Triathlon Canada en péril? Un budget coupé par 2/3 pour les élites à moins de 6 mois des jeux.

À moins de 6 mois du début des Jeux Olympiques de Rio, il n’y a pas grande place pour la distraction pour les élites canadiens. Malheureusement, cette sérénité est en train de se perdre, puisque Triathlon Canada ne pourra plus garantir le même support aux élites que dans le passé. 

Cela faisait plusieurs mois que les départs et licenciements s’enchainent à la fédération nationale. La démission de son directeur haute performance, Libby Burrell, ainsi que celle de son président, Luc Landriaut, ne pouvaienêtre anodines. D’autant plus qu’elles sont très proches de l’échéance olympique. 

Évidemment et comme toujours, les communiqués de presse se multiplient et se veulent très rassurants, on nous parle d’une institution en évolution et en bonne voie.

En sauveur temporaire, Peter Davis sera nommé comme directeur HP (Haute Performance) intérim. Ce consultant avec plus de 30 ans d’expérience dans plusieurs programmes internationaux se retrouvera devant des faits accomplis. Malgré son intention de continuer le travail de Libby, son champ d’action sera plus que réduit puisque la fédération n’a plus les moyens de ses ambitions. 

Malheureusement, le momemtum n’est toujours pas là puisqu’on a aussi eu la confirmation que le programme fédéral Own the podium/à nous le podium (décideur) a recommandé à Sport Canada (pourvoyeur) de réduire sa dotation à Triathlon Canada. Le budget pour 2016 est tout simplement diminué par deux tiers pour les valides. En contre partie, et grâce au récent titre mondial (P4) de Stefan Daniel, il est augmenté pour les paralympiques.

Cette coupure tardive est clairement vue comme un vote de non confiance face à l’organisation régissant le Triathlon au Canada. Sa capacité à gagner des médailles ne convainc plus les instances. 

Déjà en 2015, TriCan avait du limiter le nombre de postes sur ses équipes nationales et avait fortement diminué le financement des athlètes en développement. Pour les québécois, cela vient de repousser la création d’un centre régional (RTC). Il était d’autant plus désiré que cela aurait été la seule option pour les athlètes francophones de continuer leurs études dans leur langue maternelle. C’était encore plus  justifiable du fait que la moitié des membres des représentants canadiens en U23 et Jr lors des derniers championnats du monde venaient de la belle province. 

Les membres de l’équipe nationale sont donc plongés dans un climat incertain où ils seront probablement forcés de changer dans l’urgence leur environnement d’entrainement afin d’équilibrer leur budget – un athlète élite canadien reçoit un financement de sa province ainsi que de Sport Canada –. 

Malgré tout, cela n’a rien de bon à seulement quelques semaines des courses sélectives pour les JOs. Le centre de Victoria, dirigé par Jonathan Hall deviendrait donc la seule ressource proposée par TriCan puisqu’elle ne devrait plus avoir les moyens de supporter les athlètes à l’étranger. À cela, Guelph devrait être aussi maintenu comme centre régional. 

Dans les faits, Triathlon Canada peut jouer les victimes puisque cette situation intervient brusquement à seulement 6 mois des Jeux Olympiques de Rio. Le programme Own the Podium n’a jamais fait l’humanité puisque sans financement, il devient encore plus difficile pour une fédération de produire des athlètes capables de gagner des médailles.

Si on est pragmatique, les fédérations doivent tout simplement faire leurs preuves. Fait très important, on a appris que Own the Podium avait déjà averti d’une probable baisse de budget en novembre dernier. 

La coupure pour Triathlon Canada est un scénario déjà vu avec d’autres disciplines. Les règles du jeu sont connus, mais pour la stabilité des institutions, malgré l’avertissement, Triathlon Canada n’a tout simplement pas su trouver de réponse… 

On peut déjà émettre que ce futur sous financement aura des conséquences pour ce cycle olympique, mais aussi pour la suite, puisqu’il sera impossible de maintenir certains services et supports pour les élites. L’accession à l’équipe nationale sera nettement plus limitée dans l’avenir et il ne fait aucun doute que les talents émergents seront les grands perdants

Malheureusement, quand on fouille un peu, on se rend rapidement compte qu’on assiste en direct à une organisation en pleine dérive et qui est incapable de stopper sa chute. 

Rappelons les faits, les Jeux olympiques de Londres (2012) seront les pires dans l’histoire du triathlon canadien. Entre les chutes précipitées à vélo de Kathy Tremblay et de Simon Whitfield, Paula Findlay qui nous avait habituée à la victoire sur la série mondiale en 2010 et 2011 terminera tout simplement dernière. On apprendra plus tard qu’elle faisait face à des problèmes d’anémie. À ce niveau, cette découverte est tout simplement inexplicable et remet en question certaines décisions des gens influents dans l’organisation. Plusieurs acteurs seront alors renvoyés ou mis à l’écart de l’entourage, comme Simon Whitfield.

Il faudra alors reconstruire en intégralité cette organisation en redéfinissant le cheminement des athlètes en développement. Le programme « Rising Stars » sera mis en place et la relève réussira rapidement à relever les défis en enregistrant quelques uns des meilleurs résultats de son histoire dans les différents championnats du monde. 

Le plus grand challenge pour Libby Burrell dans cette restructuration sera donc de modifier la culture d’excellence canadienne. Depuis trop longtemps, les différents athlètes sont en opposition entre les autres et refusent de s’entrainer ensemble. 

Pour cela, elle engagera le coach renommé internationalement, Jamie Turner, afin de les réunir et pour offrir un environnement d’excellence mieux adapté à une série mondiale en pleine évolution. Plusieurs athlètes rejoignent son groupe (Tyler Mislawchuk, Amélie Kretz et Alexis Lepage) et leur développement s’accélère et permet d’être optimiste sur un avenir à moyen et court terme (Tokyo 2020). 

D’ailleurs, fin 2013, en plaçant 3 femmes dans le top 5 à Londres (Ellen Pennock, Amélie Kretz et Joanna Brown) au championnat du monde U23 à Londres, avec les récents succès de Sarah-Anne Brault et connaissant le potentiel de Kristen Sweetland et de Paula Findlay, l’équipe féminine canadienne est tout simplement vue comme la nation la plus prometteuse pour l’avenir.

Une réjouissance de courte durée, les blessures se multiplieront, aucune de ces athlètes ne sera en mesure de rester en santé durant la saison. Même si le potentiel est indéniable, les chances de médailles olympiques sont de moins en moins probables. La spirale s’emballe sans jamais ralentir. Lors de la grande finale à Chicago, aucune femme ne sera finaliste. 

Avec du recul, on pourrait dire que la destiné de Triathlon Canada se joue sur quelques détails. Est-il vraiment possible d’attribuer la responsabilité des blessures de ses athlètes sur l’organisation? Face à l’urgence, est-ce que certains ont manqué de patience ? À leur défense, certains vétérans s’entrainent avec des squads ou des coachs qui ne sont pas sous la responsabilité de TriCan. Dans le cas de Kyle Jones on peut clairement parler de malchance puisqu’il se cassera la clavicule en chutant à vélo en début de saison. 

Le programme Own The Podium, qui a justement comme mission d’investir et de privilégier les véritables chances de médailles olympiques a donc décidé de jeter la serviette avec Triathlon Canada. Évidemment, ce programme n’est par parfait, mais il a généralement bonne presse puisqu’il est le grand responsable de la progression olympique des canucks. 

Dans notre cas, la décision de couper les finances à seulement 6 mois des jeux prend totalement de court Triathlon Canada. Les impacts sont multiples, d’autant plus que l’organisation nationale n’était pas prête.

Les athlètes se retrouveront avec moins de ressources à leur disposition et cela devrait rendre nettement plus complexe les développements des nouveaux talents. On peut déjà affirmer que ce sont nos jeunes qui en payeront les conséquences. Impossible d’envoyer un athlète se former aux quatre coins du monde et de lui permettre de se confronter à des plateaux nettement plus compétitifs que ceux retrouvés au Canada. 

De plus, il est indéniable que des coupures majeures dans le personnel devront être faites prochainement.   

Alors, qui sont les responsables sachant que les règles du jeux de Own the podium sont très claires et que les athlètes n’ont pas eu les résultats pour garder ce financement ? Malheureusement, et c’est fréquemment le cas avec les différentes fédérations au Canada, elles sont encore une fois trop dépendante à ce programme et dans les faits, elles sont tout simplement victimes de leur inactions et donc responsable de leur destiné…

Dans les coulisses, on entend certaines rumeurs qui disent qu’en seulement 3 ans, Triathlon Canada est passé d’une structure sur des bases financières très solides, profitant des deux médailles olympiques de Simon Whitfield à une organisation dans le rouge dont la priorité est de garder une bonne image en manquant de transparence. 

Il faut le voir autrement, à l’image d’un investisseur, il ne doit pas se fier sur un seul titre, il doit se diversifier pour s’assurer de faire rentrer de l’argent. Il fallait préparer le post-Simon, ce qui a été indéniablement fait alors qu’il était déjà trop tard et en se basant uniquement sur Paula Findlay. 

Une histoire qui se répète ? Dans le cas de Triathlon Canada, on ne peut pas parler d’une grande stabilité dans son personnel. C’est la 3e fois que son directeur HP démissionne un an avant les JOs. La départ de Libby Burrell sera vu comme un manque de soutien et un manque d’écoute face à une perspective qu’elle voyait déjà venir. 

À cela, il faut ajouter l’annulation de la coupe du monde de Montréal prévue en septembre 2015 qui semble démontrer un manque de professionnalisme, ou encore le fait que Triathlon Canada oubliera de payer les frais d’inscriptions de ces membres au championnat du monde 2016 à temps. 

Entre les hauts et les bas, le nouveau CEO, Tim Wilson, a préféré mettre le cap en développant des nouveaux services pour les groupes d’ages: programme d’assurance, développement d’une série nationale AG qui n’existe pas vraiment, mise en place d’une base de données de membership pancanadienne qui s’avère être un véritable fiasco selon nos sources, et création d’une nouvelle coupe du monde à Montréal. Dans la majorité des cas, Triathlon Canada reprend certaines activités qui étaient déjà très bien effectuées par les fédérations provinciales. Les priorités à la bonne place? Des investissements vraiment nécessaires?

De plus, l’ambition de Triathlon Canada d’ajouter Montréal au calendrier de la série mondiale ITU vient mettre l’événement d’Edmonton en péril. Cette initiative a clairement multiplié les confrontations entre différents acteurs. 

Maintenant, avec ce constat, on peut désormais se questionner si Triathlon Canada a véritablement tout fait pour pour éviter ce scénario puisqu’en étant majoritairement financé par Own The Podium, toute coupure la mettait à risque. 

De plus, les athlètes se retrouvent du jour au lendemain face à un fait accompli. Est-ce que les membres de l’équipe nationale auraient pu multiplier les initiatives individuelles pour être mieux préparés aux coupures ? Sans aucun doute. 

Mais voilà, depuis les JOs de 2012, Triathlon Canada n’a jamais su se faire convaincante pour remplacer Teck en trouvant un nouveau sponsors financier. Est-ce que la fédération a vraiment de nouveaux revenus, est-ce qu’elle a véritablement cherché… Il y a à peine 3 mois, elle soumettait aux fédérations provinciales un sondage en préparation à une initiative pour revoir son image, trop tard. 

Une fatalité?

Dans les faits, il n’y a eu aucune initiative convaincante de la part de la fédération pour développer son image de marque lors de ce dernier cycle olympique. La visibilité des athlètes est pratiquement nulle, il faut se contenter d’un communiqué de presse d’après course. Notre interaction avec leur équipe de communication est tout simplement inexistante. 

Si cela n’était pas suffisant, ses communications sur les réseaux sociaux sont anémiques et continuent d’ignorer ses adhérents francophones. Le sport élite est tout simplement noyé dans la masse des AGs. Pour illustrer ce désenchantement, TriCan ne développe plus de bulletin pour parler de ses activités, elle préfère se reposer sur une collaboration (qu’elle paye) avec Triathlon magazine Canada (compagnie privée).  

Il suffit de comparer avec les activités des autres fédérations de triathlon pour juger son manque de dynamisme. Au Canada, certaines fédérations qui ont déjà été dans cette situation dans le passé sont retournées à l’action depuis très longtemps. Ski Alpin Canada ou encore Athlétisme Canada ont leur propre programme de donation qui offre même une déduction d’impôts. 

Triathlon Canada est donc dans une situation où l’on peut déjà s’interroger sur sa capacité à se relever, mais avant tout, ne faut-il pas aussi se questionner sur les membres du CA qu’ils n’ont pas été en mesure de stopper la chute de la fédération ?

Tout cela n’est pas arrivé du jour au lendemain et inévitablement, cela aura un véritable impact sur notre sport. Notre sport a disparu de la télévision et le manque de visibilité de nos élites ne changera pas la donne. 

Est-ce qu’il est encore possible de se relever ? Pour cela, il faudra peut-être que Triathlon Canada fasse preuve de plus de transparence en avouant ses difficultés… 

P.S.: On fait juste notre rôle de journaliste… Pour les élites, rien n’est impossible, le chemin sera juste plus compliqué.

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