Editorial > Kona est-il vraiment bénéfique pour nos pros?

Avec toutes les récentes discussions engendrées par l’implosion du Team TBB, on se rend compte à quel point le triathlon est totalement dépendant de Kona. On a récemment vu une marque se détacher d’une équipe préférant investir uniquement sur des vainqueurs et à balayer du revers de la main sa participation dans le développement de nouveaux talents.

Tout cela a remis en question la pertinence de Kona dans le développement de la longue distance. Cette course est-elle donc devenue tellement incontournable qu’elle impose tout? Avec la remise à zéro des compteurs pour le KPR (classement à point qualificatif pour Kona), on a observé plus de 60 pros aux 3 premiers ironmans de la saison pour Kona 14. Ces pros ont coursé avec une seule idée en tête, se positionner le plus bénéfiquement et rapidement pour la qualification.

On peut se réjouir d’avoir une plus grande densité dans nos pros, mais présentement, à peine les 8 premiers repartent avec une bourse qui ne permettra même pas à certains de couvrir leurs frais. Alors comment expliquer cette engouement chez nos élites pour ces premières courses. La réalité est que Kona est devenue de plus en plus une nécessité absolue pour réussir, enfin continuer sa carrière et ce système n’est tout simplement pas viable pour les professionnels, enfin en majorité. Ils sont tous dans une logique où il faut s’endetter pour investir dans l’avenir.

D’ailleurs ce phénomène est aussi partagé chez les AGs. Chez nos compétitifs, on a souvent cette impression qu’un athlète acquière un statut de reconnaissance uniquement lorsqu’il décrochera son spot Kona. Cela devient une obsession pour beaucoup. Certains cherchent des moyens pour trouver des courses où la qualification est plus facile alors qu’on devrait surtout s’attarder à relever le challenge d’un ironman avec le plus de brio possible.

Avoir son billet pour Hawaii est sans aucun doute un privilège, mais on peut tout de même questionner si son importance n’est pas tout simplement entrain de trop éclipser les autres courses. De plus en plus, on a l’impression que les athlètes obtiennent du support en commandite uniquement une qualification dans la main. C’est devenu une sorte de club avec ces privilèges, on a d’ailleurs vu certaines marques forcer les choses avec des programmes destinés uniquement aux qualifiés. Dans l’optique de Trimes, où c’est la relève qui nous intéresse le plus, on trouve toujours difficiles de voir des jeunes aller aux championnats du monde juniors/U23 ITU dans un désintérêt général.

Évidemment, chez Trimes, on partage aussi cette fascination face à Kona, surtout parce qu’elle réussie l’impossible en réunissant les meilleurs sans exception. Mais tout comme l’ITU qui s’acharne sur la carte des jeux olympiques pour se vendre, on doit se questionner si cette focalisation sur une seule course n’est pas entrain d’être de plus en plus néfaste pour les pros puisqu’ils doivent mettre toutes leurs énergies pour cette course.

Sportivement, on doit aussi se questionner sur les pros qui sont qualifiés. Le système actuel permet à ceux qui ont fait un top 10 à Kona de valider facilement leur place, mais il récompense aussi ceux qui ont la meilleure stratégie (choisir les bonnes courses et augmenter son nombre de participations) ou ceux qui sont favorisé géographiquement. Ceci est une observation de Trimes, mais les Australiens sont nettement avantagés selon nous puisqu’ils ont 2 trois courses championnats (2x 70.3 et 1 IM) qui offrent plus de points et dont il y a moins de pros au départ puisque l’investissement pour les européens et américains et trop important.

Présentement, il y a 4 catégories.

Les pros un top 10 à Kona aka les protégés. Ils ont généralement besoin de faire un ironman pour valider et de ramasser quelques points en 70.3. Timothy O’Donnell a récemment fait Ironman Floride en décidant des prendre des pauses aux ravitos. La grande problématique est que leur statut leur permet de bouder le circuit. Ils souhaitent courser uniquement si c’est financièrement très viables. Leur non disponibilité et le fait qu’ils refusent de « compétitionner » dans plusieurs ironmans durant la saison augmente l’intérêt générale sur Kona. Leur discours tant à pousser l’optimisation de leur entraînement à outrance. Ils refusent la possibilité de faire 2 Ironmans en moins d’un mois.

Les pros semi protégés, ils sont habitués à faire des top 10, mais ils ont eu des pépins et doivent trouver un moyen de se qualifier tout en étant en mesure de faire des courses lucratives. Andréa Raelert, Marino Vanhoenacker sont dans cette situation. Ce statut risque de les empêcher de faire une course comme Roth. Le classement du KPR était justement pour s’assurer de leur fidélité dans le circuit.

Les spécialistes du 70.3 qui se sentent forcés d’aller à Kona pour atteindre un nouveau statut, À cause de la dominance de certains athlètes comme Melissa Hauschildt ou Terenzo Bozzonne peuvent se qualifier facilement en complétant un ironman. Par le fait que les championnats du monde de  70.3 n’obtiennent pas autant d’attention que Kona, les sponsors les poussent à faire ses courses. À la fin, ils prendront la place de vrais spécialistes.

Et les autres.  Ils représentent la majorité. Ce sont eux qui sont les véritables victimes du système puisque sans un résultat à Kona, il est pratiquement impossible d’obtenir des primes de départ par des organisateurs ou même des primes aux résultats par leurs sponsors. Ils doivent donc investir dans leur propre carrière avec une très grande probabilité de repartir avec une dette. D’ailleurs, le système les forces à courir le plus possible et de risquer l’impossible. On voit désormais des athlètes faire 2 ironmans en 2 semaines et ce phénomène devrait s’amplifier prochainement.

À la fin du compte, on a l’impression que les victoires et les performances en ironman sont devenus de plus en plus secondaires en comparaison à la qualification de Kona. On n’est pas utopique au point de croire que le circuit devrait permettre à plus de 200 athlètes d’avoir des carrières lucratives. On croit surtout que le sport ne pourra jamais grandir médiatiquement si la saison se résume en une seule course.

La WTC avait donc deux choix. Amplifier l’intérêt sur Kona. Focaliser toutes ses énergies sur cette course, ou elle pouvait véritablement essayer d’avoir plusieurs épreuves majeurs où les meilleurs pros n’auraient pu passer leur tour. On pensait que les championnats continentaux allait permettre de nous procurer des saisons avec des grands chelems comme le golf ou le tennis qui doivent justement lutter face aux mêmes problèmes. Malheureusement, la sauce n’a jamais pris en triathlon tout simplement parce que le calendrier a été mal pensé.

Dans la boule de crystal de Trimes, on croit qu’un changement est vraiment nécessaire puisqu’on a créé un système sans se questionner de la viabilité du système pour les athlètes. D’ailleurs, un athlète comme Dirk Bockel a déjà annoncé préféré se concentrer sur des courses comme Roth et Abu Dhabi et donc écarté Kona de sa planification.

Est-ce que d’autres grands noms pourraient faire la même chose? Il suffirait simplement que les commandites accordent moins d’importance à Kona pour que la situation se retourne. Contrairement aux apparences, on aimerait surtout que la WTC créé un système plus proche du tennis. Ou les athlètes devraient avoir un nombre nécessaire de points afin de pouvoir participer aux courses preniums ou championnats.

Un peu comme toujours, le triathlon est un sport jeune qui refusent d’appliquer les recettes des autres sports qui sont déjà passé par là.

 

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