La blessure, seulement une question de ‘physique’?

Texte par Cyril Schmit de Innov-Training.

Les (séquelles de) blessures peuvent constituer des compagnons de route (les rappels émotionnels, le non-retour à la performance, etc.). Elles représentent à ce titre une raison majeure à l’arrêt de la pratique. Les tenants et aboutissants de ce phénomène sont de mieux en mieux identifiés.

Historiquement, les facteurs de prévention du risque de blessure ont été appréhendés à travers un filtre physiologique (ex, le volume d’entraînement) ou biomécanique (ex, la raideur musculaire/articulaire). Cette dynamique a évolué. Depuis une vingtaine d’années, l’analyse des facteurs psychosociaux est entrée en jeu pour prévenir contre le risque de blessure.

cogiDu point de vue psychosocial, le risque de blessure est déterminé par la réponse de stress de l’athlète aux changements environnants (ex, apprendre une nouvelle, être témoin d’un événement). Le stress, c’est la source ! Plus précisément, cette réponse dépend à la fois de l’intensité et de la durée du stress subi, et on peut la représenter sous la forme d’un U-inversé (ci-joint) : une certaine dose de stress (peu long et/ou peu intense) a un impact positif sur l’organisme car ce dernier est stimulé (libération d’hormones type cortisol et adrénaline), mais devient délétère en cas d’excès. Pourquoi ?

En situation de pratique sportive et de stress important, les processus de traitement de l’information sont altérés (ex, vision périphérique réduite, temps de réaction allongés, mémoire de travail défaillante) et parvenir à se tempérer/concentrer requiert un effort surdimensionné. Vous le savez, on agit en conséquence surtout par réflexe, au coup par coup en réaction, car c’est un fonctionnement économique. En mode impulsivité ou «automatique». Ainsi, c’est en raison d’une carence attentionnelle, c’est-à-dire une incapacité à intégrer/considérer les informations afférentes de l’organisme (la « proprioception ») et de l’environnement (l’incertitude du terrain, le comportement d’autrui), que le risque de blessure pourrait être augmenté. On a donc ici une perspective neurocognitive.

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Avec ceci en tête, certains facteurs ont (logiquement) été identifié pour peser plus que d’autres, et donc prédire la survenue d’une blessure. Globalement, ces différences interindividuelles dans la réponse de stress convergent autour 3 paramètres (ci-joint). Une hypothèse mécanistique : les situations de stress (émotion !) sont reconnues pour activer les régions cérébrales de régulation de la peur (ex, l’amygdale) dont la stimulation est, elle, connue pour inhiber/déconnecter les centres de l’attention (ex, le cortex préfrontal). À termes, c’est donc la baisse du niveau de vigilance de l’athlète qui en pâtit. La suite, on la connait…

Dans cette logique, les résidus de peur – et le détournement attentionnel associé – peuvent expliquer pourquoi les individus antérieurement blessés, régulièrement soumis au stress, ou ayant témoigné un impact émotionnel fort en réponse à un événement, demeurent les individus les plus « à risque » vis-à-vis de la survenue d’une blessure.

En clair, moins j’ai de frein à être focus, moins je risque la blessure. À noter : le stress chronique biaise les processus de décision vers des comportements d’ « habitudes » sur la base d’une atrophie de régions cérébrales frontales.

Attention : la décadence liée à l’impact du stress psychosocial sur l’organisme fonctionne par étapes. Si cela peut être rassurant (on voit venir), en réalité, on se trouve déjà bien entamé(e) lorsque l’on prend conscience de notre état (d’ailleurs souvent grâce à un feedback extérieur). En fait, les écarts de vigilance ou de sensations à notre norme usuelle sont d’abord discrets et anodins, puis s’installent progressivement sous la forme d’une impression de perte de moyens, alors qu’aucun changement n’est (encore) opéré dans la pratique – précisément en raison de ce caractère anodin. Solutions : une vigilance gardée à l’égard des événement/périodes exceptionnels de stress potentiel – notamment lorsque l’enjeu est grand et risque de masquer les premiers symptômes de fatigue mentale – et des stratégies de coping!

studyLes études démontrent que les stratégies de coping (ou de gestion du stress) ont un impact important et positif dans la relation ‘réponse au stress / survenue de la blessure’. Autrement dit, plus on est compétent en ‘gestion de soi’, plus on a de billes pour affronter la diversité des incertitudes qui nous préoccupent. Les changement fonctionnels et structurels du stress sont donc réversibles! À noter : cet impact est particulièrement évident chez les individus « à risque » ; cette relation de dose-réponse (« je suis à risque, donc je réponds mieux ») affiche alors tout l’intérêt d’une mise en place précoce du coping chez des individus a priori moins exposés.

À moyen-terme, les stratégies de coping sont comportementales. Leur but est de renforcer notre capacité à répondre au stress en « prenant soin de soi » via i) une élévation du niveau de ressources disponibles (aspect quantitatif), et ii) un apprentissage de la connaissance de soi (aspect qualitatif). Dans le 1er cas, l’important sera de préserver son énergie : on programmera des ‘vrais’ temps faibles dédiés à la récupération (sans smartphone ni interactions), et on anticipera/organisera les futures périodes de stress potentiel pour gagner en flexibilité (quels paramètres de ma vie sont modulables, lesquels restent non-sacrifiables ? ex, temps de sieste, repas, temps social…). Dans le 2nd cas, on cherchera à repérer les facteurs de stress personnels (attentes d’autrui, pression du partenaire, peur de l’échec…) pour alors se réapproprier la tâche (développer des sources de motivation autotéliques et/ou auto-référencées). Important : des outils d’aide au suivi de l’état de forme (ex, score de bienêtre) peuvent aider à identifier la dynamique sur laquelle on se situe.

À court-terme, les stratégies de coping sont surtout cognitives – la relaxation/ventilation étant parfois difficile à implémenter selon le contexte. La « pleine conscience » entre dans ce cadre. Cette méthode consiste à porter son attention dans l’ici et maintenant, pour reconnaitre que l’on peut se trouver dans un état inconfortable, vis-à-vis duquel on ne fuit ni ne succombe mais que l’on accepte, pour alors se reconcentrer sur les éléments/buts pertinents (ex, son pacing, son plaisir). L’énergie n’est ainsi pas dépensée à inhiber/camoufler un problème, mais à établir un focus sur les outils de la performance (l’étape de lâcher prise permettant de conserver ses ressources, plutôt que les ‘gâcher’). En d’autres termes, l’enjeu initial peut éventuellement rester une menace mais il devient, par ses points-clé, surtout un défi. D’autres techniques efficaces à entraîner : l’autosuggestion (encourageante et bienveillante), l’attribution causale (ce que je peux contrôler, et ce sur quoi je dois lâcher prise).

Parmi les causes de blessure, on a donc une valence psychologique évidente, qui peut faire pencher la balance. Pour la faire pencher du bon côté, les stratégies de coping constituent une aide si elles sont maitrisées, appropriées, donc travaillées. Malgré elles, on ne reste pour autant pas à l’abri, et quelques mémos peuvent être de bons rappels : « Le jeu en vaut-il la chandelle ? » « À chaque jour suffit sa peine » « Connais-toi toi-même ».

Pour aller plus loin : Ivarsson et al. 2016 ; Soares et al. 2012


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