La chronique de Tony Moulai > Prends de l’altitude!

Pourquoi ne pas investir les montagnes cet été ?

Plaisir des yeux, douceur des températures, relief des parcours,  quiétude de vie… Tout semble réuni pour passer de bonnes vacances ! Mais, c’est sans compter la légère dette en oxygène que vous subirez au quotidien, des simples marches d’escaliers jusqu’au footing dans les alpages !

Néanmoins, vous avez tout à y gagner. Le retour à la maison sera bénéfique. À condition de respecter quelques règles !

J’ai décidé de vous parler de mon expérience personnelle, car  tout a déjà été dit sur l’entrainement en altitude et vous en connaissez sans doute les grands principes. Mon apprentissage du domaine a été ponctué d’étapes au demeurant, singulières, mais à travers lesquelles beaucoup risquent de se retrouver.

Je vais être très clair sur mes affirmations : l’entrainement en altitude m’a ouvert des perspectives de performance plus larges. Et je tiens à ajouter également que c’est suite à ces périodes, environ 20jours après la descente, que j’ai ressenti mes meilleurs moments de bien-être, ce qu’on appelle communément « avoir la pêche », et je vous le donne en mille, ça, c’est le bonheur !

Par contre, il y a un prix à payer. Il faut s’attendre à traverser de gros moments de doute et de fatigue conséquents à l’impact du séjour et de ses entrainements, généralement situés entre le 5e et 15e jour après la descente.

Découverte

J’ai donc commencé à investir les hauteurs en 2001-2002, en prolongeant ma semaine de ski de printemps dans l’Oisans (1500m), par une semaine de camping-car aux Menuires (1800m), et à l’Alpe d’huez (1800m). Une grosse quinzaine de jours à radicaliser mon quotidien : footing à jeûne, ski, course, natation, vélo, re-course, en diminuant mes rations alimentaires, en bannissant les graisses, les sucres, voire les sucres lents, et en vivant seul dans mon fourgon. Inutile d’aborder les différentes allures. Il n’y avait qu’une…

10628712_817845341593495_8776929151641256221_oSi cette démarche peut paraitre ubuesque, elle avait le mérite in fine, de me faire toucher le fond. Le stage n’était heureusement pas assez long pour affaiblir mon organisme de façon irréversible, comme j’aurai par exemple à le subir dans les années futures. Du coup, j’avais besoin de quelques dizaines de jours pour récupérer et pour rebondir.

Avec le recul, voici les deux points fondamentaux qui m’ont permis de réussir ces premiers stages :

La récupération. Si vous la shunter, au mieux, vous ne ressentirez aucun effet, au pire, vous  plongerez dans les turpitudes de la fatigue quotidienne.

Et le mental. Si vous croyez fort en ce que vous faites, et que vous voulez aller au bout de vos desseins, vous y parviendrez. Comme on dit, la foi déplace les montagnes ! Je pense qu’on ne soupçonne pas la force du mental, et qu’il faut s’en servir pour se différencier des autres athlètes.

Après cette première exposition d’avril,-mai, je retournais pendant les vacances estivales selon le même principe.

Font Romeu

Vinrent ensuite les séjours à Font romeu. Un à Pâques et un en juillet.

Jusqu’en 2005, j’adoptais la même stratégie du « tout à fond ».

Le premier stage se fit avec l’équipe de nageurs d’eau libre de St Affrique. Autant vous dire que je ne faisais pas le déplacement à la piscine pour rien ! Sans compter mes footings à 170 puls. Pourquoi si haut? Simplement pour respecter mon allure de plaine, et ne pas paraître ridicule à courir trop lentement… L’avenir m’apprendra à courir à faible vitesse, le fameux footing à la burundaise !
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Le second stage se fit avec la FFTRI parmi les espoirs du triathlon français. Tout seul, j’étais déjà très capable de me mettre bien comme il faut, mais alors, avec 10 jeunes furieux (Vidal, Hauss, Bushino, Pernet, Moreau, Boulch, Dorez, Vincent, Batelier, Sudrie, Lequerré, Becker) ce fut l’apothéose ! La course tous les jours, chaque col était un GPM, même dans les descentes, ça attaquait ! Fi des sermons des coachs. Fi des séances récup. Nous étions des jeunes chiens fous en quête de confrontation et de sueur. Bref, nous finirent les 15 jours dans un état lamentable.

Personnellement, j’ai fini les 15 jours dans un tel état de fatigue que je n’avais plus envie de m’entrainer. 3semaines de repos plus tard, je réalisais mon premier podium sur coupe d’Europe (Genève).

L’âge de raison

Le troisième stade de mon apprentissage de l’entrainement en altitude se fera avec mon entrée dans la préparation olympique. Là, on ne plaisante plus. Font romeu en janvier, Font romeu puis Prémanon (jura) en juillet.

L’encadrement déroule son protocole et les athlètes sont beaucoup moins nombreux.

L’acclimatation est imposée. Les allures sont adaptées. Des tests HRV (Heart Rate Variability) sont effectués sinon tous les matins, au moins trois fois la semaine. Le but est de ne pas générer de fatigue et d’optimiser les entrainements.

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Bref, on arrête de faire n’importe quoi, et surtout, on vise un pic de forme préalablement défini avec le staff. Au lieu de viser un bon état de forme dans les 10, 15 jours après la descente, on va cibler les 2, 3 jours.

Ce fut assez frustrant en fait. Alors que j’optimisais mes stages précédents en chargeant en volume et en intensité, il me fallait désormais accepter de ne pas faire une séance dure, car mes énergies étaient trop basses. Ou encore, accepter de faire un footing au cardio pour ne pas dépasser les 140 puls. Moi qui faisais tout à l’instinct, j’eus beaucoup de frustration à « perdre mon temps », du moins à ne pas remplir au mieux les pages de mon cahier d’entrainement.

L’âge de compréhension

Pour préparer les JO de Pékin, nous avons utilisé les chambres hypoxiques au CREPS de Prémanon (centre à 1000m et hypoxie simulée dans les chambres à la demande) et que, malgré l’excellence du site, nous n’avons pu  faire coïncider le pic de forme avec le voyage et le décalage horaire de la Chine. En outre, nous avons trop écouté les principes de prudence du test HRV par peur du surentrainement, et nous n’avons pas déclenché de fatigue, initiateur du fameux rebond de forme.

11354745_982128835165144_692175992_nCe cuisant échec (abandon pendant la course) va m’inciter à me reprendre en mains.

Dans le même temps, l’acquisition d’un appartement à la Plagne (2000m) va me permettre de multiplier les montées et d’apprendre vraiment à connaître les réactions de mon corps.

Ces dernières années, ne pouvant plus nager en altitude, j’ai utilisé le principe du « live high, train low ». Certes, beaucoup de déplacements, mais au final, un très bon ratio entre l’entrainement aérobie et spécifique courte distance.

En course à pied, 80% des séances éprouvantes (allure course) se faisaient dans la vallée.

La VMA courte se faisant sur un chemin relativement plat à 1600m, il m’arrivait aussi de la faire sur un grand stationnement à 2100m.

Footing récup là-haut entre 2000 et 2200m, soit vallonné, soit sur mon stationnement (oui, beaucoup de tours).

La natation se faisait donc en bas en grand bac. Pour m’épargner un aller-retour en voiture, je me faisais une séance de musculation là-haut également.

Concernant le vélo, l’alternance séances plates en vallée, et cols est une parfaite combinaison du rapport puissance, aisance cardiaque. Lorsque vous devez gravir un col de 16km, même en aérobie, vous développerez toujours plus de watts que sur le remblai de la Baule !

Ce dispositif est d’autant plus adapté à ma conception de l’entrainement en altitude qu’une des clés selon moi, lorsque l’on pratique la courte distance, est de descendre régulièrement (1fois tous les 3jours) en vallée afin de faire une séance de rythme.

En altitude, il est difficile de reproduire les vitesses élevées et de faire monter les pulsations cardiaques. On croit que le cœur monte, mais en fait, il est bridé par la ventilation. Pour pallier au manque d’oxygène lors de l’effort, l’organisme a le réflexe de ventiler plus. D’où l’intérêt de « débrider » le cœur en vallée, où il n’y a pas de facteur limitant, si ce n’est le réflexe qu’a conservé l’organisme qui, quelques heures plus tôt, était encore en altitude. Et c’est de là que provient l’inconfort de ces séances de déblocage : « on force, on ventile fort, et on n’est qu’à 800m d’altitude ??!! Que c’est dur !».  Mais c’est très important de le faire si l’on ne veut pas être un diesel à la fin de ses 15 ou 20 jours d’exposition.

En 2011, je décidais de participer à la course de Guatape en Colombie, située à 1900-2000m d’altitude. Me préparant sur place pendant 2 semaines, je gérais parfaitement ma préparation et ma course puisque ce n’est qu’une pénalité qui me priva de la victoire. (et Etienne Diemunsh bien sûr, qui était en embuscade, qui n’enlève rien à sa performance)

Aujourd’hui, je pense connaître la recette pour performer le jour J. C’est le fruit d’une dizaine d’années d’expérience. Voici quelques conseils pêle-mêle :

Bien s’hydrater. Sinon, le sang s’épaissit et dessert moins bien les muscles.

Faire une cure de fer naturel : spiruline, brocolis, lentilles, et viandes rouges. L’associer avec un kiwi, mais surtout pas de thé ou café, car ces boissons vont empêcher la fixation du fer.

Si vous prenez du fer en comprimés achetés en pharmacie (Ferrograd par exemple), les 9/10èmes du fer partiront aux toilettes, d’où les désagréments digestifs. Eh oui, on ne peut pas assimiler 120mg de fer en une prise !

Manger plus de fruits et légumes qu’à l’accoutumée, car l’organisme s’oxyde plus (radicaux libres).

Profitez du relief et de la beauté alpine pour vous faire de longues courses-marches.

N’hésitez pas à lâcher les chevaux  dans les descentes. Les quadriceps seront sûrement tendus le lendemain, mais c’est un excellent travail de musculation excentrique.

Si vous voulez vous affûter, ne cherchez pas à diminuer vos rations caloriques, car on brûle toujours de calories en altitude, même la nuit ! Mangez normalement.

Selon moi, l’entrainement en altitude est bénéfique à partir de 1600m.

Enfin, si vous voulez viser un rebond à 2,3 jours de la redescente, vous devrez vous reposer les 10 jours précédents la course : 90% d’aérobie. Oubliez la séance du mercredi, et programmez-la le week-end précédent, voire s’il s’agit d’une séance difficile, 10 jours avant.

Si par contre, vous visez le fameux pic de forme situé entre 18 et 21jours de la redescente, faites-vous plaisir jusqu’au bout du stage !

La balle est dans votre camp maintenant, mais sachez avant tout, qu’être là-haut est un pur bonheur, mais que l’entrainement y est difficile. Préparez-vous à souffrir ! Au plaisir !

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