté groupe je nage en club, pour le reste c’est du solo avec seulement quelques entraînements partagés avec mon homme ou des amis proches. J’ai trop peu de flexibilité dans mes horaires pour pouvoir m’adapter aux autres malheureusement. Sinon concrètement le travail passe en numéro un car je ne peux pas me permettre de me tromper quand il s’agit de diagnostic (je suis radiologue) puis mon homme et le triathlon.

Quelles sont les prochaines étapes pour toi.

Avec Benjamin nous donnons priorité à Kona et je vais essayer de me donner les moyens de faire une belle perf là-bas, ça me tient à coeur, car je n’ai jamais fait mieux que 12e. Comme course préparatoire je vais certainement participer au half du Château de Chantilly. Après Kona je finirai la saison en Turquie pour le 70.3 Gloria Turkey.

Et elle fait quoi Gloria dans la vie? 

C’est l’abréviation de Gloria Sports Arena, un immense complexe d’entraînement qui a ouvert cette année à Antalya avec piscines olympiques équipées en capteurs chronométriques dans les murs, caméras sous-marines; stade et piste d’athlétisme; bien évidemment sauna, cryothérapie, etc… Pour ceux qui veulent se joindre à moi, j’y serai en affûtage la semaine d’avant le 70.3 soit du 18-25 octobre. Je vous promets un superbe séjour et une course magnifique ! Merci pour ton intérêt ! À bientôt à Kona !

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