Cedric Lassonde, 4e à Norseman nous raconte son périple.

A partir de début novembre, date à laquelle la liste des athlètes est annoncée, la prépa pour le Norseman commence. Race manual à lire et relire et relire pour être fin prêts le jour J de cette course mythique.

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Du coup on a le temps de rêver à cette fameuse ligne d’arrivée au sommet du Gaustatoppen pendant 9 mois. Qui dit Norseman dit support team. On ne fait pas la course seul comme sur un banal ironman. L’équipe qui nous accompagne tout au long de la journée est là pour nous ravitailler, cajoler, crier dessus, pour nous changer les couches aussi !

C’est là un des aspects primordiaux qui rendent cette course si spéciale. Après il y a le parcours (paysages uniques, eau froide, 5 cols à vélo avec un dénivelé de 3360m, et surtout une course à pied de ouf avec pour finir les 12 km de Zombie Hill à 10% de moyenne, et 5km à crapahuter sur les rochers pour rejoindre la ligne d’arrivée à 1883m d’altitude).

Et bien sûr une météo le plus souvent hostile. Une journée in-ter-mi-nable. Cette année c’était mon tour, grâce à une place acceptée en élite (sinon il faut passer par une loterie pour espérer faire partie des 250 “chanceux” sélectionnés). Je commence par un avion raté, et un vélo perdu qui n’arrive pas avant la veille de la course. Bien besoin de ça. Mais bon on est là pour aller chercher le t-shirt noir et rien ne va nous arrêter.

Avec une eau à13ºC on n’est pas si mal cette année. En fait c’est le seul moment de la journée où je n’aurai pas froid. A nager dans les fjord ! Après un réveil à 2h, on dépose le vélo à T1 juste avant d’embarquer dans le ferry à 4h. Un peu de stress supplémentaire, les patins de freins qui frottent, impossible de régler, bon tant pis il faut y aller. 1 heure de bateau pour nous amener au fameux ‘jump’ dans le fjord d’Eidfjord (sic).

3 toilettes dans le ferry pour 250 triathlètes, faire la queue va occuper tout le trajet. Enfin il est l’heure de sauter. Ayant nagé la veille avec mes chaussons et mon bonnet thermal, la partie aquatique ne me fait plus peur. Je me place en 1ere ligne et me retrouve en tête pendant le premier kilomètre, believe it or not. Pas de gros nageurs ici !

L’eau n’est pas si froide mais le courant est contre nous et il y a des vagues. La fin est interminable, mais après pas mal d’efforts je sors de l’eau dans le groupe de tête. Du jamais vu ! Par contre je suis perclus de crampes et cela sera un calvaire pour me relever et pour la transition qui s’ensuit.

T1 sera une vraie comédie, j’avais décidé de me changer intégralement pour une tenue de cycliste mais je ne peux rien faire seul. Silvia doit tout faire. On enfile le cuissard à l’envers, je me retrouve à poil 2 fois (heureusement on est en Scandinavie, ça ne choque personne ici), ni les chaussettes ni les manchons ne veulent s’enfiler etc. Bref il me faut bien 5 min pour enfin monter sur mon vélo (mes collègues sont partis depuis bien 2-3 minutes). 88e temps à T1, bravo. Sur le vélo je me sens bien.

Les muscles sont bien réveillés, forcément. 10km de plat puis c’est 1200m de montée en 25km. Quelques tunnels bien noirs (les lumières sur le vélo sont obligatoires), des passages à 8-9%, sinon c’est plutôt roulant, le genre de col que j’aime bien. Malgré moi je me retrouve à ne pas respecter les plans de prudence et à rouler assez fort (il faut savoir que je n’ai pas de capteur de puissance). Du coup je rattrape les gars partis devant moi et passe le sommet en tête de la course.

Même si je ne le savais pas sur le moment, c’est -encore une fois- du jamais vu ! Par pour longtemps cependant, ma support team m’arrête peu après pour me couvrir. Rain jacket, overshoes etc. Eh oui on est sur le plateau maintenant, il vente, il pleut, il fait 5ºC, on est dans le brouillard et je ne vois absolument rien. 60 km de faux plats descendants dans ces conditions, ça va être long et je vais regretter mon choix de cassette (13-27).

Un pignon de 12 m’aurait bien aidé ! Enfin le 2e col arrive, puis le 3e, puis le 4e. Je repasse le vainqueur des 2 dernières éditions (Allan Hovda) qui semble galérer dans les côtes, et me retrouve en haut du 4e col avec le futur vainqueur en point de mire (Lars Petter Stormo). Puis ce qui devait arriver…arriva, je paie mes efforts du début, le dernier col (le plus dur) est un calvaire (du coup j’apprécie mon pignon de 27 !), la pluie froide qui redouble m’achève et la fin du vélo (25 km de descente) est pour le moins pénible.

La 2e transition sera encore pire que la première, je suis tout crampé et frigorifié, et j’y passe plus de 5 minutes ! Je ressors 6e ayant perdu beaucoup de terrain, mais au moins je suis sec (tant qu’à faire !). De plus on est dans la vallée et, miracle, il a cessé de pleuvoir. Par contre mon pied droit me fait souffrir, une douleur nerveuse sous les orteils qui me handicape de façon intermittente depuis plusieurs mois. On commence par 25km de plat, je me cale sur un rythme normalement facile (14km/h), mais facile je ne le suis pas. Gros coup de bambou entre le 18e et 24e même, petite hypo a priori.

Au 25e je récupère mon frangin qui va m’accompagner en courant jusqu’à l’arrivée (c’est autorisé). Ça tombe bien, il n’y a plus de plat et on est au pied de Zombie Hill. Une montée terrible sur la route qui n’est pas sans rappeler celle de l’Alpe d’Huez. sauf qu’ici on est à pied. On court, pas vite, mais au moins on court. Mon pied me fait de plus en plus souffrir, mais finalement je ne suis pas cramé. La présence de mon frère change tout et je prends même du plaisir ! Je retrouve toute mon équipe de supporters au fil de la montée, ma copine, mes parents, ma nièce, ma belle soeur et le saint Esprit…tout le monde est là et je sais que la (ma) course est déjà gagnée.

Au niveau classement on est remonté à la 4e place, et même bien revenu sur la 3e. Enfin on arrive au km 37.5, la route se termine et on attaque la côte finale dans les caillasses. Le sommet est invisible et le restera jusqu’aux derniers mètres. On (Fabien surtout) court un peu, on marche beaucoup. J’apprécie le moment. Il y a des touristes partout, la plupart nous encouragent en norvégien (‘aya aya’, l’équivalent local du ‘allez allez’ j’imagine).

Je pense finir tranquille, à tel point qu’on a même pris le temps pour des photos…jusqu’à ce que je me retourne et vois non pas un mais 2 concurrents pas loin derrière. Pire, ils courent ! Tout ça à cause de Silvia qui a ravitaillé l’un d’eux à l’agonie dans Zombie hill… Le sommet ne devrait pas être loin, mais on ne le voit toujours pas! Mon frère me tanne, je me plains, mais on pousse et la délivrance arrive. Ça y est on est en haut du G.A.U.S.T.A.T.O.P.P.E.N. !

Jamais une ligne d’arrivée n’a été autant bénie ! Je suis aux anges et tombe dans les bras de Fabien. Les 5e et 6e arrivent dans la minute qui suit. Plutôt serré après près de 11 heures de course. La fameuse soupe de tomate servie aux finishers a le goût de caviar. Bonheur total! Les 3 premiers sont Norvégiens. Le vainqueur est arrivé 34 min avant moi en battant le record datant de 2012 de Henrik Oftedal, le 2e de ce jour.

Tous 2 en sont à leur 4e et 5e Norseman et s’entrainent dans le coin. Ça doit énormément aider à gérer sa course, et notamment dans la partie finale connaitre la trace la plus directe est un avantage certain. Peut-être pourrai-je jouer la gagne dans 4 ans (sic) ?! En plus je perds 8 minutes en transitions sur le 3e…qui n’était qu’à 3 minutes devant moi au Km 32.5…Quoiqu’il en soit ce fut une expérience épique, inoubliable, comme peuvent l’être l’Embrunman ou l’Alpe d’Huez LD. Le triathlon dans toute sa splendeur !

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