La chronique du Xa’ > De Koenders à Ditlev, il était une fois un monument

Ce dimanche, j’ai replongé plus de 35 ans en arrière. En rentrant de ma traditionnelle sortie dominicale sur deux roues, je me suis retrouvé scotché, happé même devant mon écran d’ordinateur. Je suis arrivé juste au moment où Patrick Lange a dépassé Sam Laidlow sur le marathon… C’était sur un chemin rectiligne et le long d’un canal… Et cette image de ce chemin, et de cette rive baignée de soleil, en une fraction de seconde, a fait défiler plus de trente ans d’histoire dans ma tête…

Normalement, à ce stade, j’ai déjà perdu à peu près 2/3 de mes lecteurs… Mais c’est pas trop grave, c’est le 3ᵉ tiers qui m’intéresse le plus…

Madeleines…

Roth fait partie des monuments de l’histoire de notre sport. Rien de bien sexy et exotique de prime abord pourtant, car Roth, c’est le cœur de la Bavière, plutôt plat avec des champs et des forêts un peu partout… pas l’ombre d’un océan ou d’une mer à l’horizon… Bref, on serait presque tenté de dire que c’est un peu le trou du c… du monde par là-bas…

Sauf que… Depuis 1988, chaque début d’été, la magie opère dans cette bourgade de 25000 âmes. Je ne suis pas certain, que Magnus Ditlev sache vraiment de qui il est l’héritier et ce que ses deux victoires consécutives et son record signifient pour des « anciens » comme moi et quelques autres. Pourtant, ce grand échassier danois à bel et bien respecté la « tradition » de Roth en forgeant sa victoire sur un parcours vélo supersonique… Et il m’a replongé plus de trois décennies en arrières lorsque je découvrais sur papier glacé Axel Koenders, le premier vainqueur, en photo… Un électrochoc qui vous marque à jamais lorsque vous avez à peine treize ans et que vous découvrez tout juste la discipline. Koenders roulait sur un vélo ultra-plongeant, avec une roue pleine à l’arrière et un casque à pointe profilé, ce qui, à l’époque, était carrément avant-gardiste. Le tout avec une tenue à faire rêver n’importe quel ado de la fin des 80’s, qu’il soit triathlète ou non d’ailleurs… En effet, le mec était sponsorisé par… SONY. La classe quoi ! Imaginez un peu, c’était la grande période des Walkmans et je rêvais, comme beaucoup de gamins du quartier, d’en posséder un… Et un SONY de préférence évidemment !

Koenders ne gagnera qu’une fois en définitive, mais par la suite, la légende de Roth se fera sur la domination des Uber bikers allemands et de la chasse aux records. C’est donc à Roth naturellement, que la barre mythique des huit heures sur Ironman sera brisée par Lothar Leder en 1996 ( et oui, déjà ! ). Puis sera abaissée, encore et encore, pour arriver aujourd’hui avec Ditlev à un Stratosphérique 7 h 24… Daniéla Ryf, reine des Uber Bikeuse, réalisant de son côté un chrono de 8 h 08… Fou !

C’est aussi à Roth que les plus grosses inimitiés et pires prises de becs se feront chez nos amis Germaniques. La suprématie allemande se jouant là-bas. Il existe d’ailleurs çà et là quelques vieilles images et vidéos d’archives dont je raffole entre Dietrich, Zach, Hellriegel, Leder ou Ashmoneit s’y crêpant allègrement le chignon… Un régal ! À l’époque d’ailleurs, on avait coutume de dire que pour les Allemands, c’était plus important de gagner Roth que de vaincre à Hawaii… exagéré sans doute… quoique !

Dans mon souvenir, L’ogre Mark Allen ne viendra qu’une fois en Bavière… Pour se faire botter les fesses d’ailleurs, chose qui ne lui arrivait pour ainsi dire jamais ! De mon point de vue, le seul trou dans sa carrière… incroyable !

Denis, si tu me lis…

Dimanche, en regardant la course, je n’ai eu qu’un seul regret. En 35 éditions, seul Patrick Vernay réussira à hisser la France au sommet de ce monument… J’étais encore sur mon vélo lorsque Sam à tenu bravement tête à Magnus et je ne peux donc pas dire que j’ai eu le frisson de sentir l’exploit possible, par contre, en voyant Patrick Lange voler sur le marathon pour claquer un 2 h 30, j’ai immédiatement pensé à Denis Chevrot. Surtout que je rageais d’entendre Jan Frodeno (excellent au commentaire par ailleurs il faut dire), se gargariser de l’allure de son compatriote sans jamais mentionner notre « Uber runner » Français alors qu’il s’était fait proprement atomiser sur le marathon à Hambourg il y a à peine trois semaines…

Je connais un peu « la Chevrotine » et franchement, je le pense capable de faire aussi bien que Lange sur ce parcours taillé pour les records… Et, pas pour la 2ᵉ place à mon avis… Alors Denis, si tu me lis, essaye de voir s’il est possible d’imaginer quelque chose avec ton coach pour l’année prochaine, parce que le mec qui triomphe à Roth, il marque aussi l’histoire de son sport…

Et, à mon modeste niveau, c’est amusant, mais le fait de regarder ces mecs courir le long de ce canal mythique m’a presque donné envie d’en être à nouveau un de ces quatre ! Moi qui aime la montagne, ne supporte pas le plat et n’a jamais eu ne serais ce qu’une fois l’ombre de l’envie d’acheter un vélo de CLM, aller comprendre ! C’est sans doute cela la force de l’histoire. Il reste quelques monuments et Roth en fait partie.

Voilà, pour ma chronique du soir. Ça m’est venu comme ça et je me rends compte que ce qui me donne envie de reprendre la plume, c’est ce qui résonne culturellement pour moi avant tout. Pas certain que je rencontre beaucoup de lecteurs sur cette chronique. Le triathlon d’aujourd’hui c’est beaucoup (trop ?) d’épreuves un peu partout et tout le temps et j’ai le sentiment que du coup, on zappe vite d’un évènement à l’autre, d’une course à la suivante…

C’est à l’image de notre époque sans doute… Mais, ce qui est rassurant, c’est qu’en voyant l’incroyable ferveur des centaines de milliers de spectateurs tout au long du parcours dimanche, je me dis que ce monument-là en tout cas, risque de durer encore bien longtemps… alors que j’ai aujourd’hui les plus grandes craintes pour une autre course encore plus mythique qui se situe en plein cœur du pacifique… Pourvu que j’aie tort…  

Aucun commentaire

Commentaire fermé