Maxime Hueber Moosbrugger se fait trimer > L’Hueber cheminement

À l’image de Cassandre Beaugrand, Maxime Hueber Moosbrugger est l’un de ces triathlètes qui dépassent la demande en course à pied et qui peut se permettre de jouer sur les deux tableaux. Entre titres, médailles et sélections en équipe de France en Cross, ces succès étonnent et interrogent. Un nouveau modèle de développement à suivre ou impossible à répliquer? On s’est donc entretenu avec l’actuel champion de France Junior pour faire la lumière sur son cheminement. 

Commençons par le début, j’ai cru comprendre que tes parents t’ont rapidement initié au sport…

J’ai commencé le sport très tôt, je suis monté sur un vélo pour la première fois à 3 ans et j’ai tout de suite accroché. Je faisais des sorties VTT les week-ends avec mes parents, mais toujours en loisir. En primaire, j’ai pris une licence dans le club de natation à côté de chez moi et nageais 3 fois par semaine. C’est seulement au collège à l’âge de 13 ans que j’ai pris ma première licence d’athlétisme un peu par hasard, c’est avec l’athlétisme que tout a vraiment commencé.

Ce n’est pas tout le monde qui se fait solliciter, à ce moment-là, as-tu eu le sentiment d’avoir hérité d’un talent inné?

J’ai toujours pris le sport comme une passion. Bien sûr, j’aimais l’esprit de compétition, mais ce qui m’a poussé à faire du sport, c’est la bonne ambiance qui régnait autour de moi, que ce soit à la piscine, sur le stade d’athlé ou lors des sorties VTT en forêt avec les potes.

Alors que tu courrais déjà en cross scolaire, tu te fais inviter en 2011 à essayer le triathlon. Peux-tu nous dire comment cela s’est effectué, qui a fait cette initiative?

C’est lors du cross national scolaire que tout a vraiment commencé. J’étais minime 2 et c’était mes premiers « France ». Je finis 3e de ma course au sprint avec les 2 premiers. Pendant le retour en bus organisé par la région, un responsable de section sportive de triathlon de la région, Jean Claude GAST,  m’a félicité et m’a un peu questionné sur mon parcours. Au moment où je lui ai dit que je nageais en club et que je faisais du vélo, il a eu un grand sourire et a commencé à me parler de triathlon. Il m’a donc proposé de prendre une licence dans son club, le Trimoval Molsheim. Mais moi, je n’étais jamais monté sur un vélo de route et ça ne m’inspirait pas trop! Je préférais mon VTT avec des gros pneus bien stables.

Quelques semaines plus tard, mon futur entraîneur, David DENNI m’a contacté et m’a proposé de faire le duathlon de sélection pour les France. J’ai finalement accepté et gagné la course.

Et finalement, malgré que cela soit ta première année, tu finis avec le titre national en duathlon et en triathlon. On évoquait justement le talent, mais gagner aussi rapidement dans un nouveau sport, cela doit faire réfléchir, non?

J’ai effectivement gagné ces deux championnats de France. Certes j’avais pris ma première licence de triathlon deux mois avant, mais j’étais sportif depuis bien plus longtemps que ça! Cela faisait plus d’un an que je m’entrainais sérieusement avec mon coach d’athlé, qui est toujours mon coach d’athlé d’ailleurs. Il y a une part de talent peut-être, mais le talent n’était pas la seule raison de ma performance ces jours-là.

La distance de course très courte a du m’aider également, car je n’étais pas un bon nageur, mais mon niveau a suffit à ne pas couler et sortir convenablement pour ne pas a devoir fournir un effort trop conséquent sur le vélo pour revenir sur la tête de course. En course à pied, j’étais dans mon élément, j’avais déjà une stratégie de crossman. Cela m’a beaucoup aidé pour gagner ces courses.

Tu remportes tout de même les championnats de France de cross en 2012 et en 2013, est-ce que cela a mis le projet du triathlon en péril?

Je ne pense pas. D’ailleurs, dans les deux cas, j’ai passé la semaine avant la course en stage de triathlon (IATE). J’avais une double casquette, celle de coureur et de triathlète. Et la planification des deux sports ne se chevauchait pas vraiment, j’ai  continué à faire du cross en hiver et quelques compétitions sur piste l’été. Les compétitions en triathlon ne constituaient qu’une petite partie de mes compétitions annuelles.

On peut presque s’attendre à ce qu’il y ait un combat entre les deux fédérations, mais cela n’est pas vraiment le cas non?

Aujourd’hui je me considère comme un triathlète qui fait pas mal de courses d’athlétisme, principalement des cross. Ma première sélection en équipe de France c’était en triathlon. Aux yeux de la fédé d’athlé je suis un triathlète qui cours plutôt bien, pas un athlète qui s’est mis au triathlon par la suite. J’avais essayé de me qualifier pour les championnats du monde cadets sur 3000m, j’étais à 6 secondes des minimas et je n’ai pas été pris. En triathlon j’ai plusieurs sélections assez tôt, c’est donc un peu naturellement que je me suis dirigé vers le triathlon qui m’offrait plus de possibilités.

Le seul point de conflit qu’on peut avoir entre les fédés c’est le cas ou 2 compétitions se chevauchent (Quarteira – Mondiaux de cross en 2015). Mais de mon point de vue, les deux fédérations font preuve de bon sens et s’entendent plutôt bien. Le nombre de triathlètes en équipe de France de cross peut en témoigner.

Encore à ce jour, tu es en mesure d’être très compétitif dans les 2 sports, as tu l’impression qu’il te faudra choisir prochainement?

Le choix s’est déjà fait, je ne m’investirais pas autant en natation pour au final ne pas nager en compétition! Ce n’est pas pour autant que je ne me sens plus coureur. Je prends beaucoup de plaisir à faire les cross qui constituent mes seules compétitions de la période hivernale. En été les meetings d’athlé me permettent de bien préparer la partie pédestre de mes triathlons. Les triathlètes doivent aussi savoir courir très vite, on l’a bien vu avec Vincent LUIS au dernier Championnat de France de cross!

Cassandre Beaugrand est d’ailleurs dans une situation très similaire, est-ce que vous vous en parlez?

On en a déjà parlé, on a fait toutes nos sélections en équipe de France de cross ensemble, c’est bien d’être plusieurs triathlètes dans un collectif d’athlètes, ce n’est pas courant d’avoir des athlètes qui vont nager la veille d’un championnat du monde de cross!

Les compétitions d’athlé sont différentes que les triathlons, pour ma part faire une compétition sur un stade d’athlé est plus stimulant qu’un tri, t’es tout le temps observé et encouragé, le plus impressionnant reste les interclubs d’athlé! Ça permet aussi de voir d’autres personnes, de se confronter à des athlètes purs.

Mais j’imagine que cette double personnalité a aussi certains avantages, l’accumulation des événements internationaux permet d’acquérir, d’apprendre et d’appréhender au mieux ce type d’événement, non?

Bien sûr! Les courses d’athlétisme peuvent être très tactiques, ou au contraire être très rapides et à ce moment-là il faut savoir s’économiser au mieux dans sa course. Le plus formateur à mes yeux reste le cross. Tu peux te confronter à tout le monde, des coureurs de 1500m qui auront un finish d’enfer, des coureurs de 10000m qui imposeront un rythme d’enfer, et c’est dans toutes ses situations ou tu repousses tes limites que tu te forges un mental d’acier qui peut faire la différence sur un triathlon.

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Mais en contrepartie, l’accumulation et le besoin d’être longtemps à son meilleur niveau durant l’année comportent aussi des risques, non?

Il faut savoir gérer et savoir mettre des priorités. Tout est une question de dosage. Faire du cross quand t’es en période hivernale, aucun problème, c’est même bénéfique, ça permet de ne pas tomber dans la monotonie et d’avoir un objectif quand t’es à l’entrainement.

Le plus délicat reste la saison estivale durant laquelle je n’ai plus aucun objectif en athlétisme, car je risque plus de me blesser qu’autre chose. Les compétitions que je ferai seront donc là pour m’emmener jusqu’à mon meilleur niveau pour le jour J en triathlon.

Évidemment, avec tes performances en course à pied et vu le développement du sport, on imagine que les attentes sont très grandes en triathlon. As-tu l’impression que les attentes sont plus grandes encore pour toi?

Je ne pense pas que les attentes soient plus grandes pour moi. En tout cas ce ne sont pas les attentes qui vont me faire progresser. Je me focalise plus sur la façon dont je m’entraine, je suis encore jeune, 2016 sera ma première vraie année avec les séniors, je ne veux pas me mettre de pression pour rien, je fais de mon mieux pour arriver au plus haut niveau, il faut y aller étape par étape.

Cross training avec Cédric Oesterlé
Cross training avec Cédric Oesterlé

Peux-tu nous parler de ton environnement d’entrainement? Où tu t’entraines, qui sont tes coachs

Cela fait bientôt deux ans que je m’entraine à Mulhouse. C’est un lieu qui me convient très bien, j’ai su trouver les bonnes personnes pour m’accompagner, j’ai un très bon staff médical, de nombreuses infrastructures.

Pour l’entrainement, je suis rattaché à la section sportive de triathlon avec laquelle je partage des entraînements. Je nage également avec le Mulhouse Olympique Natation, cela me permet d’être tiré vers le haut. Pour mes entraînements de cap et de vélo, j’ai pas mal de partenaires d’entrainements, ça passe de membres de mon club de triathlon le Mulhouse Olympique Triathlon pour les footings jusqu’à des cyclistes pour les séances vélo. Je m’entraine régulièrement avec mon partenaire de club Cédric OESTERLE ainsi que Guillaume JEANNIN.

J’ai plusieurs coachs qui passent pas mal de temps à discuter ensemble pour optimiser ma planification d’entrainement, mon calendrier de course …

Mon coach d’athlé, Hamid El FATNI, m’entraine depuis maintenant 7 ans. C’est avec lui que j’ai commencé la compétition en athlétisme. Il a su s’adapter depuis que je me suis mis au tri, et continue à me suivre pour la partie pédestre que ce soit pour l’athlé ou pour le tri.

Mon coach de triathlon, Hugues SCHILDKNECHT. C’est lui qui s’occupe de ma planification avec Hamid, il choisit le thème de chaque entraînement en course à natation et en vélo, mais ne donne pas le contenu.

Celui qui s’occupe du contenu des séances, c’est Vincent REMY. C’est lui qui m’entraine sur le terrain. Il est les yeux du groupe.

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Maxime avec Vincent Remy

À cela s’ajoute, en lien avec le CREPS de Strasbourg, un préparateur physique, un ostéo, un kiné, un médecin du sport. Enfin, l’ensemble du dispositif est coordonné par Nicolas GERBER.

Tu es l’un des très rares athlètes de l’équipe de France qui n’est pas en STAPS. Dans ton cas, tu as choisi le cursus IUT en génie électrique. Est-ce que tu as tout de même une certaine curiosité à comprendre le processus en termes physiologiques?

Je fais des études au DUT GEII (Génie électrique et Informatique industriel) de Mulhouse qui est plus en accord avec mon projet professionnel que STAPS. Je le fais en 4 ans contre 2 ans pour les autres étudiants. Cela me fait un volume hebdomadaire de 15h de cours maximum, ce qui me laisse le reste du temps pour me consacrer au triathlon.

Bien sûr, je m’intéresse en général à tout ce qui touche à mon sport, de la physiologie du corps à l’équipement en passant par la nutrition, la récupération.

Est-ce que ton entrainement pour la course à pied est vraiment très différent que tes collègues en équipe de France (athlétisme), que cela soit en terme de volume à pied, mais aussi lors de tes séances de vitesse?

En fait c’est plutôt l’inverse. Hamid, mon coach d’athlé m’a toujours entraîné à sa façon, comme un athlète. Il m’est souvent arrivé de ne pas avoir les mêmes séances que d’autres triathlètes en équipe de France de triathlon, en général mes séances sont plus axées sur de la vitesse.

As-tu l’impression que tu as pu transporter certains savoirs/cultures de la CAP au triathlon? 

Oui, enfin je l’espère. La façon dont je m’entraîne en course à pied est différente de la façon dont un entraîneur de triathlon entraine ses jeunes en course à pied. Le fait d’avoir un coach dédié à chaque discipline a fait ma force. Je m’en suis aperçu au cours du temps en voyant les séances à pied que proposaient certains entraîneurs de triathlon. Un coach de triathlon n’aura pas forcément le même point de vue sur la course à pied qu’un coach d’athlé. C’est la même chose pour les 3 sports. Personnellement, pour continuer à bien progresser dans les 3 sports, je les traite individuellement. La nat comme un nageur, le vélo comme un cycliste et l’athlé comme un athlète. Ça me pousse à donner le meilleur de moi même à chaque entraînement.

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Est-ce que tu avais beaucoup changé ton entrainement en comparaison à 2014 où tu avais déjà pris part au Championnat du monde?

Depuis septembre 2014, donc juste après les championnats du monde, j’ai déménagé sur Mulhouse où je m’entraine actuellement. J’ai donc changé d’entraineur de triathlon, mais le plus grand changement a été l’environnement dans lequel je m’entraine. J’ai pu aménager les cours en fonction de mes entraînements, les infrastructures sont mieux adaptées à la pratique du haut niveau avec des bassins olympiques, une piste d’athlé, un centre médical et une université le tout regroupé au même endroit. Ça a été un nouveau départ pour moi. Avec mes entraîneurs, on a pu augmenter très progressivement mon volume d’entrainement pour me préparer au passage sur format courte distance.

Parlons de 2015, j’imagine que toute ta saison tournait autour des championnats du monde de Chicago, non?

Pas forcement, j’avais plusieurs objectifs importants tout au long de la saison. Les Europe de triathlon à Genève, la coupe d’Europe de Madrid, les Grands Prix. Toutes ses courses étaient marquées en rouge dans ma planification. Le plus important était d’arriver en forme sur ces courses, de progresser et d’être régulier. Si tout se passait bien le championnat du monde de Chicago était que l’aboutissement d’une saison, et bien sûr, j’avais à cœur de bien la finir !

chicPeux-tu nous parler des leçons que tu as tirées de ces championnats, j’imagine que tu voulais mieux

Je n’ai pas de regret sur ce championnat. Les conditions de courses ne m’ont pas perturbé mentalement, j’étais prêt et ça, je le savais. J’ai donc pris le départ de ce duathlon avec l’envie de réussir, je ne me suis pas posé de question. Malheureusement pour moi j’ai eu des crampes aux 2 mollets en toute fin du parcours vélo. Je finit comme je peux à une anecdotique 13e place. Sur la ligne d’arrivée, c’est sur que j’étais déçu, mais en y repensant plus tard je ne pouvais pas m’en vouloir, j’avais tout fait pour réussir cette course, j’étais prêt le jour J, donc j’ai plus été content de ma préparation que du résultat final, mais cela reste pour moi une bonne expérience.

Tu as eu la chance de te reprendre, en quelque sorte au championnat européen à Hyères, j’imagine que cela devait être important pour toi.

Je n’ai pas vraiment fait de lien entre les mondes de triathlon et les Europe de cross. Ce n’est pas la même discipline. Ce qui était plus important pour moi était de montrer que j’avais bien ma place dans cette équipe de France de cross junior, car l’année d’avant je n’avais pas fait une bonne course. Cette année on visait l’or par équipe, on était vraiment tous soudés, on s’appréciait tous dans ce collectif, ça m’a fait du bien de courir ce championnat, j’avais la rage de réussir, un peu comme au Championnat de France de cross en mars cette année.

Tu passes en U23 l’année prochaine, est-ce que cela impliquera des changements importants pour toi?

Au niveau de l’entraînement pas vraiment. J’ai déjà pris en compte le passage en U23 l’année dernière. Avec les entraîneurs on augmente le volume d’entrainement progressivement tous les ans pour que mon corps l’accepte du mieux possible. Cela prend du temps et chacun ne réagit pas de la même façon à un volume d’entrainement important. Pour ma part, je me fie beaucoup au ressenti. Je privilégierais plutôt de faire une très bonne séance et un entrainement de récup plutôt que de faire deux séances moyennement réussies.

Que faut-il te souhaiter pour 2016?

De ne pas me blesser et de garder cette envie de faire ce sport qui me motive à me lever tous les jours. Si tout va bien, la performance viendra d’elle même.

Photo couverture » Pierre Lehair

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