La chronique de Xa’ > Embrunman – Pour qui vers quoi, histoire d’un rêve de gosse.

C’était il y a 34 ans, j’étais haut comme trois pommes… Un peu par hasard, un été, j’ai vu passer des « drôles de bonhommes » sur la digue du plan d’eau d’Embrun en train de courir…

Pour qui ? Vers quoi ?

Casquette vissée sur la tête, maillot de bain et singlet au dessus du nombril, ils avaient quelque chose d’à la fois étrange et fascinant pour un gamin de neuf ans. Je me suis retrouvé attiré comme un aimant par cet étrange ballet. J’ai ramassé des éponges et des gobelets à mon tour, pour les offrir à ces champions inaccessibles dans leur effort et pour tenter de comprendre. Capturer une part de leur souffrance et la faire mienne certainement aussi…

Je ne le savais pas encore mais j’étais pris au piège, enchainé corps et âme pour un bon moment.  La vie entière sans doute…

Le triathlon a ainsi, depuis cette date, rythmé ma vie. Il s’est imposé naturellement en lui donnant du sel et de la passion. Ce petit supplément d’âme qui rend un peu heureux. Une douce folie qui permet de ne pas être trop raisonnable, qui autorise aussi des rencontres exceptionnelles avec des gens inspirants au fil des années, des courses, des entrainements, et des organisations…

Vadrouiller et courir, parler de mon sport, essayer de transmettre tout cela, j’aurais à peu prêt tout fait dans ma vie de sportif jusqu’ici. Mais il me manquait quelque chose pour boucler la boucle. Car, paradoxalement, ce fameux point de départ s’était toujours refusé à moi. Par deux fois, j’avais échoué, me promettant même qu’on ne m’y reprendrait plus… Et cela faisait plus de quinze ans que je m’obstinais à tenir ce serment. Toutes les excuses étaient bonnes… Mais je me mentais à moi même et l’idée d’y retourner pour exorciser mes vieux démons a fini par faire son chemin et prendre le dessus. Lentement, presque imperceptiblement, mais de façon irrémédiable.

Seulement je ne voulais pas, je ne pouvais pas le faire seul. Je ne me sentais pas de taille. J’ai donc demandé à mon meilleur ami de m’accompagner dans cette aventure. Quelque chose en moi savait qu’à un moment donné, cela serait déterminant à sa réussite… Mais les histoires d’amitiés peuvent être contagieuses et tout cela a rapidement fait boule de neige… Entre fous, on se comprend ! Alors merci à Audric, Julien, Jo, Mehdi, Isa, Philippe, Seb et Yann de m’avoir accompagné sur ce triptyque de déjanté. Et tous les autres, famille et amis, de nous avoir soutenu et littéralement porté pendant cette longue journée.

Au plus fou, au plus surprenant et au plus génial de mes amis, je n’ai pas de mot assez fort pour décrire ce que tu as réussi à faire en si peu de temps et « même pas pour toi ». Trois semaines de préparation sous la canicule Ardéchoise au lieu de se la couler douce dans le Chassezac. Tout ça parce que je t’ai inscrit de force le soir de tes quarante ans. Comme cadeau d’anniversaire, on ne peut pas faire mieux… ou pire, c’est selon ! Merci mon Fab, je crois que ce cadeau là, c’est moi qui en avait le plus besoin pour espérer rallier l’arrivée à mon tour…

Mardi 15 Août, Il doit être 15h30 lorsque je descends de mon vélo pour rejoindre T2. Olivier Bachet, passionné parmi les passionnés m’accueille et m’embrasse. Je lui réponds d’un sourire mais reste muet. Je ne veux pas lui montrer que je pleure derrière mes grosses lunettes de soleil qui me sont bien utiles dans ces circonstances. Cela fait un peu plus de 3 heures que j’ai des crampes jusqu’à la tétanie et que je souffre le martyr. J’étais trop bien ce matin, je suis allé trop vite… Et lorsque j’ai crevé après seulement 20 km au bas de la 1ere descente, je suis reparti encore plus vite pour « rattraper » un tableau de marche qui n’avait aucun sens… Erreur fatale : à Embrun, si tu te trompes, tu le payes cash et très cher ! Mon pote Jo m’avait pourtant prévenu… « Lève la tête Xa…». Je sais bien Johnny mais pardonne moi, ces montagnes autour de moi, c’est mon jardin, je les connais déjà par coeur…

La suite est un long combat. Celui d’un mec qui attend cela depuis plus de trois décennies. A la poursuite de son rêve de gosse. A la recherche de l’indicible et d’une forme d’accomplissement impossible à décrire ici. Et ce rêve lui file entre les doigts aussi vite que ses jambes se tendent et refusent de lui répondre… Quarante deux kilomètres peuvent alors paraître un océan à traverser quand tout fou le camp… Mais j’ai réussi, grâce à tous ceux qui m’ont soutenu sur les 6h30 de cet étrange marathon, à atteindre l’autre rive… Grâce à Isabelle aussi, compagnon de souffrance sur le dernier tour… Ce tour là avec toi, restera longtemps gravé dans ma mémoire…

Pour qui ? Vers quoi ?

Ce matin, les questions sont les même que celles qui trottaient dans ma tête de gamin jadis… Mon corps entier n’est que douleur et lorsque je traine ma carcasse, j’inspire tout sauf la bonne santé et la forme… Mais quelque chose a changé, je suis passé de l’autre côté. C’est moi qui ai tapé dans les mains des petits qui courraient toute la journée aux ravitos pour aller chercher d’autres éponges, d’autres gobelets afin d’aider ces « drôles de bonhommes » à en finir de leur quête. J’ai probablement simplement compris qu’il n’y avait pas grand chose à comprendre. Il faut juste tracer sa route, savoir se lancer des défis et faire preuve de constance et de persévérance. Chacun, acteur ou spectateur pourra bien y donner le sens qu’il voudra…

Ce genre d’épreuve est une parabole de la vie. Hier, j’ai pris le temps d’enfin murir. J’ai eu tout loisir de m’en refaire le film. Et j’ai été parfois surpris de découvrir celles et ceux qui s’y invitaient au détour de mes pensées.

Sans doute que c’est mieux ainsi, il me fallait ce temps là… Le bilan fut surprenant… Et enrichissant !

Pour qui ? Vers quoi ?

Un peu plus de seize heures pour faire le tour d’une vie, ça n’est pas si long en définitive… A tous ceux qui ont, de prêt ou de loin, vibré hier autant que j’ai vibré, je vous dis merci du fond du coeur. Ces quelques heures, mes derniers mois et mes 34 années de passion vont sont humblement dédiés.

Photo par le sympathique Basile Regoli

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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