L’affaire Arnaud Papillon > Gestion de crise 101 par Gilles Morneau

Arnaud Papillon - la pointe de l'iceberg chez Crocs-Louis Garneau
Arnaud Papillon - la pointe de l'iceberg chez Crocs-Louis Garneau

Il y a un truc qui me dérangeait quand je faisais le tour des Interwebs dans le but de satisfaire ma curiosité entourant l’Affaire Arnaud Papillon®.

Je n’arrivais pas trop à identifier de quoi il s’agissait. Certes, certains me diront qu’il s’agit simplement d’un déjà vu, ce n’est que « par for the course » en cyclisme, que c’est triste d’être assis aux premières loges pour assister à la descente aux enfers sportifs d’un autre jeune athlète qui n’a pas encore atteint son plein potentiel. Notre mémoire collective a t-elle déjà oubliée l’Affaire Geneviève Jeanson®, qui – rappelons le – date seulement de 2007?

Tient, cette citation me semble drôlement familière :

Je savais que ce n’était pas bien. Je me suis fait prendre dans l’engrenage. Je ne savais pas quoi faire, je ne savais pas comment m’en sortir […]

Et n’oublions surtout pas la cerise sur le sundae à saveur de « tear jerker », version Jeanson :

Ce qui fait le plus mal, c’est d’avoir menti aux gens qui me croyaient.

Ces citations vous semblent familières?

Papillon n’avait que 18 ans quand Jeanson vidait son sac au journaliste de l’émission Enquête, mais sa mémoire de jeune homme semble avoir bien enregistré le modus operandi.

Bref, c’est grâce à la plume et au ton très juste de notre confrère Gilles Morneau que je suis parvenu à mon moment Eureka! Morneau, rédacteur des excellentes Chroniques de Gilles, dresse un portrait triste, mais très juste de la chronologie et de la méthodologie qu’utilisent les athlètes qui se voient confrontés à un résultat de test anti-dopage positif.

Morneau souligne habilement ici l’efficacité de la machine de gestion de crise (ça sent la firme de relation publique à des kilomètres) entre le discours d’aveux de Chris Sheppard, cycliste déchut en 2005 suite à un contrôle positive et celui de Papillon d’il y a deux jours. Trimes.org reproduit pour vous cet extrait :

Dans un exercice qui prend des apparences de traduction simultanée, replaçons dans le bon ordre les extraits du texte d’Arnaud en français, et ceux de Chris en anglais.

Arnaud : Je ne nie pas le geste que j’ai posé et j’en assume l’entière responsabilité.
Chris : First and foremost I have to say that I cheated. Point blank.

Je reconnais avoir commis un geste inacceptable et je le regrette.
There is no justification for what I have done. All I can say is I AM SORRY.

Je m’excuse pour la déception que je cause à ceux qui m’ont fait confiance, notamment mes proches, mon entraîneur et les membres de mon équipe.
I am sorry to those I have cheated. I have let down my girlfriend, family, friends, sponsors, fellow racers, and National team supporters.

Je tiens à préciser que c’est depuis peu que le dopage a pris place dans ma vie.
I can only say that I have never doped (…) The irony in it all was the fact that I was tested the first day I did it.

Après de multiples déceptions, j’avais pratiquement tout abandonné.
As my poor racing and training continued I lost hope. I started my descent into desperation and depression.

J’ai essayé de réorienter ma vie mais mon amour pour ce sport était plus grand.
I was so passionate about something I would risk my life to keep it instead of moving on. That is how the top can blind you. How a love so strong overwhelms judgment.

Après de multiples confrontations éthiques avec moi-même, j’ai faibli.
my mind weighed the positives and negatives (…) It was at this point that I chose to do what I did.

Je devrai vivre avec cette réalité et les apprentissages qui en résultent pour le reste de ma vie.
I have jumped off a cliff with no way of stopping my fall.

Cette similarité vient du fait que les agences anti-doping se trouvent dans l’obligation légale d’avertir les athlètes concernés plusieurs semaines, voir mois, avant de faire l’annonce publique, d’un contrôle positif.  Ceci explique que l’annonce de Papillon fait les manchettes plus deux mois après que le CCES ait prélevé l’échantillon lors des Championnats Canadien en juin 2011.

Communiqué de presse de Papillon? Déjà rédigé!  Communiqué de Presse de la CCA? Déjà rédigé! Communiqué de presse de Louis Garneau? Déjà rédigé.  C’est comme si une grande main médiatique invisible avait appuyée sur le gros bouton rouge « facile » des pubs de Staples/Bureau en gros.

Mais la pièce de résistance de la chronique de Gilles est de loin le passage suivant :

La morale de tout ça (ça fait drôle de parler de morale, hein?), c’est que, en situation de crise, pour émouvoir le peuple, il faut faire preuve de « franchise », ça marche à tout coup. Alors que la véritable franchise, ce serait de dire « Ben oui, shit, me suis fourré dans mes doses, pourtant, taboire, j’ai été testé par le passé pis je m’en étais tiré facilement. Je me suis fait pogner, mais pas grave, je serai de retour clean (ou en faisant plus attention à mes doses) dès la fin de ma suspension.»

Bref, je vous invite à lire la chronique intégrale et de bien vouloir y faire référence dans les prochains jour, car les médias risquent de vous saouler avec du sensationnalisme.

Au moins les médias parleront de sport (autre que l’état de la commotion de Sydney Crosby) – même si ce n’est pas pour les raisons que Trimes.org et son lectorat préconisent.

Je tiens aussi à souligner l’excellent texte publié sur la Flamme Rouge qui traite de ce même sujet avec beaucoup de franchise. Les commentaires semblent aussi s’aligner avec l’opinion de cet auteur – notamment ce passage du lecteur Sébastien Lamarre :

Mes pensées vont toujours aux premiers perdants. Les non sélectionnés. Ceux qui applaudissent les podiums. À mes amis qui maintenant trop vieux vivent encore leur aventure avec le sport en s’imaginant « ce qui aurait pu être » mais qui leur a été volé. Il y a toujours eu des tricheurs.

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