Salut Jeremy, 2014 est une saison qui semble être un point tournant dans ta carrière. Tu as d’ailleurs rejoins Poissy cette année. Peux tu nous parler de ton aventure avec eux?
Je pense que 2012 fut aussi une grande étape pour moi avec l’intégration du Team Abu Dhabi. Ce fut la 1ère année où je ne suis pas allé travailler en cuisine l’hiver, la 1ère année où j’ai « moins » galéré. Puis il y a eu un petit coup de stress en 2013 lorsque Abu Dhabi a décidé de tout arrêter.
Fin 2013, Poissy est rentré en contact avec moi et j’ai tout de suite eu un très bon feeling. Même à travers de simples coups de fil j’ai ressenti que je pouvais signer sans aucune crainte. Au jour d’aujourd’hui je peux confirmer que c’était un très bon choix et je suis très heureux de représenter ce club !!!!
De plus et ce qui est très important c’est que je n’ai aucune pression de la part du club ni au niveau de mes résultats ni sur mon choix de courses. Je ne suis pas non plus à Poissy pour aller courir les grands prix.
On imagine que cela était une soulagement de retrouver un aide pour les partenaires?
Effectivement j’ai « raccroché » avec tous les sponsors du club. Cela m’a enlevé une certaine pression, c’est sûr, et fait gagner beaucoup de temps. Mais j’ai également dû laisser certains des sponsors que j’avais trouvé de mon côté.
Est-ce que tu te considères en ce moment financièrement viable?
J’arrive à vivre.
Je sais avec quoi j’ai vécu en 2013 et comment j’ai fini l’année. Je savais donc que cette année ce serait forcément mieux. Mais il faut un peu penser à la suite et essayer de mettre de côté car le triathlon ça ne dure pas toute une vie.
Mais, s’il y a 3 ans on m’avait dit « écoute Jérémy dans 3 ans tu pourras vivre du triathlon » je n’y aurai tout simplement pas cru.
Ça reste ma passion, je me fais plaisir et prends mon pied alors le reste c’est vraiment, vraiment du bonus.
En début de saison, tu as fait le choix d’aller en Australie. Comment t’est venue cette idée?
Après mon aller/retour express au Brésil pour prendre les derniers points possibles, j’ai constaté que même la victoire sur le 70.3 ne suffisait pas pour la qualif.
Aujourd’hui je me dis que c’était peut être un mal pour un bien. En effet j’aurai sûrement couru après la forme pour être au top à Hawaï avec le risque de me blesser de nouveau !!! J’avais la forme et j’aurai voulu courir encore (après un arrêt entre fin mars et fin août !!!!). Mais il fallait aussi prendre le temps de me reposer pour espérer retrouver un bon pic de forme en fin d’année.
Au début j’envisageais d’enchaîner 2IM : la Floride (qui fut mon 1er IM) puis l’Australie (le dernier de la saison) Après quelques échanges avec Christophe j’ai senti qu’il n’était pas vraiment chaud. J’ai donc réfléchi à un autre plan et j’ai vu qu’il y avait un 70.3 à Mandurah et que c’était quasiment « à coté » de Busselton, lieu de l’IronMan de décembre. Je me suis dit qu’un petit trip en Australie pouvait être sympa et qu’être au soleil pendant qu’il neige en France ce serait toujours bien agréable !!!! De plus c’était des courses avec un profil que j’affectionne.
On peut dire que tu as fait une bonne opération la-bas. As tu trouvé la culture du triathlon très différente la-bas?
Je partais avec l’idée qu’il serait bien de revenir avec 2000 points et je suis rentré avec presque 3000 ! Donc une bonne opération oui.
La culture est différente c’est sûr. Les gens savent ce qu’est le triathlon et ne parlent pas de ski de fond et de tir à la carabine pour le décrire !!!!!
Je pense que ce n’est pas uniquement la vision du triathlon qui est différente mais tout simplement la culture Australienne, Tout démarre plus tôt la bas, la vie est avancée de 1 à 2h par rapport à nous !!!! Un jour je me suis dit : bon demain tu vas à la piscine de bonne heure. J’y étais à 7H15 et j’ai croisé du monde… mais ils avaient tous terminé leur séance…
Le départ de la course à Busselton est aussi un bel exemple : 5H30 !!!!
Il faut s’y habituer et changer un peu de fonctionnement. J’étais avec ma famille la dernière semaine et quand à 18h je leur disais que j’allais passer à table, ils n’en revenaient pas.
Puis, tu t’es aligné à Ironman France avec le potentiel de gagner cette course. C’est mon avis, mais cela faisait très longtemps qu’un français ne s’était présenté comme un client très sérieux. Malheureusement, tu seras victimes de chutes et de crevaison. Mais tu parviendras quand même a ramasser assez de points. As tu l’impression que cette course t’a permise de prendre encore pus de confiance? Et surtout de te faire connaître comme un athlète qui ne lâchait rien.
Potentiel pour gagner à Nice, sincèrement non je ne pense pas. Quand je vois la course de Bart Aernouts et Victor Del Corral il m’aurait été très dur d’être à leur niveau !!!!
Ce ne fut pas la course où j’ai eu le plus de chance c’est sûr, mais je me dis que ça fait partie de la course. C’était sûrement écrit que ce jour là je devais chuter et crever.
Prendre plus de confiance ? Non je ne vois pas, au contraire vu la façon dont j’en ai bavé sur le marathon….
Pendant la course je pensais sincèrement que c’était le marathon le plus dur que j’avais eu à courir. En y réfléchissant maintenant je repense à certaines courses pendant lesquelles ça a été très difficile…. mais on oublie un peu. Pour le fait de ne rien lâcher : Après ma crevaison, je n’ai pensé qu’à une chose : « J’espère ne pas crever une nouvelle fois car je veux finir cette course » Je ne me suis pas dit « et m…. 5’ de perdu »
Après la 2 ème chute, le vélo était niquel et le bonhomme… il lui a fallu la fin de la descente en mode facteur pour se relancer. Une fois dans la vallée je savais que je ne risquais plus grand chose, j’ai donc relancé la machine en espérant ne pas trop souffrir de la hanche sur le marathon.
Pour moi je n’avais aucune raison valable d’abandonner, il fallait donc aller au bout, car je m’en serais énormément voulu par la suite si j’avais renoncé.
Dans une certaine surprise, tu as décidé de t’aligner à Tremblant pour les championnats du monde de 70.3. Peux tu nous parler de ta course?
Une course pas facile, un très gros niveau sur un Half et donc la moindre petite erreur, ou un niveau en dessous, et ça se paye le prix fort. Je pense que ma natation n’est pas mauvaise, je suis à moins de 30 secondes de la tète. En vélo je n’ai pas réussi à changer de rythme quand il l’aurait fallu et tout simplement, je pense que je n’avais pas le niveau pour tenir le rythme de certains sur 90km. A pied je savais que je ne pourrai pas rivaliser avec des gars qui vont courir à plus de 17. J’ai essayé de donner le maximum et j’ai repris quelques places mais j’ai posé le vélo bien trop loin pour espérer un meilleur résultat.
Malgré tout je n’ai pas voulu lâcher dans la tète car je savais que ça ferait toujours une bonne séance et j’ai quand même bien fait puisque j’ai repris 2 athlètes dans les 2 derniers kms.
Il y avait beaucoup de fustrations chez les pros après cette course, mais la problématique ne vient elle pas de la difficulté de dépasser chez les élites lorsque les pros sont dans un train? Si l’athlète devant toi ne te laisse pas de place, c’est pratiquement impossible.
J’ai un petit sourire quand je vois cette question. Car oui c’est la nouvelle règle et tout le monde est au courant, mais quand un athlète te double et se rabat devant toi et bien que fais tu ??
Concernant cette règle, s’il y en avait une autre ou si c’était comme avant on trouverait toujours des choses à redire… il faut s’y faire c’est tout !!
Tu sais, on était très étonné de te voir a cette course puisque les qualifiés pour Kona disent généralement qu’ils ont besoin de faire une longue préparation pour cette course. Ton avis?
J’avais pensé à Mont Tremblant depuis le 70.3 du Brésil l’année précédente. La course comptait pour le 70.3 PR et avec les 750 points engrangés j’ai pensé qu’il n’en faudrait peut être pas bien plus pour pouvoir me qualifier et donc ne pas avoir besoin de trop courir après les points (je n’aurai pas voulu courir après le KPR et le 70.3 PR).
Je n’ai pas du tout réfléchi au fait de ramasser des points ou de l’argent à Mont Tremblant, si je courrais pour l’argent il y a bien longtemps que j’aurais arrêté.
C’est un championnat et j’avais envie de le courir, j’ai pu avoir mon slot et donc j’ai pas réfléchi à une stratégie de point ou d’argent !!!!
Concernant la préparation : personnellement j’avais couru un 70.3 4 semaines avant l’IronMan de Busselton et un 6 semaines avant Nice et j’avais réussi à être pas trop mal sur toutes ces courses. Mont Tremblant tombait 5 semaines avant Hawaï et je ne voyais donc pas de souci.
Nous (Christophe et moi ) ne changeons pas la manière (dans sa globalité) de me préparer pour Hawaii par rapport à un autre IronMan.
Et maintenant Kona, quel est ton objectif réel?
J’ai fini 14ème en 2012. Si je ré intègre le Top 15 je serai en partie satisfait. Il faudra voir comment s’est passée la course pour dire si je suis entièrement satisfait ou non.
Penses tu qu’un scénario comme 2013 pourrait t’avantager? Est-ce que tu penses que cela pourrait se répéter?
Il est toujours difficile de savoir si un scénario de course peut nous être favorable ou si sur cette course on aurait fait le même résultat que lors de la précédente participation. Personnellement je me refuse à le faire car tant qu’on n’est pas présent sur la course on ne sait pas ce qui aurait pu se passer…et avec des si on peut imaginer n’importe quoi.
Sincèrement je n’ai pas trop réfléchi à un éventuel scénario. Je crois que j’essayerai tout simplement d’être à mon meilleur niveau et de m’adapter en fonction des autres athlètes, s’il y a besoin de s’adapter. Car n’oublions pas que ça reste quand même une course individuelle et même s’il peut y avoir un petit effet de groupe à certains moments, ce n’est pas une course avec drafting et il faut quand même pédaler… j’en ai fait l’expérience il y a 2 ans et également sur d’autres courses !!!
Est-ce que tu es rendu a t’entrainer en fonction des dynamiques attendues?
Je pense qu’il y a déjà bien assez de paramètres dans l’entraînement et dans la préparation personnelle pour arriver au top de sa forme le jour J. Personnellement j’ai une entière confiance en mon entraîneur et il m’a toujours bien préparé pour une course.
Mais du coup s’il fallait s’entraîner en fonction d’une éventuelle dynamique de course cela rajouterait encore plus de choses à penser…. Pour peu que cette dynamique ne se produise pas…. Je pense qu’il faut vraiment se concentrer sur soi même, et être prêt à s’adapter le jour J , en fonction de son état, des conditions, de l’avancement de la course et des adversaires !!!
Peux tu nous parler un peu de ta préparation pour Kona (volume). As tu changé des choses en comparaison a tes autres participations?
Je n’ai jamais été un grand communicant sur les volumes ou kilomètres réalisés à l’entraînement. Un nombre d’heures ou nombre de kilomètres ne veut pas tout dire. Il faut aussi savoir à quelle allure on les fait. Pour avoir partagé l’entraînement avec d’autres athlètes (dont un ancien vainqueur d’Hawaï !!!) il peut y avoir moins d’heures mais à des intensités plus élevées, et leurs allures footing peuvent être 3km/h supérieur à la mienne. Ce n’est que ma 2ème participation et une préparation n’est de toute façon jamais la même avec Christophe que ce soit sur n’importe quelle course. Mais il y a quand même de toute façon toujours une bonne dose à avaler.
La choses qui peut changer c’est que l’on essaye aussi de s’entrainer par rapport au profil de la course.
Pour finir, ton coach est Bastie. Parles nous de ta relation avec lui. As tu l’impression que sa philosophie est différente?
Cela va faire 8 ans que je le connais, et je pense que nous nous ressemblons sur plusieurs points, notamment le fait de ne pas être trop bavards. Du coup je pourrai écrire des lignes et des lignes mais je pense que nous savons l’un comme l’autre ce que pense l’autre, donc pas besoin de trop en parler !!!!!
Pour en parler quand même et répondre à la question…. C’est quelqu’un que je respecte énormément, pour ses actions, sa façon de penser, son palmarès… Et aussi et surtout pour ce qu’il m’a apporté et ce qu’il m’apporte encore.
Je ne serai pas ici si je n’avais pas fait sa rencontre… j’en suis persuadé.
Il me connaît très bien. Pour exemple quand j’ai couru à Aix il avait simplement des infos du déroulement de la course par SMS, et à un moment il a dit « non non, Jurkiewicz il est en train de coincer et il restera 2ème ». Il avait raison. Sa philosophie ?? Oui forcément différente, chacun a la sienne je pense. Moi j’y adhère complètement et la mienne s’en rapproche beaucoup.