David Hauss se fait re-trimer. 2015, l’année de tous les changements.

Après une absence qui s’est prolongée sur le circuit, l’athlète qui avait terminé 4e aux jeux olympiques de Londres reviendra sur le circuit de la série mondiale 2015. Lui, dont tout le monde voudrait revoir retrouver sa place sera pourtant un athlète différent. Trimes a profité de ses derniers jours en Europe avant de retourner à la Réunion pour s’entrainer avec son père pour en savoir plus. 

Depuis notre dernière entrevue, il y a eu un grand nombre de changements dans ta vie…

Le premier est que tu es devenu papa. Disons que c’est un grand ajustement à faire pour un athlète. Cela est vu comme un risque pour certains, bon ou mauvais. Peux-tu nous dire comment tu vis cela pour le moment?

Oui effectivement c’était en octobre dernier, tout juste entre 2 coupes du monde, il s’en est fallu de peu que je loupe ça !

Mais c’était une volonté de notre part que de faire un bébé qui puisse voir le jour au moment de la saison creuse de triathlon afin d’organiser au mieux le changement de vie à venir. 3 mois plus tard, je ne regrette vraiment pas si on peut dire, c’est beaucoup de bonheur…

Habituellement, je ne suis pas quelqu’un qui prévoit trop les choses à l’avance, je me suis dit que quand il sera là, je ferai du mieux possible… pour lui, pour nous, pour moi, alors assez naturellement les priorités ont fait surface. L’organisation s’en sort modifiée, mais je dois avouer que Mélanie est une très bonne maman !

Côté sport, j’avais prévu de revenir fort à pied, le climat frais de la Suisse et les différents parcours me le permettent largement. Je dirai que tout cela donne encore plus de sens à ma pratique et cela m’aidera pour la suite.

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Est-ce que cela a changé ta manière de t’entrainer? Ta femme Mélanie Hauss étant une ancienne élite ITU qui était dans le projet olympique suisse, on imagine que c’est plus simple pour trouver l’équilibre.

Oui, ma façon de m’entraîner a changé et va d’ailleurs changer encore plus quand je rentrerai à la Réunion la semaine prochaine 😉 J’entends par là que c’est le contenu de mes séances et l’approche que j’en ai qui a changé, pas le fait d’être devenu père. L’équilibre je vais devoir le trouver en saison quand je serai parti à droite, à gauche sur le circuit, mais comme tu le dis ma femme est une ancienne du circuit et connait les sacrifices à faire. Disons que jusqu’à RIO on se donnera les moyens de concrétiser nos espérances.

Melanie devait aussi très bien t’assister durant ces deux dernières saisons. On imagine que cela n’a pas dû être facile pour toi de rester à l’écart aussi longtemps.

Je crois que les choses n’arrivent pas par hasard, l’Histoire est longue à être écrite, mais avoir rencontré Mélanie dans cet univers de sport signifiait quelque chose, de même que de me retrouver à l’écart, mais à l’écart de quoi ?

Mon pote rasta dans l’âme me disait un jour alors que nous étions sur la pointe en train d’admirer le coucher de soleil :

_« Mais man, si tu t’écartes de là, c’est pour te rapprocher de quelque chose? No worries, les bonnes vibes te feront revenir… »

Les choses changeaient et se mettaient en place doucement, c’est pourquoi ça n’a pas été si difficile de rester à l’écart. J’ai été bien soutenu. La roue a tourné et aujourd’hui l’envie et le plaisir sont revenus.

As-tu l’impression que tout cela a changé en quelque sorte ta vision et ta motivation dans le sport? Je veux dire par là que ta réussite sportive devient une nécessité pour ta famille. La pression sur tes épaules est différente.

J’avais perdu avec ce cheminement olympique d’avant Londres, beaucoup de ce qui m’avait fait commencer et aimer le triathlon et c’est paradoxal, car les JO est une fin en soit, mais je ne m’y suis pas retrouvé au final. j’étais devenu une machine d’entraînement et je mettais tous mes états d’âme de côté dans le seul but de remporter la médaille. Ce fut une expérience riche d’enseignement, mais après les JO, j’ai du faire un break pour reposer mon esprit et mon corps. La maturité grandissante à changer ma vision des choses, mais pas mon envie de gagner, qui en ressort même renforcée! Cette motivation est intrinsèque, j’ai continué, car je sais qu’au fond de moi je peux faire mieux et peut importe la marque que je représente. L’argent, si je voulais en faire, je serai passé sur le long en 2013 ou fais quelque chose de complètement différent.

Dans les autres changements, il y a celui de tes supports, comment as-tu vécu ta séparation avec Specialized. As-tu vu cela comme le retrait de leur confiance sur ton avenir?

Oui plutôt ! Les grosses boites comme celle-là markète beaucoup… Il faut être présent, faire des résultats, faire de l’image, faire du buzz. Rester actif sur les réseaux sociaux est important. Si tu rentres dans le plan, c’est tout bénef sinon c’est plus compliqué. Je comprends ce business, et même si je ne suis pas surpris par la non-reconduction de mon contrat étant donné mon manque de présence ces 2 dernières années, cela démontre encore une fois le côté mercantile du sport s’il fallait encore le prouver, mais dans le triathlon c’est assez nouveau, cela prouve aussi que la discipline grandit et que des multinationales peuvent s’y intéresser et amener les moyens conséquents pour les athlètes dépassant l’image de notre sport.

2014 a été une saison difficile pour toi puisque tu as été en mesure de revenir qu’en fin de saison. Le visage de l’équipe de France a pas mal changé depuis. Comment as-tu vécu tout cela?

C’est vrai que l’Équipe de France s’est considérablement rajeunie et c’est une bonne chose. Cela veut dire que la densité existe et que les plans de détection quelques étages plus bas fonctionnent très bien, que les entraîneurs nationaux et régionaux font du très bon travail. Les récents titres internationaux sont là pour enfoncer le clou, il faut s’en féliciter.

Le groupe vit bien, jeunes, moins jeunes, coachs, nous avons tous à apprendre de notre prochain.

Quant à ma situation personnelle vis-à-vis de cela je répondrai simplement par un dicton qui m’est propre : si t’es fort, t’es fort

À l’exception de Vincent Luis, sur les 8 athlètes susceptibles d’aller aux Jeux, tu es déjà celui avec le plus d’expérience. Même si le triathlon est un sport ou cela se joue sur la performance d’un athlète, l’aspect tactique et mental est devenu tellement important que ton expérience sur le circuit devrait te favoriser, non?

Oui, c’est vrai que mon âge fait de moi le plus expérimenté de l’équipe, celui qui compte le plus de départs en WTS en tout cas. Je crois que cela m’aidera dans l’organisation de ma saison et l’enchaînement des courses. Après sur une épreuve d’un jour, on sait tous qu’en sport tout est possible et encore plus lorsque les distances se raccourcissent.

Tes deux dernières années, tu les passes pratiquement totalement en dehors du circuit. On se dit souvent que cela peut tourner à ton avantage puisqu’il existe une sorte d’usure chez les athlètes sur le long terme. Cet aspect est indéniable chez les femmes et les hommes?

On observe en triathlon comme des cycles de performance, 2 ans, 3 ans, cela varie… hormis quelques exceptions, c’est surtout vrai chez les femmes, de par leurs constitutions, mais aussi leurs niveaux d’implication très poussée. Notre sport est très exigeant et il est rare de voir quelqu’un être régulier sur une carrière entière, bien que ce soit un mauvais exemple, car avec 3 athlètes d’exception chez les hommes et surtout Gomez qui domine depuis 2004, ce sont ces exceptions qui confirment la règle. Mais en effet, cela peut être bénéfique sur du long terme de prendre du recul pour se régénérer et durer dans le temps.

D’ailleurs, comment juges-tu le niveau depuis les Jos de 2012? As-tu l’impression que les ténors hypothèquent leurs futurs ou que les athlètes n’ont pas retrouvé leur forme olympique? Ou on devrait tout simplement parler d’une évolution où tout le monde est de plus en plus complet.

Le niveau se densifie d’année en année, c’est un fait. Mais avec 1 seul départ en WTS (Grande Finale à Londres ’13, 12e) et quelques coupes du monde en 2 ans, je ne suis pas le mieux placé pour dire si le niveau est meilleur ou pas… Cela dit, après une discussion avec les BB justement, leurs idées sur la question étaient proches à la mienne pour dire qu’au alentour de 30’30 cette année à pied beaucoup de podiums étaient jouable. Encore fallait-il être en mesure de poser devant !!! Je crois qu’en cette année post-olympique le niveau va doucement se ré enclencher pour qu’enfin l’année prochaine on ait une bonne 10aine d’athlètes capable de courir sous les 30’ contre 4/5 en ce moment !!!

Où penses-tu être en ce moment? Ta récente performance sur la corrida d’Houilles semble démontrer que tu es déjà revenu à ton meilleur niveau en course à pied, non? Appréhendes-tu avec impatiente de reprendre le circuit.

Je pense être pas trop mal à pied et un peu en avance sur les années précédentes. 29’46 à Houilles c’est bien, mais tout de même pas de ce que je suis capable de faire, tout s’est mal goupillé là-bas, j’étais un peu dégouté du déroulé de course… L’important est d’avoir validé des paliers et touché du doigt un niveau de performance, il sera plus aisé pour moi d’y revenir en saison. Cela dit, il me faudra encore du temps pour assimiler ma nouvelle façon de travailler alors non je ne suis pas pressé de reprendre et même si les JO sont déjà demain, Abu Dhabi c’est tout à l’heure. Ça va très vite arriver!

As-tu l’impression qu’on t’a oublié un peu?

Là encore, cela dépend du point de vue ou l’on se place. Si certaines personnes m’ont sans doute oublié, d’autres au contraire, se souviennent bien de moi…

De l’extérieur, on a l’impression que la natation a pris de l’importance depuis que les Brownlee s’imposent le rythme. Chaque saison, on s’imagine qu’il faudra nager encore plus vite. Le vois-tu de cette façon?

Oui bien sûr ce sont eux qui dictent la course alors leurs laisser 1 mètre c’est déjà 1 de trop, tant qu’ils seront devant à la sortie de l’eau, il faudra être au contact pour dilapider le minimum de force en cours de route. Avec la densité d’athlète, le départ revêt une importance primordiale, c’est important d’être à la bataille et de pouvoir influencer les courses.

On pense déjà tous à Rio, son climat et son parcours devraient t’avantager, non? As-tu l’impression que les conditions seront le plus grand adversaire pour les Brownlee puisqu’ils ont du mal dans la chaleur?

Rio c’est un climat tropical bien qu’en aout les températures ne sont pas insurmontables, car en hiver austral, cependant il peut exister de grande variation de température d’un jour à l’autre. Alors qui sait, un gros coup de caniard peut faire des dégâts pour tout le monde. Personnellement, j’aime bien ces conditions chaudes et humides, ça me rappelle mon île, cela ne veut pas dire que j’y suis performant, mais j’aime quand les courses sont rendues difficiles par les conditions climatiques.

Pour le moment 2015 sera déjà une année importante puisqu’il y aura probablement 2 spots attribués pour les Jeux à Rio et à Chicago. Est-ce que cela va totalement changer ta planification de la saison pour être à ton meilleur sur ces deux courses.

Non ma planification ne changera pas fondamentalement par rapport aux années précédentes, j’aime attaquer fort la saison pour être de suite placé dans le Ranking WTS, ensuite rester à l’écoute des sensations pour étager le préparation et arriver au top début aout, car comme beaucoup de monde le sait, le Test Évent est la course la plus relevée d’un cycle olympique, car la possibilité pour les pays d’amener 4 voir 5 athlètes. La WTS de Chicago en qualité de Grande Finale sera également un rendez-vous incontournable de la saison.

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Est-ce que la série mondiale n’en payera pas le prix? Je veux dire par là qu’un athlète manquant de patiente et très fort en début de saison pourrait finir par en payer le prix. As-tu l’impression qu’il y a des choix à faire?

Il y aura cette année plus de courses sur le circuit WTS, elles seront au nombre de 10 contre 7 ou 8 au préalable. J’entends par là que chacun sera en mesure de mettre une tactique en place pour se qualifier, les options vont donc diverger et bien malin à celui qui en profitera. On peut penser que les tops 5/8 seront plus accessible, mais chacun voudra marquer son territoire et avoir le meilleur dossard possible donc la densité sera bien là. En tout cas, une chose est sûre, le champion du monde 2015 ainsi que ses dauphins ne seront pas de pacotilles !

À la fin, tout tourne toujours autour des Jeux olympiques, n’est-ce pas dommage?

Oui bien sûr, l’ITU le sait très bien et tient bien ses ficelles… celles-ci mêmes qui briment la volonté des athlètes de diversifier les courses à d’autres fédérations. En multipliant les courses aux quatre coins du monde, en sortant des réglementations des plus farfelus d’un côté, mais n’augmentant pas le prize money ou supprimant les avantages des athlètes de l’autre. Le fossé se creuse avec les athlètes, qui pour beaucoup ne pourraient vivre ce rêve olympique sans un soutien appuyé de leur fédération, mais là est le prix du rêve qui à lui seul efface toutes ces turpitudes. Les Jeux représentent tellement pour les « petits sports « que les fédérations internationales se plient sans sourciller, mais comme dirait l’autre, Kingston ne s’est pas révélé dans 1 seul riddim.

As-tu quelque chose à ajouter?

Un simple message de soutien à mon pote Lau Vidal qui nous manque en Equipe de France 😉

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