Tony Moulai se fait Trimer > la vie après l’ITU

Trimes étant le président du fanclub de la bonne attitude des élites francais en ITU. Cela fait très longtemps qu’on voulait s’entretenir avec Tony Moulai. 2013 est année marquante pour lui puisqu’elle signifie la fin de sa carrière en ITU. On a voulu en savoir plus sur son apprentissage et comment il envisageait son avenir qui transpire une passion inconditionnelle pour le sport.

Tu as terminé ta carrière internationale sur ta premiere victoire en coupe du monde ITU a Tongyeang, j’imagine que tu as du trouvé cela ironique de finir de cette manière, surtout que tu bats des nouveaux espoirs comme Sissons et Polianski. Est-ce que cette victoire a remis en cause ton arret, ou tu étais vraiment décidé? J’imagine que certains s’attendaisent que tu continues avec Poissy.

Je savais que le voyage coréen serait le dernier de mon ère ITU. J’avais donc misé sur une belle sortie de carrière. Plutôt que de me faire augurer une prolongation, cette victoire, au contraire, m’a incité à quitter la scène de la distance olympique sur une bonne note. La boucle est bouclée. Après, il faut relativiser l’importance de cette course car d’un point de vue concurrence, on était loin d’une start list de Grand Prix ou de WTS. Je retiens seulement le côté anecdotique de ces neuf années de carrière.

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Les athlètes de haut niveau ont généralement de la difficulté a passer à autre chose, et rentrent souvent en dépression. Comment cela s’est déroulé pour toi?

Le fait d’avoir raté ma saison 2013, probablement à cause d’un surmenage, m’a mis la pression au fil des courses. J’ai dû batailler et me remettre en question pour retrouver un semblant de forme. Du coup, j’ai fini la saison moralement très fatigué. Couper deux mois m’aura fait le plus grand bien. Les voyages m’ont également beaucoup aidé à me resourcer. Depuis 1 mois, j’ai repris beaucoup de plaisir à m’entrainer. Pas par nécessité, mais par plaisir! Pour moi, la pratique sportive est vitale. J’en fais depuis que j’ai 7 ans, et que ce soit à-travers du triathlon, du ski, ou du badminton, j’ai construit mon caractère en cherchant le plaisir, la progression et la rigueur. Seul ou avec des complices. Et ce n’est pas anodin si j’ai construit mes amitiés grâce au sport. Dorénavant, je n’ai plus aucune pression extérieure. Je fais ce que j’ai envie et me fixe mes propres objectifs. Même si je reste lié avec mon club de Poissy, je ne participerai pas aux Grand Prix car je ne m’y retrouve plus. Par contre, le club m’ayant proposé d’aller à Abu Dhabi mi-mars, je suis en train de me prendre au jeu de l’entrainement/objectif. Un triathlon avec 100km de chrono est tout nouveau pour moi. C’est pourquoi, j’essaie de me préparer en conséquence. Pas question d’agraffer un dossard pour se faire ridiculiser!

Donc, tu n’es toujours pas rassasié, comment expliques tu ça? D’ailleurs, as-tu senti une certaine dépendance au processus?

Biensur qu’il y a une dépendance! Je n’ai aucune honte à affirmer que je suis addict de sport. Me priver d’endorphines serait m’enlever une partie de moi. Tant que je suis en bonne santé -et quelle chance!!- je refuse l’oisiveté. Par contre, et en ayant pratiqué du sport de haut niveau, on acquiert des réflexes perverses. Je m’explique. Voilà, je me suis fixé un objectif en mars. Il ne m’a pas fallu longtemps pour me construire une planification, et de m’entrainer de plus en plus. Alors que je voulais aborder cette course avec décontraction, me voilà reparti à m’entrainer comme en 14! C’est le revers de la médaille, rechercher la perfection nous oblige à l’exclusivité!

Tu as une longue histoire avec le club de Poissy, ce club t’a supporté durant des nombreuses années, as tu pensé à devenir une sorte de mentor pour les jeunes et t’assurer qu’ils gardent en tête les bonnes valeurs du sport?

Je ne suis pas certain de pouvoir endosser ce rôle. D’une part parce que je n’habite pas à Poissy. Je ne suis donc pas en contact direct avec les jeunes. D’autre part, parce que je suis assez radical dans ma conception du haut niveau. Je trouve que l’on fait trop de psychologie avec la nouvelle génération. Je ne suis certes pas pour le « marche ou crève », mais disons qu’il y a un juste milieu. Lorsque je vois l’énergie dépensée par certains entraineurs pour motiver certains athlètes, ou pour alimenter leur investissement, je ne souhaite pas pour l’instant me projeter dans l’entrainement. Faire la distinction entre le triathlon-performance et le triathlon-loisir n’est pas évident chez les jeunes car ces deux conceptions se chevauchent. Et la principale qualité à mon sens, est à mettre au crédit de l’entraineur qui gère le groupe, les différents caractères et motivations. Pour en revenir aux valeurs que je suis en mesure de transmettre, je dirais tout simplement qu’elles se lisent sur mon corps. C’est au-travers mes résultats, ma façon d’aborder les courses, ou de m’entrainer, que ceux qui m’ont côtoyé de près ou de loin, ont peu se faire une idée de ce que je dégageais.

D’ailleurs, tu es enseignant d’éducation physique. T’as rentrée sera pour Septembre. Pourquoi ne pas enseigner le triathlon?

Mon métier ne consiste pas à faire pratiquer le triathlon. Peut être le faire découvrir. Mais les conditions de pratique sont tellement difficiles à réunir que je ne me fais pas d’illusion. D’un point de vue éducatif, je serais beaucoup plus motivé à enseigner le bike and run, qui selon moi, a un véritable potentiel.

Parlons de ta carrière, Tu as eu la chance de faire les Jeux Olympiques de Bejing, mais tu n’a pas été en mesure de te qualifier pour Londres. Est-ce que tu es un peu amer face à cet épisode de ta carrière, surtout que trop souvent, c’est le seul triathlon qui touche véritablement le grand publique et qu’ils n’ont pas les outils pour comprendre que l’ont peut être satisfait sans gagner.

Une carrière est faite de victoires et de défaites. Biensur qu’on est déçu de ne pas accéder à un événement comme les JO! Ce fut une vraie déception. Surtout que ça ne s’est pas joué à grand chose. Mais on connait les règles du jeu avant de signer. C’est la loi du sport. Nous ne sommes pas toujours maitre de notre destin. Même si on fait tout pour l’être, les choses ne se passent pas toujours comme on le voudrait. Si on regarde le cas de Will Clarke et de la sélection anglaise, certaines décisions peuvent être terribles et inacceptables! Personnellement, j’ai trouvé mon salut dans la lutte. J’ai refusé de me laisser abattre et me suis entrainé pour garder le goût de la victoire.

J’imagine que tu aurais voulu prendre ta revanche à Londres. On ne t’a pourtant jamais senti amer face à ta non sélection, au contraire… As tu l’impression que l’ITU est dans le faux en misant tout son fonctionnement (qualif) sur les Jeux?

L’ITU n’a pas bien le choix. Tout comme beaucoup de fédérations, elle vit grâce à l’échéance olympique. Si l’on enléve les JO à la FFTRI par exemple, que reste t’il? Alors si l’on enlève les JO à l’ITU, beaucoup de fédérations vont se désintéresser du circuit international. Personnellement, si ma fédération ne m’avait pas soutenu toutes ces années, en m’envoyant aux quatre coins du monde pour m’aguerrir, progresser et performer ; si par ailleurs, je n’avais pas eu un détachement de l’éducation nationale grace à la FFTRI, je n’aurais jamais eu la même carrière!

D’ailleurs ces jeux, on fait oublier tes différents podiums en coupe du monde… Quels sont tes sentiments lorsqu’on évoque ton palmarès? Fierté ou regrets?

Une chose est sûre, c’est que je n’ai aucuns regrets. A quoi bon en avoir, c’est de toutes façons trop tard. Au contraire, je suis fier de ce que j’ai réalisé. Il n’y a certes, rien d’extraordinaire, je reste un athlète lambda du circuit ITU, avec quelques faits d’armes. Mais malgré tout, je suis heureux d’avoir eu une vie extra-ordinaire, dans le sens de, différent de l’ordinaire.

Tu es arrivé assez tard sur le circuit, penses-tu que cela a été une force pour toi dans ton développement?

J’étais effectivement mûr pour une pratique exclusive. Jusqu’en 2007, je ne connaissais pas le quotidien de la vie professionnelle. Cela faisait déjà 7ans que je travaillais en tant qu’enseignant, et que je conciliais mon entrainement. Dès lors que j’ai obtenu un détachement de l’éducation nationale, j’ai pris conscience de ma chance et ne me suis jamais détourné de mon chemin olympique.

Depuis Bejing, on a cru assister a une révolution avec la montée en force des Brownlees, as tu eu l’impression d’avoir un sport en constante évolution? T’es tu senti dépassé?

Oui, le niveau en triathlon est en constante progression. J’ai fait mon premier championnat du monde en 2005 lorsque Peter Robertson gagne. A partir de 2006-2007, on a assisté à la quasi-suprématie de Gomez. Puis à partir de 2009, Brownlee. Mais je me suis senti effectivement senti dépassé en 2013, car à défaut d’avoir un ou deux athlètes hors normes, comme c’était le cas jusqu’à maintenant, on retrouve derrière les Brownlee et Gomez, des Mola, Murray, Vidal, Silva, Hauss… qui sont constants toute l’année. Et derrière eux, il y a une dizaine d’athlètes qui ne donnent pas leur part au chien!! Rien qu’en France, Luis, Raphaël et LeCorre sont en train de prendre beaucoup d’assurance! En cela, la prochaine olympiade s’annonce effervescente! Et j’avoue être très heureux de la suivre en tant que spectateur!

On imagine qu’avec la popularité de la longue distance chez les amateurs, certains voulaient te voir en longue distance, pourquoi a tu resisté à ce poin Et l’avenir?

Mon investissement futuŕ sur quelques discipline que ce soit, sera déterminé par mon avenir professionnel, ainsi que par mes résultats sportifs à venir. Si ça fonctionne et que je prends du plaisir, je ne me refuse aucune piste.

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1 commentaire
  1. Tony,

    On croit en toi et en tes capacités. Même si 2013 a été dur tu peux sûrement relever le défi de l’Ironman.

    Le club de Poissy est avec toi.

    Go far, go fast.