Trimomètre #13 > Un peu de tribologie, partie 1 : Gomme et gravité

Crédit photo de couverture : sci-sport.com
Sources de cet article :
–    http://www.gribble.org/cycling/power_v_speed.html
–   http://www.velomag.com/trucs-de-pros/aile-ou-la-plume
–    http://www.kreuzotter.de/english/espeed.htm
–    http://www.sci-sport.com/dossiers/002.php

 

Non ce n’est pas le nom d’une secte. La tribologie est le domaine très dense de l’étude des frottements. Dense, car rien que sur un vélo, on trouve tout un tas de forces qui freinent le cycliste, et quasiment une infinité de paramètres qui ont un effet sur ces forces. Les 4 forces principales qui freinent le cycliste sont :

  • la force de trainée due à la résistance de l’air RA (qui s’applique au système vélo + cycliste)
  • la résistance des pneus RR sur la route (qui s’applique aux pneus)
  • les frottements dans les roulements de la transmission (qui s’opposent au mouvement du pédalier)
  • la force de gravité RG dans le cas d’une montée (même si ce n’est pas une force de frottement).

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Crédit photo : sci-sport.com

Lorsqu’on fait le tri dans les paramètres qui ont un effet sur ces forces et qu’on ne garde que ceux qui ont un impact visible, on se rend compte que les frottements que subit le cycliste dépendent de sa vitesse, son poids, sa surface exposée, la vitesse du vent, la gravité terrestre, la pente, l’altitude, la pression de l’air, la densité de l’air, la température, la pression des pneus… et quelques coefficients de frottement.

Et bien, sûr, c’est parfois proportionnel, parfois exponentiel, parfois plus ou moins compliqué. Si bien que pour chaque situation donnée, c’est une force différente qui domine les autres.

Pour commencer, on peut se passer de regarder les frottements de la transmission, car ils sont bien inférieurs aux trois autres forces. Dans cette première partie, nous allons donc regarder en quoi consiste la force de gravité et la résistance des pneus sur la route, mais surtout, quels paramètres influencent ces forces.

On gardera donc le meilleur pour la fin, et la force de résistance de l’air sera l’objet de la partie 2.

GRAVITE

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La force de gravité s’exerçant sur le cycliste est le produit de la masse totale du système cycliste+vélo (M), de l’accélération de la pesanteur terrestre g, et du sinus de l’angle θ (« thêta ») de la pente (qui est aussi appelé pourcentage de la pente). Donc sur le plat, aucune force de gravité ne gêne le cycliste (sin(θ)=0). Plus il y a de pente, plus la force de gravité opère (assez intuitif).

Pour rappel g est une constante reliée à la planète Terre. On ne peut changer g à moins de changer de planète. g vaut 9.81m/s2 ce qui signifie qu’un corps en chute libre accélère de 9.81m/s (35.3km/h) à chaque seconde de chute. Mais ça n’est pas intéressant ici, car c’est un paramètre constant !

Ici tout est linéaire : la force qui nous freine est proportionnelle à la pente et le poids du cycliste, et du même coup, la puissance développée l’est aussi.  Si la pente double, la puissance pour tenir la vitesse aussi. Si le poids du cycliste diminue de 10%, la puissance nécessaire pour maintenir la vitesse aussi. Bien entendu, on ne prend pas en compte les autres forces pour le moment. Mais cette force est vraiment la plus simple à comprendre.

ROULEMENTS

Rajoutons des frottements. Puisque les frottements de la transmission peuvent être négligés, ce sont ceux des pneus qui sont dominants. Comme pour la gravité, la formule est simple :

Screenshot 2016-04-19 23.15.21

Là encore, la masse M et g interviennent, ce qui explique qu’il y a aussi un gain à s’alléger sur le plat.

Par contre, ce n’est plus le sinus de la pente, mais le cosinus de la pente que l’on retrouve. Autrement dit, cette force est maximale sur le plat, et diminue au fur et à mesure que la pente augmente (pour être finalement nulle sur une pente verticale), ce qui est assez contre-intuitif.

Le CR est un coefficient de frottement qui dépend de tout un tas de choses, mais en négligeant des paramètres comme la rugosité (grain) ou l’humidité de la route,  il dépend surtout de la pression des pneus PR :

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Puisque qu’il faut minimiser ce coefficient CR, il faut maximiser la pression des pneus, comme le montre ce graphe :

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(100kPa = 1 bar = 14.5 psi)

Crédit photo : sci-sport.com

Il y a des gains exponentiels à faire sur le coefficient CR lorsqu’on gonfle des pneus sous gonflés, et donc sur la puissance. On se rendre compte que si on sous-gonfle ses pneus de 7 à 4 bars (102 à 58 psi), le CR augmente de 30%. En revanche, gonfler ses pneus de 7 à 10 bars (101.5 à 145 psi) ne fait diminuer le coefficient plus que de 16%, tout en augmentant le risque d’ouvrir ses roues en carbone sur le premier nid de poule.

Sur-gonfler ses pneus au-delà de 6 bars ne vaut pas vraiment la prise de risque, car si on prend en compte les autres forces, on ne gagne pas grand-chose : Par exemple, un cycliste de 80kg qui produit 450 watts dans le but de battre le record de l’heure roulera à 53km/h avec 3 bars (43.5 psi), 54km/h avec 6 bars (87 psi) et 54.75km/h avec 12 bars (174 psi).

Donc maintenant, si on mixe la gravité, le frottement des pneus, et le frottement des roulements ensembles, on peut regarder combien de watts sont nécessaires à un cycliste de 75kg sur un vélo de 7kg pour avancer à une allure donnée.

Les graphes suivants donnent le wattage à tenir en fonction de la vitesse pour ce cycliste, et chose très intéressante, on peut regarder où les watts sont absorbés : transmission (rouge), pneus (violet) ou gravité (vert) :

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SUR LE PLAT

1

SUR PENTE 2.5%

2

SUR PENTE 5%

3

SUR PENTE 10%

4

Courbes générées grâce à : http://www.gribble.org/cycling/power_v_speed.html

Bien entendu, on n’a pas pris en compte les forces de frottement de l’air, donc ces graphes sont valables dans un bocal sous vide. Et on se rend compte que, certes sur le plat les frottements des pneus dominent, et à la moindre bosse, la gravité domine, mais aussi que sans air, il est possible de foncer à plusieurs centaines de km/h !

Les frottements de l’air seraient-ils donc si terribles qu’ils nous ralentiraient de 300 à 30km/h ?

Maintenant que vous avez l’eau à la bouche, on vous donne rendez-vous pour la partie 2, on nous pourrons compléter ces trois graphes avec la force manquante, mais aussi décrypter quels paramètres ont un effet sur la force de frottement de l’air.

1 commentaire
  1. belle article.
    Ça serait méchant de dévoiler le punch sur la résistances de l’air !! donc je ne le ferai pas…
    🙂