La chronique de Pépin > Parmi les 1000 raisons de ne pas y aller.

Il y a d’abord l’accoutrement. Constitué de vingt pièces disparates, son apprentissage fait partie de la culture. Une jambière vous manque et tout est dépeuplé. Une mitaine s’est fourvoyée la dernière fois entre le bac à linge sale et le fourre-tout, et votre sortie est gravement compromise. Le coupe-vent assorti au reste se cache quelque part… mais où ? Bonnet, pas bonnet ? Bandeau sous le casque ? Quel type de verres sur mes lunettes ? Le cuissard est la pièce maitresse, la clef de voute du dispositif. S’il baille quelque part, si un pli se forme au contact du pli pelvien, vous êtes le grand gagnant du jour !

Une fois parti, il y a très vite cette subtile sensation de fraicheur qui naît à la raie des fesses, par les projections d’eau en directe provenance de la roue arrière. Insidieusement, elle se mue en franche humidité qui vient se loger précisément sous l’appui de la selle. Assis sur une éponge gorgée d’eau. Voilà votre sort pour les heures qui viennent. Quelques portions en danseuse vous octroieront des moments de répit bien dérisoires. Vous repasserez vite en position assise. A  chaque fois plus cruellement.

Dans le vent, il y aura cette fuite d’air, juste sous le plastron. Car si vous vous réchaufferez à l’effort, votre ventre demeurera une partie sensible. Et ce coupe-vent au demeurant très seyant tiendra absolument à vous le rappeler. Selon que vos mains seront sur les cocottes ou en bas du guidon, le tissu ne sera pas tendu de la même manière et l’effet ne sera pas identique. Froid en haut et chaud en bas. Mais vous passerez sur le « froid » sans y prendre garde. Plusieurs fois…

Vous croyez vos pieds bien au chaud sous ces couvre-chaussures de néoprène ? Hé hé hé ! Après une heure environ, une sensation de froid, là aussi, envahira l’une des chaussures. Bientôt la seconde subira le même sort. Et des grenouilles malveillantes investiront vos chaussettes. Rassurez-vous, une fois réchauffée, l’eau qui fera le siège de cette partie ne se refroidira pas franchement. Les pieds dans l’eau. Mais de l’eau chaude, quand même, pour de longs moments de solitude !

Rapidement aussi, votre nez coulera, même en l’absence de rhume et par temps doux. C’est physiologique et ça durera toute la sortie. Les pros soufflent d’un coup des deux narines, sans lâcher le guidon. Tchhhh, tchhhh ! Apprenez vite à le faire. Lâcher une main pour presser une narine est dangereux. Utiliser la toile éponge qui couvre le pouce de votre mitaine est inutile. Par temps froid, les reliquats de morve qui ne manqueront pas d’orner les ailes de votre nez vous occasionneront des douleurs piquantes caractéristiques des gerçures. Le métier entre aussi par la voie ORL.

Passons l’épisode dramatique de la crevaison toujours prévisible. Un seul morceau vous manque et vous êtes perdu pour la cause avec vos doigts gelés dans le brouillard. J’en connais qui ne s’en sont jamais remis.

Passons aussi les tentatives suicidaires de sortir sans lunettes, pour en venir aux péripéties du casque. Voici une quinzaine d’année, cet accessoire est apparu dans nos panoplies. Et il s’est fait une place telle que je n’envisage même plus d’aller chercher le pain sans l’avoir bouclé. Les rois de la réclame s’activent à nous vanter la haute technologie dont ils sont issus. Des différents modes de réalisation in-mold, au design super pensé par ordinateur, en passant par les nombreux trou-trous qui laissent passer l’air, rien n’échappe aux concepteurs de ces protections issues de la conquête spatiale. Rien sauf le frelon de nos campagnes. Car ce coquin aime les casques. Il rentre par ici, certes, mais souvent, il oublie de sortir par là. Alors, prenant tous les risques, vous tentez un lâcher de mains en mode emergency – donc inopportun – pour enlever l’accessoire… L’insecte se révèle bien souvent n’être qu’une grosse mouche à bouses, mais fort bruyante au contact de l’occiput. Il s’échappe, donc, certainement tout aussi soulagé que vous, qui repartez dans le froid et l’incertitude de cette sortie décidément merdique.

4 commentaires
  1. Super article Alex. C’est le plan pour le weekend : rouler avec une fausse impression que c’est le printemps et qu’il fait chaud. Les engelures le lendemain me rappelleront que mars c’est trop tôt pour lâcher le Tacx.

    Vive le vélo!!!