La chronique de Xa’ > Dopage, et si on parlait d’éducation

José Jeuland pris la main dans le pot de confiture pour dopage aux anabolisants. Ces derniers jours, tout le petit monde du triathlon ne parle que de ça. Il y a ceux qui s’en doutaient, qui en étaient sûr… Beaucoup de certitudes chez beaucoup de personnes et sur les forums, ça se déchaine à tout va pour fustiger cet athlète.

Il n’y a rien à dire, Jeuland mérite ce qui lui arrive et pour rien au monde je ne souhaite à quelqu’un de vivre ce qu’il va vivre maintenant. Cependant, les réactions excessives font peur lorsqu’on les lit avec un peu de recul. Jeuland est un être humain, il a triché, mais cela reste un être humain et personnellement, j’en connais un paquet qui ont fait pareil voire pire et qui aujourd’hui sont devenus / redevenus des références voire des modèles.

Je ne vais parler des autres sports parce que cela prendrait beaucoup trop de temps mais simplement, rappelons nous que dans notre petit monde du triathlon, il y a eu quelques faits marquants qu’il ne faudrait pas oublier trop vite.

Combien de personnes du forum se sont enflammées sur la fantastique performance de Cyril Viennot à Hawaï. Cyril qui est entrainé depuis quelques années par Patrick Bringer (et ce n’est pas le seul athlète de haut niveau à être entrainé par Patrick Bringer), qui fut suspendu lui aussi en son temps pour dopage. Je ne vais certainement pas dire que la performance de notre meilleur tricolore à Hawaï est liée au dopage, je souhaite de tout mon cœur que cela ne soit pas le cas. Simplement, lorsqu’on voit que des personnes du forum demandent la radiation à vie de Jeuland, on peut s’interroger sur ce qui se serait passé si Bringer avait été, en plus de sa sanction, empêché de devenir entraineur à vie.

Un athlète tricheur peut il changer ?

Là est le fond du problème. Si on considère que la triche est quelque part quelque chose de« congénital », alors, il n’y a plus d’espoir. Peut être que c’est le cas, je ne sais pas, en tout cas, cela serait bien triste. Est ce qu’on naît tricheur ou alors le devient-on au grè des parcours, des mauvaises rencontres, par faiblesse, sous la pression du résultat ou simplement par avidité, besoin d’être reconnu et d’avantage encore dans certains cas… C’est très compliqué à analyser et il existe certainement tous les cas de figure. Cependant, mon côté éducateur (ou naïf selon certain de mes proches) me pousse à croire qu’il est possible de faire de la même manière le chemin inverse, celui qui fait d’un tricheur un coureur propre.

Patrick Bringer est semble-t-il devenu un coureur sain et un coach exemplaire… Qu’est ce qui empêcherait Jeuland de le (re)devenir ?

Alors bien sûr, il ne faut pas être naïf, si dans le cas de Bringer, la sanction a eu vertu d’éducation, ce n’est malheureusement ce qui se passe dans une grande majorité de cas.

A mon avis, cela est assez naturel en fait car avec un adulte, les habitudes et les modes de fonctionnement sont profondément ancrés dans la personnalité. Il est difficile d’arriver à modifier le tempérament et l’état d’esprit lorsque cela s’est construit sur le long terme.

Et si on parlait d’éducation ?

Car finalement, ces derniers jours, j’ai eu beau lire et relire tous les articles et les discussions sur les forums à propos cette histoire, je n’ai entendu que des discours sur la sanction. Toujours plus dure et plus forte, impitoyable et sans aucune mesure ni discernement.

Personne ne parle d’éducation. C’est pourtant là que le bas blesse cruellement à mon avis. Il faut prévenir, informer, communiquer et aussi savoir écouter et observer nos jeunes et aussi et peut être surtout, leur entourage dès leur plus jeune âge.

Nous autres éducateurs, sommes-nous formés à cela ? J’en doute. Le dopage fait tellement peur qu’il est abordé dans nos formations à dose homéopathique. Un peu comme ce cancer dont nous avons finalement tous peur et dont la seule évocation rend mal à l’aise.

Pour lutter contre le dopage, il faut parler du dopage, très tôt. Et il faut apprendre aux éducateurs à évaluer et décrypter les conduites dopantes très vîtes chez les jeunes comme chez ceux qui les « soutiennent » ou les « encouragent » (termes ô combien équivoques…).

C’est vrai, je reste persuadé que si Jeuland s’est dopé, c’est par manque d’éducation.

Il se trouve que je connais assez bien José, ça fait maintenant quelques années que je roule ma bosse et nous avons quelques amis très proches en communs. Ce que je sais de lui, c’est que c’est une personne assez atypique et singulier. Ce que je sais aussi c’est qu’au final, il est quelqu’un d’assez fragile et surtout peu entouré au quotidien dans sa pratique. Mais aussi quelqu’un qui aime faire du triathlon par dessus tout. Et c’est cela qui « m’ennuie » le plus avec lui. Je me rappelle avoir vu ce gars encore l’année dernière faire une semaine de camping sous une tente à Embrun, tout seul, pour simplement prendre part à la course parce qu’il avait juste envie de la faire, sans pression et sans rechercher un quelconque résultat. Et effectivement, il avait terminé très loin, mais il avait terminé… Nous sommes bien loin de la gloire et de l’appât du gain coûte que coûte…

Les personnalités sont complexes, ne l’oublions jamais…

Je crois donc que cette histoire doit nous interroger sur le dopage en particulier mais sur la triche en général. Sans exagérer, je pense qu’elle doit nous permettre à tous de nous regarder un peu en face, sans concession. Qui n’a jamais triché, qui n’a jamais été tenté de le faire ?

Je considère qu’il n’y a pas de différence fondamentale entre les différentes formes de triche. Dans tous les cas, on améliore sa performance de façon artificielle et on ment aux autres mais aussi à soi même.

Tout cela, est lié dans beaucoup de cas au manque d’éducation et à une méconnaissance de ce qu’apporte réellement la pratique sportive.

 

Triathlon et éthique…

 

Faire du triathlon doit (re)devenir une fin en soi. Nous autres éducateurs devons absolument nous inscrire dans ce que notre pratique à de plus fondamental et autotélique : le dépassement de soi, certes, mais aussi la connaissance de son potentiel, et surtout de ses limites. Je ne crois pas que le dopage soit une conséquence directe de l’appât du gain. Cela existe, certes, mais ce n’est absolument pas l’essentiel des cas à mon avis.

Il existe du dopage autant, voire plus chez les « groupes d’âges » que chez les pros. Un athlète se dope ou triche parce qu’il cherche à devenir quelqu’un d’autre, de « meilleur ». Mais justement parce qu’il n’est pas éduqué à comprendre ce que c’est d’être meilleur en respectant son corps et en restant lucide face à ses aptitudes réelles, il ne perçoit l’indice d’excellence que dans le chrono ou la place. L’essentiel du sport est ailleurs, dans la connaissance de soi, seule garante de la réelle confiance en soi désincarnée de la notion de performance chronométrique coûte que coûte. C’est elle qui est le gage de la bonne santé et du plaisir de pratiquer sur le long terme.

Si nous faisons l’effort d’aller vers plus d’éthique en permettant à nos jeunes de se centrer un peu plus sur eux même et moins sur les autres, en les aidant à se connaître et donc à s’accepter d’avantage tels qu’ils sont, nous « fabriquerons » beaucoup moins de pratiquants envieux et donc faibles.

Le dopage et la triche diminueront fortement c’est sûr. Sans référence et sans regard extérieur lucide et bienveillant, on se perd… A tous les coups…

J’en suis convaincu pour l’avoir croisé à maintes reprises. Jeuland s’est trompé parce qu’il était seul.

2 commentaires
  1. Bon article sur un sujet délicat Xa 😉
    Je trouve la fin d’une extrême justesse.
    Au final on en revient toujours au binôme : répression vs prévention. Si certains ne jurent que par le premier (et pas qu’en matière de dopage), force est de constater que les effets sont insuffisants et que d’autres voies sont à trouver.
    Cependant je comprends les réactions « extrêmes ». Faire le mort et continuer à courir est malsain vis-à-vis des autres sportifs, et c’est normal que certains se sentent (des)abusés.