Post-Rio > Henri Schoeman, le chemin à part vers le bronze olympique.

Entre spécialistes, on se dit bien malin celui qui avait vu Henri Shoeman décrocher la médaille de Bronze à Rio. Étant donné qu’il n’est jamais monté sur le podium d’une série mondiale et qu’il n’a pas non plus marqué les esprits chez les Juniors et les U23, personne n’avait décelé le profil d’un futur olympien.

Retour sur le passé, Henri a terminé 51e au championnat junior (Budapest), 41e en U23 à sa seconde saison dans la catégorie (2012). C’est le style de résultat qui aurait pu mettre fin à un désir d’une carrière internationale.

13932662_1179671062076547_727274287833859583_nUne histoire de famille. 

Issu d’une famille de sportif, son grand frère avait participé aux Jeux olympiques de 2008 et 2012 dans le 400 mètres 4 nages. Même si les premiers amours de Henri étaient aussi en natation, il ne se prive pas pour essayer d’autres sports comme le cross country et le surf livesaving. Sans véritable attente, il gagne le titre de champion national de triathlon en 2008 et 2009. C’est d’ailleurs cette année-là qu’il décide de faire la transition de la natation au triathlon.

Même s’il pouvait profiter de l’expérience de son père, Joe Schoeman, qui était un excellent coureur privé d’une carrière internationale à cause de l’apartheid, Henri subit 3 fractures de stress. Cela ralentit son développement.

Si cela n’est pas assez, le Sud africain est aussi victime d’une chute de VTT en 2011. En conséquence, ses résultats sur la scène internationale n’ont rien de probant.

Pourtant, en 2013, sa fédération lui fait tout de même confiance et lui permet de courir les séries mondiales. Henri progresse course après course, 42e à San Diego, 6e à Yokohama puis 4e à Kitzbuhel avec ce fameux format incluant un col alpin et qui est resté comme l’étape permettant de juger de la véritable force des athlètes à vélo. Cela reste sa meilleure saison.

L’indécision. 

Henri a alors commencé à intéresser les autres athlètes. Face à des Brownlees dominant, pour 2014, Javier Gomez invite plusieurs athlètes à se joindre à lui pour partager ses entrainements. Les Squads internationaux sont alors très à la mode. Pour Henri, qui est habitué à s’entrainer à l’écart en Afrique du Sud, il y voit une occasion d’atteindre un autre niveau.

Si Henri profite de l’opportunité de partager ses entrainements avec des athlètes compétitifs et de limiter les voyages en se basant en Espagne, cela aura un prix.

Les volumes d’entrainements ne seront pas adaptés pour lui. De plus, il y a une certaine attente envers lui. Sortant généralement dans les premières places de la natation, le Sud africain se retrouve dans l’échappée. Gomez voit en lui une sorte d’aide. Ses adversaires voient en lui une sorte d’équipier.

Réputation.

Difficile de réellement savoir ce qui est le problème avec le Sud-Africain, mais il ne semble plus être en mesure de bien courir après le vélo. Est-ce que c’est vraiment le cas? On apprend plus tard qu’il est tout simplement blessé pendant toute la première partie de l’année. Cela correspond d’ailleurs à l’époque ou Javier Gomez avait commencé à augmenter significativement son volume en course à pied pour répondre à la surenchère des Brownlees.

Sans connaitre tous les faits, Schoeman se fait une réputation de ces fameux nageurs qui ne peuvent donner suite à leur effort. Certains disent qu’ils roulent très forts dans les deux premiers tours et qu’on ne le voit plus après. On voit en lui un athlète limité.

Fin 2014, il gagne pourtant sa première coupe du monde en Asie.

Le conflit…

L’Afrique du Sud peut compter sur trois personnalités fortes, soit Richard Murray, Wian Sullwald (ancien champion du monde junior) et Henri Shoeman. Face à une saison presque décevante en 2014, la fédération est maladroite et semble vouloir fonder tous ses espoirs vers Richard Murray. Dans le milieu, on dit qu’elle va proposer à Henri le rôle de domestique pour Murray. Il refuse et en conséquence, il subit des coupures dans son support.

Henri devient l’homme à part. Il décide de quitter le groupe de Gomez pour retrouver son père et surtout se baser en Afrique du Sud. Alors que les autres athlètes préfèrent se rassembler dans des places stratégiques pour des aspects logistiques, Henri reste chez lui, proche des siens.

Cette solution semble fonctionner, il prend une belle 6e place à Auckland en 2015 sur un parcours vallonné où il est impossible de se cacher. Les résultats s’enchaînent, mais il ne réussit toujours pas à rentrer dans le top 10. C’est finalement à Stockholm qu’il s’en rapproche avec une 4e place. Mais dans l’analyse, on attribue ce résultat à la dynamique de la course.

Henri Schoeman est pourtant bien en progrès dans sa course à pied et gagne en régularité.

Vengeance?

En 2016, lors du championnat d’Afrique, un dossard olympique est en jeu. Murray et Schoeman ayant déjà leur dossard, Wian Sullwald se doit de gagner la course pour l’obtenir. Alors qu’en Australie, une tactique collective est utilisée pour aller chercher le 3e dossard, Henri Schoeman refuse ce scénario et prive Wian Sullwald d’une victoire qui lui aurait permis d’aller aux JO. Les athlètes ne diront rien, mais certains voient dans cet acte une sorte de vengeance.

En contrepartie, Henri n’est toujours pas assuré d’obtenir sa sélection. Sa 7e place lors de Yokohama ne laisse pas le choix aux sélectionneurs de le retenir.

Henri prend alors une pause et revient pour les deux dernières WTS avant Rio. Terminant 26e à Hambourg, on oublie à nouveau celui qui avait réussi à courir avec les meilleurs. Il s’était fait doubler dans les mètres de la série mondiale de Cape Town par Pierre Le Corre.

Tout se passe à Rio. 

La semaine de la course, Henri est embêté par une infection au niveau de la poitrine. C’est seulement mardi, soit deux jours avant la course qu’il reçoit le feu vert des medecins. Comme convenu, il nage avec la tête et réussit à survivre aux rythmes infernales des Brownlee à vélo. Schoeman n’est pas réellement vu et personne ne semble s’inquiéter de lui.

La course à pied démarre, les Brownlee imposent le rythme et lorsque Vincent Luis décide de les laisser partir, Schoeman est là. Sur un pas régulier et ne cherchant qu’à gagner la médaille de bronze, il rejoint la ligne en 3e place et résiste à l’incroyable retour de Richard Murray. La situation est très ironique sachant que sa fédération voulait le mettre à ses services.

Les leçons de Henri…

Henri n’est pas dans un squad international.
Henri n’avait pas eu un bon résultat lors du test event 35e.
Henri n’a pas de passé impressionnant chez les junior et U23.
Henri n’a pas de coach spécialisé en triathlon
Henri est basé en Afrique du Sud tout le long de la saison.
Henri a su réussir même si la fédération ne croyait pas en lui.
Henri a obtenu sa qualification en mai.


Photo par Quitterie Lanta. 

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