Edito > Kona m’a tuer. Une histoire de famille.

Oui, Kona c’est mythique avec son cadre si particulier et c’est la course qu’on attend toujours avec impatience. Mais, un examen de conscience s’impose puisque le paradoxe est de plus en plus saisissant, profiter d’une nature presque vierge pour y tenir une course qui n’a jamais été aussi matérialiste et si exclusif.

L’aspect historique de Kona est devenu sa force, mais c’est le fruit d’une course qui a su rassembler tous les ans les meilleurs athlètes au monde. Alors que cela devrait être une fête pour tous, les locaux voient cet événement comme un moyen de faire des affaires et résistent à un potentiel chantage venant de la WTC. Dans cette ile si distante, ils prennent leurs distances avec ce milieu, logique?

Nous, on préfère voir ce championnat du monde comme une réunion familiale comparable à Noël. Une sorte de rendez-vous annuel obligatoire pour être considéré dans la famille Ironman. Une sorte de monstre dont les athlètes n’ont plus vraiment le contrôle tant que les figures de style sont devenues imposées.

Un cirque?

Tout le monde sort ses plus beaux habits et joue la carte de la surenchère. Les marques tentent de faire un coup de force en 7 jours. Il faut marquer son territoire en étant partout et en se montrant la plus généreuse possible. Donnez des avantages aux athlètes afin de perpétuer la tradition du priviléges et ils vous le rendront en retour, ou pas. Ironiquement, elles sont dans les abonnés absents par s’associer avec les vraiment acteurs du sports le reste de l’année…

Beaucoup sont mécontents, mais préfèrent ne pas cracher dans la soupe par faute d’alternative. Les pros sont continuellement pris en otage, même si les profits de la WTC explosent, les bourses offertes au pro n’évoluent pas.

Les médias jouent la carte absolue de la complaisance et préfèrent ignorer les problématiques. Il ne faudrait pas se fâcher avec la main qui te nourrit. Il faut vendre du rêve, montrer qu’on y a sa place. Les photos se multiplient…  mais pas grand-chose n’est dit sur la course. On devrait informer, mais on préfère illustrer.

On dit fréquemment que certains athlètes sont plus grands que leur sport, Kona est certainement plus grand que le triathlon. Cette course a su jouer la carte de l’exclusivité et la plupart de ses  pratiquants se plaisent à discréditer les autres formes de triathlon.

À ce chapitre, on se répète souvent, mais on apprécie toujours la franchise de Frodeno lorsqu’il préfère comparer Kona à Wimbledon et non comme son Graal. L’or aux Jeux olympiques reste, à ses yeux, son plus grand accomplissement. Comme il le dit, c’est le rêve commun d’un enfant. C’est U.N.I.V.E.R.S.E.L.

Pourtant, la question mérite de se poser, est-ce que Kona est véritablement un outil pour développer le triathlon? Il y a une grande différence entre fidéliser les triathlètes à un circuit avec une course exclusive comme appât et vendre un sport dans son intégralité. On a effectivement laissé la propriété d’un sport à une compagnie qui est dans un soucis de rentabilité. Elle le développe dans leur intérêt. La messe est dite?

L’impression que seule Ironman peut organiser une triathlon de longue distance de qualité s’est imposée pour de nombreux pratiquants. Pourtant, c’est un phénomène unique, puisque la fidélité à une organisation n’existe pas en marathon ou en cyclisme. Même dans les nouveaux sports comme les courses à obstacles, Ironman réussit l’impossible en éclipsant sa concurrence. En 2015, au Québec, aucune organisation indépendante n’offrait la distance Ironman.

Oui, dans ce chantage commercial où l’universalité du sport a fait place à l’exclusivité. On a perdu le contrôle d’un sport qui depuis, renforce le concept d’un club social sportif. Ironman a su dévaloriser les autres courses comme étant des événements de second ordre. Seule la France avec des courses comme Embrun qui jouent aux Gaulois.

On est tous pris dans le piège et complice.

Le succès de la WTC est justement basé sur le privilège d’aller à Kona. Billet ultime pour faire partie de la grande famille Ironman. D’ailleurs, cette formule trouve désormais du renfort avec le programme AWA (All World Athlete) qui récompense les athlètes les plus fidèles et compétitif.

Rassurez-vous, on ne regarde pas de haut ceux qui participent à Kona, bien au contraire. On sait très bien que certains partagent aussi ce malaise et souhaitent aussi une évolution. On ne crache pas non plus totalement dans la soupe et on ne renoncerait pas à un départ à Ironman Nice, Mont-Tremblant ou encore Vichy. La qualité dans l’organisation de leur course est indéniable. En plaçant la barre aussi haut, rivaliser est pratiquement devenu impossible.

Mais toute cette sophistication, est-ce vraiment nécessaire? Ma course serait-elle moins belle avec moins de tapis ou d’arche gonflable?

Il demeure que cette problématique doit bien finir par être abordée parce que le triathlon doit retrouver son côté populaire et rassembleur et son sort ne changera jamais.

Demander 1000$ en frais d’inscription, face à un prix d’accès aussi imposant, peut-on discuter de la légitimité d’un championnat du monde lorsque l’aspect financer en rebutera certains? C’est devenu un obstacle si important que de nombreux athlètes vont voir ailleurs.

On a le droit de rechercher la compétitivité se devoir hypothéquer sa maison.

Ironman profite d’un amalgame entre fidèles et une clientèle sans cesse renouvelée. Ajoutez à cela la perte de vitesse de Challenge et la WTC aura le chemin libre pour imposer sa vision. Un monopole presque parfait.

Comment changer tout cela?

Cela passe par un intérêt pour le triathlon qui dépasse les limites des initiés. Il doit s’imposer comme un sport populaire et rassembleur et casser cette image d’exclusivité.

L’offre grandissante des courses Ironmans pourrait bien changer le ratio actuel dans l’offre et la demande. Fraichement arrivée en 2014, Ironman Vichy offrait les couts d’inscriptions les moins élevés au monde. On pourrait voir la WTC comme l’ennemi absolu, mais on a atteint un point de non-retour, et seule elle remédier à la situation.

On ne vend pas le marathon avec le rêve de prendre part à une course en particulier. Le triathlon est toujours à la recherche de cet équilibre qui est pourtant trouvé depuis très longtemps dans les sports individuels comme le tennis, le golf, le cyclisme, le marathon avec des grands chelems ou des courses classiques.

Le triathlon ne doit pas se concentrer sur un seul événement, mais plusieurs événements majeurs pour provoquer un intérêt constant. L’initiative de créer des championnats régionaux d’Ironman n’est toujours pas assez appuyée, mais part d’un bon principe. Malheureusement, le système actuel s’articule toujours autour de Kona avec son classement qualificatif.

Par ce fait, les meilleurs continuent à s’éviter et font des choix en fonctions des points et non aux bourses. La raison est toujours la même, sans qualification à Kona, les sponsors seront nettement moins généreux.

Rumeur ou pas, le déménagement des championnats du monde pourrait bien être comme l’opportunité de changer la méthode Ironman. La WTC n’arrêtera jamais Kona, mais on est arrivé à un point où il fallait agrandir la maison. Le sport a besoin de se rapprocher de ses pratiquants. On rêve déjà d’un circuit avec des courses grand chelem.

La discipline du marathon a très bien réussi ce virage avec la série des marathons majeurs (Londres, Chicago, Berlin, Boston et New York) alors pourquoi pas le triathlon?

Le sport doit grandir en gagnant en popularité et non en le contenant avec le mirage hawaïen.

P.S: Pas la peine de me qualifier d’anti Ironman. On critique ce que l’on aime et oui et je rêve de refaire Ironman Nice. Malheureusement  j’aimerai pouvoir m’inscrire à une épreuve sans que cela sonne comme futures dettes dans ma tête. 

 

4 commentaires
  1. Je ne suis pas certain que le Grand Chelem soit la solution… Combien d’Ironman par an un athlète élite est-il capable de courir à 99% de sa forme optimale ? Pour une distance aussi exigeante que l’Ironman je trouve pertinent l’idée de faire s’affronter TOUS les meilleurs sur une course de fin saison qui représente pour le GRAAL de la distance. Plusieurs courses diluerait probablement la confrontation. Par contre il serait surement intéressant comme vous le mentionnez de changer chaque année (ou tous les 2 ans) le lieux de l’organisation de cette finale Ironman… en alternant les continents…est-ce réaliste ?!! C’est devenu un automatisme de penser Ironman de Nice = fin juin. Pourrait-on organiser l’Ironman de Nice début octobre ?

    1. La tripple crown aux US est dans le même principe… un cheval ne peut être performant sur ces 3 courses (3 format différemment) rapprochées. Gagner les 3 est très difficile.
      Les $ afflux, c’est la parade des chapeaux 😉

      Secretariat…

  2. mmmh Alexandre a besoin de repos, ca se sent à la lecture de son texte…

    « On ne vend pas le marathon avec le rêve de prendre part à une course en particulier. » ah bon ? Tu vas m’en parler à tous ceux qui rêvent de se qualifier à Boston ou New York.

    Autre chose, alexandre semble oublier un point important : Hawaii est une course à qualification, avec des critères assez élevés (notamment basés non pas sur un temps qualificatif mais sur sa position dans son AG). C’est principalement cela qui en fait un mythe, avec bien sûr le côté spectaculaire de la course (vent, lave, pacifique…) et imprévisible (vainqueur surprise, déroulement improbable..)

    1. Non, une autre course serait aussi incertaine avec ce plateau. Tu n’as pas compris la nature du texte. Cela n’est pas anti Kona mais sur le fait que le système a tout fait pour provoquer une exclusivité. Le reve de se qualifier a Boston ou New York, ca s’est une vision nord américaine. Les meilleurs coureurs revent de courir Chicago et Berlin. Le meilleur niveau est la et non a Boston ou New York en AG.